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Les jurés en correctionnelle, réforme controversée

Le gouvernement lance mercredi la réforme visant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, une révolution procédurale voulue par l'Elysée qui relance le conflit avec la magistrature. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

Le gouvernement lance mercredi la réforme visant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, une révolution procédurale voulue par l'Elysée qui relance le conflit avec la magistrature. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Le gouvernement lance mercredi la réforme visant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le gouvernement lance mercredi la réforme visant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, une révolution procédurale voulue par l'Elysée qui relance le conflit avec la magistrature.

Le projet qui sera présenté en conseil des ministres prévoit la participation de citoyens aux procès concernant certains délits d'atteintes aux personnes, mais aussi aux tribunaux d'application des peines.

Cette ultime réforme judiciaire importante du quinquennat Sarkozy, censée entrer en vigueur progressivement à partir de début 2012, fait la quasi-unanimité contre elle dans la magistrature. Les syndicats y voient une mise en cause implicite des juges et mettent en doute sa faisabilité matérielle.

"La réforme n'a aucun fondement ni motivation réelle, si ce n'est une stigmatisation des magistrats sur de faux constats. De plus, il sera impossible de la mettre réellement en oeuvre sauf à paralyser la machine judiciaire", a déclaré à Reuters Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

Le gouvernement répond qu'il souhaite impliquer le peuple dans les décisions de justice, qui sont rendues en son nom.

Pour l'instant, les jurés populaires, tirés au sort sur les listes électorales, ne siègent que dans les cours d'assises. Elles appliquent une procédure orale et rendent des arrêts non motivés après un vote sur la culpabilité et la peine.

Selon le projet du ministre Michel Mercier, dont Reuters a eu connaissance, deux "citoyens assesseurs" siégeraient désormais avec les trois magistrats professionnels composant les tribunaux correctionnels, mais pour certains cas seulement.

LE PROBLÈME DU FINANCEMENT

Ces formations "mixtes" ne jugeraient que les délits d'atteintes graves aux personnes, comme les agressions sexuelles, les vols avec violences, les extorsions, certains homicides involontaires et certaines dégradations.

Ce contentieux représente selon le ministère environ 35.000 décisions de première instance et 5.000 d'appel, soit un peu plus de 10% du total des procès en correctionnelle.

Le ministre a promis des recrutements et des moyens supplémentaires, mais aucune évaluation financière n'est disponible, alors qu'il faudra indemniser les jurés.

Ce point suscite l'inquiétude des syndicats, qui soulignent aussi les problèmes d'organisation qui risquent de survenir, ainsi que l'allongement des durées des audiences.

L'autre réserve est la contradiction entre le mode de décision des tribunaux correctionnels et la participation de non-professionnels. Les jugements correctionnels sont en effet rédigés durant un délibéré, et motivés obligatoirement en droit et en fait, avec le risque d'une nullité de forme.

Le projet prévoit que les tribunaux "mixtes" délibéreront immédiatement après le procès, pour décider de la culpabilité et de la peine éventuelle, mais que les magistrats rédigeront ensuite seuls le jugement.

Une ultime critique concerne l'instauration d'un système dual, les jurés étant exclus du traitement de 90% des délits, notamment pour la corruption. Cette rupture apparente d'égalité entre justiciables pourrait être contestée devant le Conseil constitutionnel.

Les magistrats critiquent aussi l'arrivée des jurés dans les tribunaux d'application des peines, pour les demandes de libérations conditionnelles de détenus condamnés à cinq ans de prison et plus. Cette mesure risque de mettre fin à ces libérations, considérées comme la meilleure arme anti-récidive, disent les syndicats.

Le projet prévoit enfin la création d'une cour d'assises "simplifiée" avec trois magistrats et deux jurés au lieu de neuf, qui jugerait certains crimes si les parties l'acceptent, comme certains viols, afin d'éviter que les magistrats ne les requalifient en délits pour accélérer la procédure.

Edité par Yves Clarisse