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"Les Français nous regardent": le sénateur Victorin Lurel appelle ses collègues à se pencher sur leur régime de retraite

Le sénateur de Guadeloupe Victorin Lurel

Le sénateur de Guadeloupe Victorin Lurel - MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

En plein examen d'une des mesures les plus sensibles du projet de réforme des retraites, dont la fin de plusieurs régimes spéciaux, le sénateur Victorin Lurel a invité ses collègues à se pencher sur leur régime affilié à une Caisse autonome de sécurité sociale.

"On n'est pas crédibles." Ce samedi, alors que le Sénat s'est plongé dans l'examen d'une des mesures les plus sensibles du projet de réforme de retraites, dont la fin de plusieurs régimes spéciaux, le sénateur et ancien ministre des Outre-mer Victorin Lurel s'en est pris aux sénateurs eux-mêmes, affiliés à une Caisse autonome de sécurité sociale.

"Nous allons proposer la suppression de cinq régimes spéciaux. Les Français nous regardent, croyez-vous que nous allons garder notre crédibilité?", a-t-il demandé, avant d'assurer: "Je ne fais pas dans la provocation."

Le sénateur de la Guadeloupe, appartenant au groupe socialiste et membre de la commission des finances, a expliqué que le régime des sénateurs est un régime "autonome" et non "spécial" mais que dans la tête des Français "c'est la même chose".

"Comment allez-vous garder une crédibilité pour dire: 'Vous êtes des privilégiés, des profiteurs, vous n'avez pas de critères de pénibilité... Nous notre travail est pénible, car nous travaillons la nuit, et il nous faut un régime autonome et spécial'", a-t-il lancé à ses collègues, ajoutant: "Comment voulez-vous que les Français nous croient?"

"Une proposition démagogique"

La gauche a défendu en vain une motion de renvoi en commission, puis des amendements de suppression de l'article 1er du projet gouvernemental, consacré à l'extinction progressive des cinq régimes spéciaux (industries électriques et gazières, RATP, Banque de France, clercs et employés de notaire, membres du Conseil économique, social et environnemental).

La gauche occupe largement le terrain depuis le coup d'envoi des débats jeudi, tandis que la droite, qui domine la chambre haute et soutient la réforme, est plus discrète - "paresse" dans les rangs, épinglent les écologistes.

"Vous voulez faire de l'obstruction, nous non", a lâché samedi le chef des sénateurs LR Bruno Retailleau.

Bruno Retailleau souhaite, par ailleurs, que ces régimes spéciaux soient aussi supprimés pour les salariés actuels, mais sa proposition sera examinée plus tard. Le gouvernement est contre, et son amendement pourrait être rejeté, faute de soutien des centristes.

Pour la gauche, la fin des régimes spéciaux est "une proposition idéologique et démagogique", qui ne générera pas de gain financier.

"C'est 'peanuts'"

"C'est 'peanuts'", a lancé le sénateur communiste Pierre Laurent, sur la même lignée que Victor Lurel. Cette suppression "tire vers le bas" tout le monde.

La rapporteure générale Elisabeth Doineau (Union centriste) a rétorqué: les métiers concernés "sont-ils aussi pénibles hier qu'aujourd'hui?". Selon elle, "il faut ouvrir les yeux, on demande des efforts à tous les Français, quels qu'ils soient".

"La majorité sénatoriale est constante dans ses positions", en faveur d'une "convergence" avec le régime général, a aussi fait valoir René-Paul Savary, rapporteur LR de la branche vieillesse, en s'interrogeant sur les trois derniers régimes spéciaux qui ne sont pas concernés par le projet du gouvernement (les marins, l'Opéra de Paris et la Comédie Française).

Dans ces trois domaines, les "conditions physiques" imposent le maintien, a répondu le ministre du Travail Olivier Dussopt. Mais pour les autres, les "conditions de travail" ne justifient plus une différence de traitement.

Fermement mais calmement - à la différence des débats à l'Assemblée nationale -, la gauche au Sénat a engagé une longue bataille sur cet article 1er. Quelque 300 amendements restaient au menu pour la journée de samedi voire dimanche. Selon un vieux routier, "ça va dégorger tout le weekend". La pression monte, en tout cas, dans la rue et les entreprises avant la mobilisation du 7 mars. La mobilisation de mardi s'annonce massive. De source policière, les services de renseignement attendent entre 1,1 et 1,4 million de manifestants partout en France.

C.Bo. avec AFP