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Politique

Loi sur le génocide arménien : la colère des Turcs

Manifestation à Paris de Franco-Turcs.

Manifestation à Paris de Franco-Turcs. - -

Après le vote hier jeudi sur la négation du génocide arménien, la Turquie, en guise de représailles, a gelé sa coopération militaire et rappelé son ambassadeur en poste en France. A Paris, où vit une forte communauté turque, l'incompréhension règne.

Le texte, voté à main levée et à une très forte majorité de la cinquantaine de députés présents, prévoit un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour toute négation publique d'un génocide reconnu par la loi. En guise de représailles, Ankara a suspendu toutes ses visites officielles avec Paris, gelé sa coopération militaire et rappelé son ambassadeur en poste en France.

Sarkozy veut « gagner des votes avec la turcophobie »

Recep Tayyip Erdogan, le premier Ministre Turc a condamné dans des termes très fermes un texte qui relève d'une « politique fondée sur le racisme, la discrimination et la xénophobie ». Il accuse Nicolas Sarkozy d'avoir sacrifié les relations bilatérales « au nom de calculs politiciens » : « La volonté de gagner des votes en utilisant la turcophobie et l’islamophobie pour remporter une élection présidentielle, nous préoccupe, aux niveaux de la France, de toute l’Europe et de ses valeurs universelles ».
Les mesures détaillées par le Premier ministre turc frappent donc comme prévu très fort contre les intérêts français, obtenant comme attendu l’assentiment de l’opposition parlementaire. La formation social-démocrate a ainsi promis son plein soutien aux sanctions décrétées par le chef du gouvernement. Quant aux nationalistes, ils voulaient même couper tout lien économique avec Paris ; ce qui est impossible à cause de l’union douanière et de l’Organisation mondiale du commerce.
Comme on s’y attendait aussi, le sentiment anti-français ou anti-gouvernement français est à son comble ; ce qui fait craindre aux entrepreneurs de l’Hexagone en Turquie une sérieuse baisse de leur activité, un manque-à-gagner risquant de s’aggraver encore, avec les autres représailles promises par Ankara, si cette loi passe au Sénat.

La France dit "regretter" les décisions de la Turquie, et Alain Juppé, chef de la diplomatie française a appelé le pays à ne pas "surréagir". François Hollande, le candidat socialiste à l'élection présidentielle, avait lui-même demandé en septembre à la nouvelle majorité sénatoriale de reprendre la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale en 2006, avant que le président de la République s'engage dans la même voie 10 jours plus tard. Aujourd'hui, il accuse Nicolas Sarkozy de convoiter les voix des quelques 500 000 Arméniens de France.

« Encore une loi qui va créer plus de communautarisme »

Dans le 10e arrondissement de Paris, où vit une forte communauté turque, l'incompréhension règne. Dans sa modeste librairie turque, Omer n'en revient toujours pas : « Je suis triste, c'est pas à la politique de juger de l'Histoire. Ça fait mal ». Cet enseignant de 31 ans est originaire d'Istanbul. Pour lui, génocide ou pas, cette loi prive les Turcs de dialogue, avec les Arméniens en France : « ça va plus débattre, ça va attiser les rancœurs. Ils ont encore sorti une loi pour créer encore plus de communautarisme, c'est dommage ».
Omer et les autres Turcs parisiens espèrent maintenant que le Sénat ne votera pas la loi. Mais pour eux, le mal est déjà fait : « On pourra jamais l'oublier ».

La proposition de loi doit maintenant être examinée par le Sénat avant la fin de la législature pour être éventuellement adoptée.

La Rédaction, avec JC. Bob (Istanbul) et C. Ponzio