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Marine Le Pen : « Sarkozy nous manipule ! »

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Marine le Pen, vice-présidente du Front National et candidate à la succession de son père, fait sa rentrée. Menace de guerre avec l’Iran, décrépitude de la fonction publique, immigration : elle se place en opposition permanente avec le gouvernement.

J-J B : Est-ce que vous êtes prête au pire ?

M LP : Les déclarations de M. Kouchner sont très inquiétantes ; nous avions tenté, pendant la campagne présidentielle, de lever ce lièvre : nous disions que Nicolas Sarkozy était un va-t-en-guerre et qu’il avait, dans ce domaine, un positionnement qu’il n’exprimait pas. Je crois que désormais il a été exprimé par son ministre, qui semble d’ailleurs envisager la guerre avec une légèreté qui apparaît quand même coupable. Parce que tout le monde est bien conscient qu’une guerre avec l’Iran aurait des conséquences absolument dramatiques, et peut-être même mondiales.

J-J B : C’est maladroit cette déclaration ?

M L P : La question n’est pas un problème de maladresse mais de conviction. Si M. Kouchner a dit ce en quoi il croyait, il ne s’agit pas d’une maladresse mais de ce qu’il pense véritablement.

J-J B : La vérité est donc que la France doit se préparer à la guerre ?

M L P : La vérité est que M. Kouchner, avec l’accord du Président de la République, est en train de préparer la France à la guerre.

J-J B : C’est-à-dire accompagner par exemple les Etats-Unis qui se mettraient tout à coup à bombarder l’Iran ?

M L P : Je ne pense pas que M. Kouchner envisage d’aller tout seul avec une armée qu’il a contribué à laminer, puisque l’armée française n’aurait évidement pas les capacités pour se lancer dans un conflit tel que celui-là. Il est évident que derrière cette déclaration guerrière, il y a un alignement sur la politique américaine. On en avait déjà des prémices avec les tapes dans le dos de M. Sarkozy à M. Bush, avec le renforcement de la présence annoncée par Nicolas Sarkozy en Afghanistan, avec son positionnement sur la Turquie, où il y a eu un revirement de ses engagements.

J-J B : Mais alors que faire avec l’Iran ? Si l’Iran poursuit l’enrichissement de son uranium, que faire ?

M L P : Ça c’est le principe de la guerre préventive, on a longuement discuté de ces risques pendant la campagne présidentielle. En l’occurrence, on sait qu’il faut la démonstration que l’Iran a effectivement la possibilité d’avoir la bombe atomique. Pour l’instant les experts ne sont pas unanimes sur la capacité de l’Iran à construire cette bombe atomique. Il faut aussi se rappeler que la bombe atomique est l’arme de non emploi par excellence, puisque par définition, à partir du moment où elle est utilisée, le pays qui l’utilise est rayé de la carte probablement dans les quelques heures qui suivent. Je crois donc que la voix de la diplomatie ne peut pas être abandonnée parce qu’il en va de la paix dans le monde. Je trouve étonnant que ceux qui nous ont vendu l’Europe en nous disant que c’est elle qui a fait la paix, veulent aujourd’hui faire entrer notre pays dans une guerre qui pourrait avoir des conséquences mondiales.

J-J B : Mais selon vous, qu’est-ce qui guide Bernard Kouchner ? Un atlantisme maintenant ouvertement déclaré ? Un soutien à Israël ?

M L P : Je pense que c’est à la fois l’un et l’autre, étant entendu que c’est la même politique puisqu’on sait que la politique des Etats-Unis et la politique d’Israël sont extrêmement proches. Par conséquent, cette politique-là est en train de guider le gouvernement Français et le Président de la République. C’est très dangereux.

J-J B : Faut il réformer les régimes spéciaux des retraites ?

M L P : Oui, bien sûr. Je soutiens la déclaration tendant à dire qu’il faut les réformer, le problème étant qu’avec Nicolas Sarkozy il y a beaucoup de déclarations. Et après le cinéma que fait la Gauche en général à la suite de ces déclarations, il n’y a plus rien. J’attends donc de voir, effectivement, réaliser cette promesse de campagne. J’en ai vu beaucoup d’autres qui n’ont pas été réalisées et qui ont été abandonnées en cours de route.

J-J B : Faut il augmenter le traitement des fonctionnaires ?

M L P : On ne pourrait envisager d’augmenter leur traitement que si les services publics étaient plus efficaces qu’ils ne le sont. Et ce n’est pas toujours de la faute des fonctionnaires. On a vu dernièrement une étude qui a démontré que nous avions la fonction publique la plus lourde en terme de pression financière de toute l’Europe. Or il faut admettre que depuis de nombreuses années les Français voient leurs impôts augmenter et les services rendus par les services publics, de moins en moins bonne qualité. La sécurité est de moins en moins assurée, leurs enfants sont de moins en moins bien instruits, leurs hôpitaux sont dans des conditions déplorables, il y a donc là une grande réforme à faire.

J-J B : Est-ce que selon vous on ressent la rupture depuis l’élection de Nicolas Sarkozy ?

M L P : En aucune manière puisqu’il n’y a pas de rupture dans la politique du Président de la République.

J-J B : Qu’est-ce qui a changé ?

