BFMTV
Politique

Les stations-service hors-la-loi ?

-

- - -

La nouvelle loi Bachelot, interdisant la vente d'alcool réfrigéré dans les stations-service, ne serait pas respectée. Un chiffre d'affaire important, surtout l'été, auquel les commerçants ne semblent pas vouloir renoncer.

Les stations-service ne respectent pas la nouvelle loi Bachelot contre l'alcool. C'est ce que révèle une enquête du magazine Auto Plus de cette semaine. Depuis le 22 juillet, la loi interdit la vente d'alcool entre 18h et 8h le matin dans les points de vente de carburant. L'interdiction de vente est même totale pour les boissons alcoolisées réfrigérées. En théorie, on ne peut donc plus du tout acheter de bière fraîche dans une station. Mais sur le terrain, c'est une autre affaire...

Visite d'une station service « dans l'illégalité »

Nicolas Marsan de RMC, s'est rendu dans une station-service parisienne d'une grande enseigne. Dans la boutique, les bières sont au frais et bien apparentes. Derrière la caisse, au dessus des bouteilles de whisky ou de rhum, un écriteau stipule que la vente d'alcool non réfrigérée est interdite entre 22h et 6h du matin ; c'est l'ancienne loi datant de 1991. Je dis au gérant que les horaires inscrits ne sont plus les bons, il me répond du tac au tac qu'il est au courant mais qu'il n'a pas eu de consignes particulières de la direction. Et pour les bières au frais ? Oui, on va les enlever, me dit-il. Quand ? Pas de réponse. Et de toute façon, comme me dit un autre pompiste, les forces de l'ordre ont bien d'autres choses à faire en été que de contrôler des stations services...

« Un chiffre d'affaire primordial, surtout l'été »

Le projet de loi ayant été voté en mars dernier à l'Assemblée, les pétroliers avaient le temps de se mettre aux normes. Mais qui dit été, dit barbecues et fêtes improvisées. Résultat, à cette période, les stations-service vendent beaucoup d'alcool et rechignent donc à appliquer cette nouvelle loi. Ce que confirme Pierre-Olivier Savreux, rédacteur en chef adjoint d'Auto Plus : « aujourd'hui dans une station-service, le chiffre d'affaire réalisé par la boutique, et notamment par le rayon alcool, est vraiment primordial ; les marges sont bien plus importantes que sur le carburant. Donc, il y a certainement eu une connivence entre les grands groupes pétroliers et les revendeurs pour jouer la montre et faire en sorte que pendant qu'il n'y a aucun risque de contrôle, ces produits puissent continuer à être vendus, certes sous le manteau, mais vendus quand même. »
Rappelant que les commerçants encourent une amende de 7500 euros, il conclue, optimiste : « vers la fin août début septembre, quand le pays va se remettre à fonctionner après les grandes vacances et qu'il y aura certainement des contrôles, beaucoup de commerçants vont rentrer dans le rang. »

« Une loi complètement injuste »

Christophe Roux, président national des propriétaires exploitants de stations-service [ndlr, 8 000 stations sur les 13 000 françaises en sont membres], explique pourquoi il va saisir le conseil constitutionnel à la rentrée au sujet de cette loi : « c'est une loi complètement inique. Il y a une discrimination évidente entre tous les acteurs du marché, puisqu'une station-service n'a pas le droit de vendre de l'alcool réfrigéré, ou bien de l'alcool tout court entre 18h et 8h le matin, alors qu'une épicerie peut en vendre, une grande surface peut en vendre alors qu'elle a éventuellement une station-service ; il y a inégalité de traitement. Il faut quand même bien nous laisser écouler les stocks ; on a donc demandé un délai de 3 mois. On attend la réponse, mais encore faut-il que le ministère se réveille. »

Moins de morts sur les routes ?

Pour Roselyne Bachelot, cette interdiction de vente d'alcool dans les stations pourra éviter de nouveaux morts sur la route. Un argument que les gérants de stations-service réfutent, comme l'explique Patrick, qui en gère une à Paris : « la plupart des jeunes qui meurent sur la route sont déjà en état d'ivresse avant de prendre le volant. Ils ont été au café du coin, dans l'épicerie ou un grand supermarché. C'est pas logique, 10 mètres plus loin il y a une épicerie. A la base, le rôle des grandes surfaces est de vendre de l'alimentaire, mais maintenant ils vendent du carburant ; pourquoi ? D'accord, c'est un produit d'appel ; mais dans ces cas-là, qu'ils arrêtent de vendre de l'alcool entre 18h et 8h du matin. Eux, ils nous cassent le marché parce qu'ils vendent l'essence à ras les pâquerettes. Et à nous, on nous supprime le peu de moyens qu'on a pour gagner de l'argent. »

La rédaction, avec Nicolas Marsan