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Terrorisme: en proposant une "justice exceptionnelle" sans appel, Guillaume Peltier met le feu à LR

Christian Jacob (d) et Guillaume Peltier à Paris le 21 janvier 2020

Christian Jacob (d) et Guillaume Peltier à Paris le 21 janvier 2020 - ALAIN JOCARD © 2019 AFP

Plusieurs cadres dirigeants de LR ont publiquement pris leurs distances avec le numero deux du parti, qui a par ailleurs déclenché un tollé en revendiquant sa proximité avec Robert Ménard.

"Ça gueule en interne." Un bel euphémisme que celui formulé auprès de BFMTV par ce cadre du parti Les Républicains. Dimanche, son vice-président Guillaume Peltier a déclenché un tollé lors de sa venue au Grand jury RTL/Le Figaro/LCI. D'abord en revendiquant sa proximité avec Robert Ménard, mais surtout en proposant de rétablir la Cour de sûreté, vestige de l'époque où sévissait l'OAS, pour lutter contre le terrorisme islamiste... en retirant la possibilité d'y faire appel.

"L'idée, c'est de créer une justice exceptionnelle, sans appel possible, la Cour de sûreté de la République avec trois magistrats spécialisés (...) Si le Conseil Constitutionnel s'y oppose, nous pourrons proposer ça par référendum au peuple français", a lancé le député du Loir-et-Cher.

"Loufoquerie"

Tout est dans le "nous". Car en s'exprimant ainsi, en proposant ni plus ni moins de remettre en cause l'une des bases de notre droit, Guillaume Peltier engage mécaniquement le parti dont il est le numéro deux. Et ce, sur un plan doctrinal à un an d'une élection présidentielle que LR aborde dans une position difficile. À la fois par son manque de candidat indiscutable et par la pression exercée simultanément par La République en marche et le Rassemblement national.

Or, l'ensemble des principaux dirigeants du parti ont immédiatement rejeté cette "proposition" signée Peltier. Guillaume Larrivé, ex-candidat à la présidence de LR, l'a même qualifiée de "loufoquerie" sur son compte Twitter.

"La possibilité de faire appel, en matière pénale, n’est ni une vieillerie ni une marotte de méchant gauchiste-laxiste, mais un progrès auquel il n’est pas question de renoncer dans un État civilisé", a écrit le député de l'Yonne, spécialiste des questions régaliennes au sein du parti.

Secrétaire général de LR, donc le numéro trois, Aurélien Pradié a quant à lui jugé que la phrase de son supérieur direct (avec qui les relations ne sont guère chaleureuses) relevait de l'"annonce dingue". Le patron du parti, Christian Jacob, s'en est tenu à désavouer - à mots couverts - l'appel du pied de Guillaume Peltier à Robert Ménard, le maire de Béziers proche du RN.

"L’heure n’est pas aux prises de positions personnelles qui nuisent à tous mais à la mobilisation derrière nos candidats. Au moment où LR est en tête des enquêtes d’opinion, j’invite l’équipe dirigeante à être en soutien total derrière nos listes. La seule priorité: jouer collectif", a-t-il tweeté.

"Connerie sur connerie"

En coulisses, les langues n'ont pas besoin d'être titillées longtemps au sujet du vice-président de LR pour se délier. "On le savait bon en économie, on le découvre bon juriste. La droite a un incroyable talent", raille un proche de Bruno Retailleau, le patron du groupe au Sénat.

"Peltier dit connerie sur connerie depuis plusieurs années et personne ne lui a jamais rien dit. Et pour être invité sur les plateaux il est obligé de dire les pires bêtises", peste un jeune cadre du parti.

De l'avis général, l'ancien membre des jeunesses frontistes, passé par les cases Bruno Mégret puis Philippe de Villiers avant d'atterrir à l'UMP, n'a aucune légitimité à parler au nom de la droite, malgré son statut.

"Peltier est l'archétype de la feuille morte en politique. Il va où le vent l'amène. Jacob était le meilleur président des LR à ses yeux il y a encore un mois. On va voir s'il l'ouvre au prochain Conseil stratégique", décrypte un conseiller du parti. Une réunion qui pourrait se tenir durant l'entre-deux tours des élections régionales des 20 et 27 juin.

Corée du Nord

D'autres adoptent une position plus nuancée. Julien Aubert par exemple, qui avait lui aussi brigué la présidence de LR fin 2019, a d'abord rappelé sur Twitter que son mouvement, Oser la France, "avait proposé en 2018 de créer une Cour de sûreté anti-terroriste".

"C'est une bonne idée selon moi. Mais quand on y ajoute la suppression de l'appel, ça donne un petit côté Corée du Nord qui nuit à la crédibilité", tacle-t-il auprès de BFMTV. "Des mesures, tout le monde est capable d'en susciter. Ce qui manque aux LR, c'est une discussion franche en interne sur la stratégie globale, de la discipline dans l'équipe dirigeante, un projet pour la présidentielle... et enfin un candidat pour l'incarner."

Beaucoup, in fine, pointent du doigt l'incapacité de Christian Jacob à tenir ses troupes. Et ne s'attendent pas à ce que Guillaume Peltier fasse l'objet de la moindre mesure de rétorsion. "Ça fait plusieurs mois que nous aurions dû taper du poing sur la table", juge un député à son sujet, faisant allusion à ses autres sorties clivantes. Un autre fustige "l'absence de cap idéologique du chef et la volonté de promouvoir des gens qui n'ont aucune colonne". "Moralité: dimanche, RTL a invité un saltimbanque", conclut-il.

Jules Pecnard Journaliste BFMTV