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Les parlementaires se mettent aux notes de frais

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Photo d'illustration - AFP

Les parlementaires devront désormais justifier de leurs dépenses pour leurs frais de mandat.

Supprimer l'enveloppe pour frais de mandat des parlementaires, non contrôlée, pour la remplacer par des remboursements sur justificatifs: l'Assemblée nationale a voté ce jeudi cette mesure clé des textes sur la moralisation de la vie publique, qui soulève aussi la question de la rémunération globale des élus du palais Bourbon.

"Des habitudes à prendre"

Après trois heures de débats, les députés se sont prononcés à main levée pour la réforme, présentée par le gouvernement comme "nécessaire" et "de bon sens". Les remboursements sur justificatifs pour les parlementaires sont déjà pratiqués au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada.

Demander des factures, "ce sont des habitudes à prendre", a lancé Laetitia Avia (La République en marche), avocate disant faire la part "tous les jours" entre dépenses personnelles et professionnelles.

En vertu du texte adopté, les frais de mandat, pour lesquels des plafonds seront fixés, seront remboursés sur présentation de justificatifs, ou pris en charge directement par Assemblée ou le Sénat dans certains cas, ou encore feront l'objet d'une avance, notamment pour les dépenses importantes. L'organe de déontologie de chaque assemblée devra effectuer un contrôle.

Réforme "totem"

Face aux critiques parlant d'une "usine à gaz", la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a évoqué un "système assez simple", demandant aux députés réticents de la "confiance". Certains députés LREM étaient réticents à revoir le dispositif, dont Alain Tourret qui s'était demandé en commission s'il serait obligé d'aller "au McDo" ou de "démontrer kilomètre par kilomètre" ses déplacements.

Des élus LR, PS et PCF ont tenté d'imposer un contrôle des frais de représentation et réception des ministres, mais la garde des Sceaux a assuré que "l'ensemble des dépenses d'un ministère est contrôlé par un contrôleur financier" et dit qu'elle n'avait "aucune carte bleue professionnelle". Ces amendements ont été rejetés.

À droite essentiellement, plusieurs élus ont exprimé leurs réserves sur la réforme "totem" de l'Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), qui pourrait selon eux entraver leur "liberté d'action", voire tourner à "la grande inquisition". Des députés FN ont aussi dénoncé un "retrait des capacités pratiques d'exercer un mandat".

Un contrôle déjà renforcé

L'IRFM, qui s'ajoute à la rémunération des parlementaires et à un crédit pour payer leurs collaborateurs, a déjà été réformée en 2015, notamment sous la pression d'une association qui avait dénoncé l'achat par des députés grâce à cette enveloppe de leur local de permanence, enrichissant ainsi leur patrimoine.

Les députés doivent depuis attester annuellement du bon usage de cette enveloppe: location de la permanence, hébergement, frais de transport autres que ceux pris en charge par l'Assemblée, de communication, de représentation et réception, ainsi que de formation. Cotisations à un parti ou financement d'une campagne électorale sont prohibés. Les sénateurs sont soumis aux mêmes règles, sans attestation sur l'honneur.

"Nul rétropédalage"

Droite et MoDem ont échoué à fusionner l'actuelle rémunération des parlementaires (7.210 euros brut mensuel) et l'enveloppe pour frais de mandat, et ainsi à la fiscaliser, ce qui aurait imposé un contrôle par le fisc. C'était un engagement du candidat Emmanuel Macron. "Il n'y a nul rétropédalage", l'objectif de rigueur étant atteint, a répondu la ministre, plaidant qu'une intervention de l'administration fiscale porterait "atteinte à l'autonomie des assemblées".

Il faut "dissiper les doutes de nos concitoyens" alors que l'IRFM peut actuellement "ressembler à un complément de salaire", et la fiscalisation "ne ferait que renforcer cette impression", selon Paula Forteza (REM). L'ex-Premier ministre Manuel Valls avait appelé en commission à ne pas s'en tenir à "la demi-mesure" gouvernementale, se montrant plutôt favorable à une augmentation du revenu des députés, même "contre l'opinion".

Le sujet est sensible pour ses collègues du groupe majoritaire, dont nombre issus du secteur privé avaient des revenus supérieurs jusqu'alors. Nicole Belloubet a renvoyé la question à la prochaine réforme constitutionnelle.

Louis Nadau avec AFP