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Politique

Macron a-t-il vraiment réussi son G7?

Au terme de trois jours de sommet international à Biarritz, Emmanuel Macron est salué pour sa posture offensive lors du G7, qui lui a assuré plusieurs succès diplomatiques. Un rôle de chef d'orchestre qui lui a permis de désamorcer les tensions existantes sur plusieurs gros dossiers internationaux; parmi lesquels le dossier iranien, ou encore la taxe sur les Gafa.

C'est un sommet du G7 ponctué de coups d'éclats qui vient de se clôturer à Biarritz, au cours duquel les dirigeants des sept nations les plus industrialisées (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis, Canada et Japon) ont affiché une rare unité; et au cours duquel Emmanuel Macron a endossé le rôle de médiateur et de chef d'orchestre. Mais quel bilan faire de ces trois jours de débats dans le sud-ouest de la France?

Les premiers observateurs estiment que contrairement aux sommets précédents, Emmanuel Macron a réussi à ramener l'exercice du G7 à un climat plus consensuel, avec au passage un coup diplomatique sur l'Iran. Sur le plan sécuritaire, d'abord, le gouvernement français a globalement passé l'épreuve avec succès, lui qui voulait éviter à tout prix de voir le sommet émaillé de manifestations violentes après la crise des gilets jaunes. Lundi, Emmanuel Macron a également insisté sur le fait que ce sommet avait coûté "dix fois moins cher que le précédent". "Ce G7 était moins cher, si ce n'est le moins cher de l'histoire", a-t-il assuré lors d'une conférence de presse.

Le sommet s'était pourtant ouvert sur un clash, par tweets, entre le président français et son homologue brésilien, sur les incendies de forêt en Amazonie. Si cela a eu le désavantage de dégrader un peu plus les relations franco-brésiliennes déjà tendues, cette querelle a eu le mérite d'imposer le sujet comme priorité du sommet, et d'envoyer un message aux écologistes et à la gauche en s'opposant à l'accord de libre-échange UE-Mercosur.

Samedi, le G7 s'est entendu sur une aide d'urgence de 20 millions de dollars pour envoyer des avions bombardiers d'eau lutter contre les feux de forêt en Amazonie. Les sept ont aussi convenu de créer un volet d'aide à moyen terme destiné à la reforestation, qui sera finalisé au cours de l'Assemblée générale de l'ONU fin septembre.

  • "Une nouvelle donne sur la scène internationale"
"Au G7, c'est Emmanuel Macron qui surprend le plus", a noté lundi la revue allemande Cicero. "Sur l'Amazonie, l'Iran, la Russie ou les guerres commerciales, il mène la danse. Angela Merkel, elle, donne l'impression d'être reléguée à la marge".

De manière générale, c'est un "sommet explosif qui a bien fonctionné", considère notre éditorialiste politique Ulysse Gosset ce lundi soir sur notre antenne. "La percée diplomatique que le président avait annoncée dès le début du sommet a bien eu lieu, et on ne peut que s'en féliciter car Emmanuel Macron a véritablement réussi à créer une donne nouvelle sur la scène politique internationale", juge l'éditorialiste.

Il estime que lors de ce sommet, "Emmanuel Macron s'est montré volontariste. Il a su pousser les pions de la diplomatie française et a su saisir l'occasion du G7 pour rebondir sur le trou d'air des gilets jaunes, et c'est une certaine réussite", ajoute Ulysse Gosset. "Ça le remet en scelle pour la rentrée".

Un avis partagé par Christine Ockrent, journaliste et écrivaine invitée sur notre antenne ce lundi soir. Pour elle, il y a eu "de véritables avancées". Cependant, cela "ne veut pas dire que toutes les solutions ont été trouvées d'un coup de baguette magique présidentielle", tempère-t-elle.

"Ce n'est pas un coup de poker, ce sont des efforts ensemble, et le rôle de la France est de faire des médiations", a déclaré le chef de l'État sur France 2 ce lundi en guise de bilan de ce sommet. Un peu plus tôt, le président s'était félicité d'avoir réalisé "un travail très productif" et de "très bon échanges". 
  • Le coup de théâtre iranien

Le chef de l'État a réussi un coup de théâtre total dimanche, en invitant à Biarritz le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif. Un pari diplomatique osé pour prévenir "une escalade" des tensions entre Washington et Téhéran sur le nucléaire iranien.

L'initiative française a surpris l'ensemble des dirigeants européens présents, prévenus à la dernière minute, mais a reçu l'assentiment de Donald Trump. Lorsque Emmanuel Macron le prévient de cette invitation, il lui répond: "Allez-y!". Boris Johnson, Premier ministre britannique, lui lance alors "Well done" ("Bien joué").