M L P : Il n’a rien changé, il n’a pas changé les flux migratoires, ni les conditions d’acquisition de la nationalité, ni l’école, ni le service minimum. Et surtout il a continué la politique pro-européenne. Nicolas Sarkozy me fait penser à M. Giscard d'Estaing. Quand Giscard a été élu c’était la même chose, les gens ont trouvé qu’il y avait une réelle rupture, qu’il était proche de toutes le préoccupations du peuple. Mais en réalité ce n’était que du cosmétique, de la communication. Mais la communication ne met pas de beurre dans les épinards de nos compatriotes, ça ne leur donne pas d’emploi, ça ne les rassure pas sur l’avenir de leurs enfants, ça ne leur permet pas d’aller dans la rue en toute sécurité.

J-J B : A vous entendre on suppose que vous êtes résolument dans l’opposition…

M L P : Ah oui je suis résolument dans l’opposition et je ne me suis jamais posé la question.

J-J B : Alors si l’on vous fait une proposition d’ouverture vous accepteriez ? Si l’on vous offrait une mission vous seriez d’accord ?

M L P : Objectivement, si c’est juste pour avoir une mission selon laquelle je serais chargée de poser des questions à mes camarades pour savoir ce qu’ils pensent, non. Je ne suis pas aussi naïve et je ne participerais pas à l’action du gouvernement, comme aucun partisan, je pense, du Front National.

J-J B : Vous regrettez qu’il n’y ai pas eu ouverture vers le Front National ?

M L P : Ça dépend où. Si c’est pour gouverner avec eux, non je ne le regrette pas parce que nous ne pouvons pas gouverner avec des gens qui sont en train de tuer purement et simplement la nation française par l’intermédiaire de l’Europe. Des gens qui sont des défenseurs acharnés de la mondialisation. En revanche que des représentants du Front National puissent être présents dans toute une série d’organismes consultatifs, ça ce serait normal. Pourquoi n’y a-t-il pas de représentant du Front National dans les conseils économiques et sociaux ? Pourquoi est-ce que dans les hauts commissariats pour la réflexion de ceci ou de cela on n’entend pas les 4 millions que Jean-Marie Le Pen a réunis sur son nom à la Présidentielle ? C’est parce que ce n’est pas une véritable volonté démocratique qui fait agir Nicolas Sarkozy mais une volonté de ruiner le Parti Socialiste, de le vendre à la découpe, ce qui en l’occurrence marche assez bien.

J-J B : Êtes vous d’accord avec les propos de Fadela Amara (ndlr : sur les tests ADN) ?

M L P : Non je ne suis pas d’accord avec elle mais la façon dont elle a exprimé sa position est mesurée. Elle a dit quelque chose que beaucoup d’hommes politiques ne disent plus… C’est qu’après tout, si le test est voté, il n’y aura plus rien d’autre à dire. Je ne suis pas d’accord avec elle parce que si vous voulez, lorsqu’il y a des fraudes on ne peut pas considérer que le contrôle est scandaleux.

J-J B : Donc vous dites oui au test ADN ?

M L P : Mais le test ADN n’existera jamais. C’est une vaste fumisterie. Comment pouvez vous imaginer que, sur le plan financier et même sur le plan pratique on puisse mettre en place un test ? Tout le monde sait que c’est impossible. Mais je tiens quand même à décortiquer un petit peu la méthode Sarkozy parce que c’est une méthode qu’il utilise régulièrement : il lance cette idée de test ADN parce qu’il sait que ça va choquer la Gauche, que la Gauche va hurler, que ça va donc donner une publicité à cette proposition qui va être énorme. Comme sur l’opération Aubervilliers, il a déçu ses électeurs, et à juste titre puisque comme dans l’affaire Cachan, le Gouvernement a cédé et que les squatteurs qui violent la loi seront relogés avant les gens qui ont eu la bêtise de remplir leur dossier et d’attendre depuis des années. Il lance une polémique qui s’arrêtera quelques temps après. Il n’y aura pas de test ADN, j’y mets ma main à couper.

J-J B : Nicolas Sarkozy nous manipule ?

M L P : Oui il s’agit d’une vaste manipulation. J’ose espérer que les Français seront lucides là dessus dans les mois à venir. Parce que, comme nous le disions tout à l’heure, il n’y a aucune rupture dans sa manière, par rapport aux gouvernements de monsieur Chirac.

J-J B : Une autre question sur l’immigration : la Commission Européenne va présenter le 23 octobre, son projet de la création d’un nouveau permis de séjour dans l’Union, une carte bleue s’inspirant de la carte verte américaine pour attirer les immigrants plus qualifiés. C’est une bonne idée selon vous ?

M L P : Que l’Union Européenne permette déjà à la France de recréer l’emploi pour ses propres nationaux et ensuite on envisagera d’aller chercher d’autres gens. Il y a quand même une absurdité totale à aller chercher des gens qualifiés dans d’autres pays alors qu’en France, manifestement, on n’est pas capable de les former et qu’on a 5 millions de chômeurs.

J-J B : Est-ce qu’il ne serait pas préférable d’avoir en Europe une véritable politique commune en matière d‘immigration ?

M L P : Mais arrêtons de vouloir faire la politique américaine, les Etats-Unis ça n’est pas l’Europe et ce qui fonctionne là-bas ne fonctionne pas en Europe. Aux États-Unis quand vous êtes un immigré en situation clandestine ou légale, vous n’avez le droit à rien si ce n’est le droit de travailler. Il est sûr que chez eux, soit on travaille, soit on s’en va. Pour nous c’est différent : on ne peut pas calquer notre politique sur celle des États-Unis et parce que nous ne voulons pas non plus devenir les États-Unis d’Europe.

La rédaction-Bourdin & Co