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Municipales: le départ de Wauquiez va-t-il stopper l'hémorragie des maires LR sortants vers LaREM?

Laurent Wauquiez à Lyon le 16 mars 2019.

Laurent Wauquiez à Lyon le 16 mars 2019. - ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Alors que plusieurs maires de droite ont annoncé leur départ de LR et que l'hémorragie se faisait pressentir, la démission de Laurent Wauquiez, véritable répulsif pour certains élus, change la donne.

Pendant une semaine, la famille Les Républicains a été ébranlée par un vent de panique. Après la déroute électorale des européennes, les caciques du parti, agrippés à la cape de Gérard Larcher, se sont affairés pour reconstruire la droite et préparer en urgence le terrain des municipales de 2020. Pour sauver ce qui peut encore l'être.

De leur côté, les leaders de La République en marche (notamment ceux venus de la droite) ont multiplié les appels du pied aux maires LR sortants. Parmi ces derniers, certains ont franchi le pas, quittant le parti de Laurent Wauquiez, visiblement décidé à se "bunkériser". L'hémorragie d'élus semblait inéluctable... jusqu'à ce que la décision surprise du président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ne rebatte les cartes.

"Les types tentés par l'exode vont attendre un peu"

"Il va y avoir un avant et un après-départ de Laurent Wauquiez. Il bloquait beaucoup de choses. Sa présence était un répulsif pour certains maires. Vous aviez tout un tas de mecs prêts à se tirer, soit pour se présenter en indépendants, soit pour rejoindre Agir", observe pour BFMTV.com un élu des Hauts-de-Seine, qui connaît bien son territoire. 

"Wauquiez parti, les types qui étaient tentés par l'exode vont attendre un peu", ajoute ce centriste. En clair, selon lui, LR peut espérer préserver une partie de son maillage local et résister à LaREM. Pour cela, beaucoup s'accordent à le dire, la réunion prévue mardi sous l'égide du président du Sénat sera capitale. Y seront présents plusieurs pontes de la droite et du centre, notamment les patrons d'associations d'élus: François Baroin (communes), Dominique Bussereau (départements) et Hervé Morin (régions).

Outre l'objectif d'esquisser les contours d'un intérim viable, ce raout aura vocation à tenir les rangs, à construire une stratégie visant à rassurer les élus locaux tentés d'ouvrir les bras aux troupes d'Emmanuel Macron.

Multiplication des listes "d'union"

"Beaucoup de maires LR vont faire campagne essentiellement sur des enjeux locaux", rappelle Vincent Chriqui, ex-directeur de campagne présidentielle de François Fillon et édile de Bourgoin-Jallieu, qui brigue un deuxième mandat.

"Je conçois ma stratégie de façon indépendante des états-majors. C'est possible que l'hémorragie soit stoppée, mais c'est trop tôt pour le dire. Et les municipales sont un scrutin très particulier, où il peut y avoir des coalitions. De ce point de vue, la stratégie de LaREM a du sens, elle est logique pour un parti jeune qui cherche à s'implanter. Personnellement, je suis ouvert à la discussion avec eux, comme beaucoup de maires", développe-t-il auprès de BFMTV.com.

La traduction de cet état d'esprit sera la multiplication, d'ici mars prochain, des listes "d'union" où le nom de la ville supplantera celui des partis. Un cauchemar pour LR, qui court le risque de voir une carte de France où les tons bleus s'estompent encore un peu plus. "La tâche bleue, ça peut aussi être du LR-LaREM", tempère néanmoins Vincent Chriqui. 

Pour l'ex-LR modéré Dominique Bussereau, président de l'Association des départements de France, les prochaines municipales vont accoucher d'un "kaléidoscope indéchiffrable".

"Il y a énormément de maires et de conseillers municipaux LR qui ont déjà quitté le parti sans publier de communiqué, parce qu'ils savent que l'étiquette ne sera pas bonne en 2020. Wauquiez ou pas Wauquiez à la tête du parti. Même sans le démarchage opéré par des ministres comme Sébastien Lecornu, j'ai beaucoup d'élus qui me disent qu'ils ne paient plus leur cotisation à LR", rapporte l'ancien ministre des Transports à BFMTV.com. 

"Pêché d'arrogance" de LaREM

Maire de Meaux et président déchu de l'UMP, Jean-François Copé opère un retour médiatique remarqué depuis les résultats des européennes. S'il ne s'attend pas à ce que l'initiative de Gérard Larcher soulève des montagnes, il enjoint les édiles LR sortants à ne pas se précipiter. 

"Il n'y a pas une urgence extrême à se prononcer en faveur d'une autre étiquette que celle sur laquelle on a été élu. Le mieux serait de patienter. D'autant que les récentes attaques de la macronie ont été d'une grande maladresse", prévient-il auprès de BFMTV.com. 

À travers cette remarque, l'ancien ministre de Jacques Chirac vise en particulier la phrase prononcée vendredi par Gilles Boyer sur Europe 1, sur les maires réélus sans l'apport de LaREM ou du MoDem, "ennemis" annoncé du chef de l'État en 2022. Une "vraie connerie" selon Jean-François Copé:

"On croyait que l'esprit macroniste, c'était peace and love. Il y aurait donc une face sombre? C'est un pêché d'arrogance."

Un impair tactique qui a fait bondir Eric Woerth, pilier de LR qui compte bien s'investir dans la reconstruction de son mouvement. "Honnêtement, c'est honteux", s'est-il indigné sur notre antenne. 

"Faut y aller ouvert"

Dominique Bussereau estime qu'il sera toutefois difficile d'empêcher les maires sortants de faire ce qu'ils veulent, "sans demander quoi que ce soit à Paris".

"Dans beaucoup de départements, des micro-partis locaux ont été créés pour préparer la campagne. Ils incluent des radicaux, des UDI, des LR... On ne leur demande pas leur étiquette. Pour les municipales, il faut y aller ouvert. Il ne faut pas oublier qu'à Pau, François Bayrou a des LR dans sa majorité", s'amuse-t-il. 

Selon Vincent Chriqui, "la recomposition politique actuelle fait qu'on est dans un paysage explosé, émietté". "Beaucoup de maires vont ouvrir les bras pour éviter d'être enfermés dans la ligne '8,5%'", ironise-t-il, en référence au score de François-Xavier Bellamy le 26 mai. Dominique Bussereau abonde dans ce sens avec un constat:

"Aujourd'hui, il y a 35.000 paysages politiques différents."

Jules Pecnard