"On a franchi une étape importante sur la crise iranienne dans ce G7", s'est félicité Emmanuel Macron ce lundi soir sur France 2, au terme du sommet. Il reconnaît néanmoins: "On a pas tout réglé sur le sujet de l'Iran, loin de là (...) On a fait baisser la pression. On a réussi à apaiser les choses et à réaffirmer nos ambitions de paix et de stabilité".

"Que Rohani soit prêt à une rencontre, c'est un vrai changement car il a toujours refusé jusque là", souligne Ulysse Gosset sur notre antenne. "Donald Trump lui-même lui avait déjà proposé à plusieurs reprises. C'est l'issue d'un travail de très longue haleine, cela fait des mois que les Français travaillent à cette ouverture", explique-t-il. 

  • Donald Trump, un soutien de taille

Ce sommet du G7 est un succès dans la mesure où le président américain s'est montré conciliant sur tous les contentieux, du commerce à l'Iran. "Emmanuel Macron a bénéficié d'un soutien de poids car Donald Trump a joué le jeu et il l'a laissé faire, l'a contenu". Loin de son ton souvent éruptif, Donald Trump a eu un comportement inhabituellement "modéré" lors de ces trois jours, juge notre éditorialiste politique, Ulysse Gosset.

Philippe Moreau-Chevrolet, communicant et président de MCBG Conseil, s'étonne sur notre antenne que le président Français ait réussi "à contenir Trump". Macron est parvenu à créer "de l'événement en série tout au long du sommet", ne laissant pas vraiment à Trump l'opportunité d'être l'élément perturbateur du groupe.

Il faut dire que durant ces trois jours, Emmanuel Macron a multiplié les égards à l'encontre de son imprévisible homologue, dont l'épouse Melania a été parallèlement choyée par Brigitte Macron. Samedi midi, le président français a invité Donald Trump à déjeuner. Les deux hommes ont ainsi passé deux heures à discuter, aplanissant d'avance plusieurs différends.

Ce lundi, Donald Trump en personne a remercié la France, dans un tweet, après avoir salué "deux jours et demi de grande unité". "Ce G7 a été une grande réussite", a-t-il même affirmé. "Un message d'unité, c'est vraiment ce qui est ressorti de nos échanges", a renchéri Macron.

  • Un sommet sur la crise en Ukraine

Autre avancée notable sur le plan politique. Un sommet réunissant les dirigeants ukrainien, russe, allemand et français devrait se tenir en septembre en vue d'avancer vers la paix en Ukraine. Les pays du G7 ont acté que la France et l'Allemagne organiseraient "un sommet en format Normandie dans les prochaines semaines afin d'obtenir des résultats concrets". "Les conditions sont réunies pour un sommet utile", a estimé le président français lors de la conférence de presse finale.

  • L'égalité homme-femme et l'écologie: grands oubliés?

Certains commentateurs se montrent cependant plus mitigés. "Il y a quand même des oublis", estime Éric Heyer, docteur en économie et directeur du département d'analyse et de prévision de l'OFCE. "Certes il y a eu quelques avancées mais on en sait toujours pas comment va évoluer la situation commerciale entre la Chine et les États-Unis. Des tweets de Donald Trump datés de dimanche laissent penser que la situation est loin d'être réglée. Il ne s'est rien dit non plus sur le Brexit alors que c'est une énorme incertitude pour l'Union européenne". Cependant, il salue l'effort pour "reconstruire le multilatéralisme" et non le "bilatéralisme".

Autre ombre au tableau à Biarritz, Donald Trump a annoncé qu'il pourrait inviter le président russe Vladimir Poutine au prochain sommet du G20 en 2020 aux Etats-Unis, alors que la Russie est exclue de cette enceinte depuis l'annexion de la Crimée en 2014. Ses partenaires excluent toute réintégration de la Russie tant que la crise ukrainienne n'est pas réglée.

Sur la question climatique, le bilan est aussi mitigé. Ce lundi au terme de ces trois jours, Greenpeace a regretté que les sept dirigeants n'aient fait que répéter leurs "ambitions" en termes de protection de l'environnement, au lieu de "détailler leurs actions" face à "l'urgence du changement climatique".

"Nous avons besoin de plus que des paroles pour affronter l'urgence climatique", a déclaré Jennifer Morgan, la directrice de Greenpeace International, dans un communiqué. 

Enfin, la traditionnelle "photo de famille" des sept leaders a affiché un déséquilibre flagrant. En effet, une seule femme (la chancelière allemande Angela Merkel) se tenait aux côtés des autres puissants dirigeants internationaux. Un taux pas vraiment raccord avec l'égalité homme-femme, qui était pourtant le thème officiel du G7. L'arrivée sur l'estrade des épouses en robes colorées, pour une photo élargie, accentue encore ce déséquilibre.

Jeanne Bulant