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Les juges en colère appellent Nicolas Sarkozy à l'ouverture

Selon des sources syndicales, 146 juridictions sur environ 200 étaient pratiquement paralysées par le mouvement de mobilisation de la magistrature en réaction aux accusations de laxisme des juges lancées par Nicolas Sarkozy. /Photo prise le 7 février 2011

Selon des sources syndicales, 146 juridictions sur environ 200 étaient pratiquement paralysées par le mouvement de mobilisation de la magistrature en réaction aux accusations de laxisme des juges lancées par Nicolas Sarkozy. /Photo prise le 7 février 2011 - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - La mobilisation sans précédent de la magistrature française en réaction aux accusations de laxisme des juges...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - La mobilisation sans précédent de la magistrature française en réaction aux accusations de laxisme des juges lancées par Nicolas Sarkozy s'est accrue mercredi pour toucher les trois quarts des juridictions.

Selon des sources syndicales, 146 juridictions sur environ 200 étaient pratiquement paralysées par ce mouvement sans précédent par son ampleur en France, et même en Europe.

Les juges sont accusés par Nicolas Sarkozy de fautes dans le suivi d'un homme sorti de prison en février 2010, Tony Meilhon, suspecté d'avoir tué près de Nantes une jeune fille de 18 ans, Laëtitia Perrais, et d'avoir ensuite démembré son corps. Le président français a annoncé que des sanctions seraient prises.

Dans des entretiens avec Reuters, le président du principal syndicat de magistrats et celui de l'association regroupant les juges d'instruction ont appelé le chef de l'Etat à "ouvrir une porte" afin de donner plus de moyens à la justice.

Des assemblées générales devaient se tenir encore dans de nombreuses juridictions, dont ce mercredi à la cour d'appel de Paris, la plus grande du pays, et à la Cour de cassation jeudi, la plus haute juridiction française.

Les juridictions renvoient toutes les audiences non urgentes, notamment celles où personne n'est en prison dans l'attente d'un procès.

Ce mouvement concerne le fonctionnement de la justice, considère le ministre de la Justice, Michel Mercier, appelant donc "tout le monde à la retenue".

"Si on veut aborder sereinement la question, je ne suis pas très sûr que la façon qui a été choisie soit la plus efficace", dit-il dans un entretien accordé au journal Le Monde.

Marc Trévidic, président de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI), a appelé Nicolas Sarkozy, qui interviendra sur TF1 jeudi soir, à proposer un "plan Orsec" (catastrophe) pour le système judiciaire français, classé au 37e rang sur 43 en Europe pour l'effort budgétaire.

"PLAN MARSHALL"

"Je pense qu'il faut lancer un plan pluriannuel en termes d'effectifs et de moyens pour remettre le système au niveau des principaux pays européens", a expliqué Marc Trévidic à Reuters.

Il faudrait insister sur la justice des mineurs et la probation des détenus, selon lui. "C'est lorsque les gens ont 17 ans qu'on peut encore faire quelque chose."

Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), parle de son côté d'un "plan Marshall" pour la justice. Il estime à trois milliards d'euros environ les crédits nécessaires sur cinq ans.

"Il faut réfléchir à l'allocation de moyens pour ramener la justice française à hauteur de ses homologues européennes", a-t-il dit à Reuters. "Nicolas Sarkozy doit aussi respecter les institutions de la République, et cesser ses attaques (...) Et ça, c'est gratuit", a-t-il ajouté.

Le Premier ministre, François Fillon, a ouvert mardi une porte sur ce plan devant l'Assemblée nationale en expliquant que des sanctions seraient prises si des fautes personnelles avaient été commises dans le suivi de Tony Meilhon mais que le gouvernement assumerait ses responsabilités si c'était l'organisation du système judiciaire qui était en cause.

Les magistrats insistent sur le fait que le suspect de l'assassinat de Laëtitia Perrais avait purgé durant onze ans toutes ses peines liés à 15 condamnations, sans réduction.

Ils soulignent qu'avec l'accord écrit des autorités, son suivi - obligation de rechercher un emploi et de voir un médecin - n'avait pas été appliqué faute d'effectifs, comme pour 800 autres détenus dans le département de Loire-Atlantique.

Une manifestation nationale est prévue jeudi à Nantes par les magistrats. Vendredi, les rapports d'enquêtes administratives visant à mettre au jour d'éventuelles fautes doivent être remis au ministre de la Justice.

Edité par Yves Clarisse