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Politique

Marine Le Pen enfonce un coin dans la majorité

Après les propos controversés de Marine Le Pen, une ligne de fracture se dessine entre l'ambitieux nouveau patron de l'UMP Jean-François Copé, qui appelle la droite à se placer sur le terrain du Front national, et un gouvernement soucieux de ne pas se jet

Après les propos controversés de Marine Le Pen, une ligne de fracture se dessine entre l'ambitieux nouveau patron de l'UMP Jean-François Copé, qui appelle la droite à se placer sur le terrain du Front national, et un gouvernement soucieux de ne pas se jet - -

par Patrick Vignal PARIS (Reuters) - Une ligne de fracture se dessine entre l'ambitieux nouveau patron de l'UMP, qui appelle la droite à se placer...

par Patrick Vignal

PARIS (Reuters) - Une ligne de fracture se dessine entre l'ambitieux nouveau patron de l'UMP, qui appelle la droite à se placer sur le terrain du Front national, et un gouvernement soucieux de ne pas se jeter la tête la première dans les pièges tendus par l'extrême droite.

Jean-François Copé, qui a refusé une place dans la nouvelle équipe de François Fillon pour prendre le contrôle du parti présidentiel, a marqué d'emblée sa différence en réagissant samedi sans nuance aux dernières déclarations de Marine Le Pen.

Celui qui se verrait bien dans les habits du chef de l'Etat en 2017 a demandé à la formation majoritaire de ne pas laisser les dossiers de l'immigration et de la sécurité au FN.

Pas une bonne idée, lui a rétorqué François Fillon.

C'est avec mesure, a-t-il affirmé mardi, qu'il faut s'opposer à celle qui rêve de succéder à son père à la tête de son parti et se voit déjà au second tour en 2012.

L'affaire fait désordre à un moment où le mot d'ordre à l'UMP est l'unité derrière Nicolas Sarkozy, candidat naturel à la présidentielle, et où le chef de l'Etat comme François Fillon préfèrent rassembler plutôt que de raviver des polémiques.

Ce couac doit résonner harmonieusement aux oreilles de Marine Le Pen, qui ne demande pas mieux que de voir la droite traditionnelle se diviser sur la manière de l'affronter.

L'histoire commence vendredi dernier, quand la vice-présidente du FN rappelle qu'elle est la fille de son père en établissant un parallèle entre les prières de musulmans dans la rue et l'Occupation pendant la Seconde guerre mondiale.

RETOUR AUX FONDAMENTAUX

Le lendemain, en marge du conseil national de l'UMP, Jean-François Copé appelle son parti à un "retour à fond" sur les fondamentaux pour contrer la remontée du FN. Il ne s'arrête pas là et réclame de remettre au goût du jour le sulfureux débat sur l'identité nationale.

"Je pense que c'est un grand débat, un débat nécessaire qu'il nous faudra immanquablement reprendre, c'est essentiel", dit-il à des journalistes.

Trois jours plus tard, François Fillon, à la tête d'un gouvernement où le très décrié ministère de l'identité nationale a disparu en tant que tel, corrige le tir.

"Il n'est pas nécessaire de tomber tête baissée dans toutes les provocations parce que c'est évidemment exactement ce que cherche l'extrême droite", argumente le Premier ministre dans un discours aux parlementaires de la majorité.

Le lendemain, François Baroin enfonce le clou en laissant à l'UMP la responsabilité de remettre sur la table un sujet empoisonné. "Cette question (de l'identité nationale), pour le gouvernement, dans sa construction et son architecture ministérielle, est derrière nous", déclare le porte-parole du gouvernement à l'issue du conseil des ministres.

Resté prudemment à l'écart du débat, Nicolas Sarkozy a reçu jeudi un coup de pouce bienvenu de Rama Yade, qui le décrit ainsi : "Il a gagné contre tous les conservatismes, y compris dans son propre camp, parce que c'est un progressiste."

L'ancienne secrétaire d'Etat aux Sports, qui vient de tourner le dos à l'UMP pour rejoindre le Parti radical de Jean-Louis Borloo, est moins tendre pour Jean-François Copé, qu'elle accuse de se tromper de stratégie et de brûler les étapes.

"Nous ne sommes pas encore en 2017", a-t-elle rappelé jeudi sur Europe 1. "La prochaine échéance, c'est 2012, c'est Nicolas Sarkozy."

BONNE QUESTION

Jean-François Copé aurait-il perdu une bonne occasion de se taire ? Un ministre UMP n'est pas loin de le penser.

"Je ne vois pas ce que ça (relancer le débat sur l'identité nationale-NDLR) peut amener", confie ce dernier à Reuters. "Il faut être très, très prudent sur ce sujet. Ça peut permettre de gagner quelques voix sur le FN mais aussi d'en perdre dans l'électorat centriste."

Même son de cloche de la part de Bernard Accoyer, le président UMP de l'Assemblée nationale : "A partir du moment où le débat s'est plutôt mal passé, je ne vois pas bien l'intérêt de le relancer", fait-il valoir.

Critiqué par son propre camp, Jean-François Copé n'en a pas moins soulevé une question pertinente pour l'UMP.

Guettée par l'émergence de plusieurs candidats centristes, la droite doit impérativement se positionner par rapport aux thèses du Front national, alors que certains brandissent déjà le spectre d'un "2002 à l'envers" en 2012 avec un socialiste face à un candidat du FN au second tour.

La solution, pour la majorité, passe par la réponse à apporter au danger représenté par l'extrême droite, dont les propositions reçoivent un écho grandissant dans l'opinion.

En invitant à rallumer les feux d'un été sécuritaire au cours duquel Nicolas Sarkozy avait provoqué un tollé en liant immigration et délinquance, Jean-François Copé a pris un risque.

Avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse