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Les conditions d'audition d'Eric Woerth font débat

Les conditions d'audition d'Eric Woerth jeudi au ministère du Travail dans l'affaire Bettencourt suscitent des critiques au sein de la classe politique et des syndicats de magistrats qui y voient une faveur faite à un membre du gouvernement. /Photo prise

Les conditions d'audition d'Eric Woerth jeudi au ministère du Travail dans l'affaire Bettencourt suscitent des critiques au sein de la classe politique et des syndicats de magistrats qui y voient une faveur faite à un membre du gouvernement. /Photo prise - -

PARIS (Reuters) - Les conditions d'audition d'Eric Woerth au ministère du Travail dans l'affaire Bettencourt suscitent des critiques au sein de la...

PARIS (Reuters) - Les conditions d'audition d'Eric Woerth au ministère du Travail dans l'affaire Bettencourt suscitent des critiques au sein de la classe politique et des syndicats de magistrats qui y voient une faveur faite à un membre du gouvernement.

Le ministre a été entendu jeudi comme témoin pendant huit heures à son ministère, rue de Grenelle, dans le VIIe arrondissement de Paris, et non dans les locaux de la brigade financière.

Il a eu droit à une pause-déjeuner. Il n'y a eu ni perquisition ni confrontation. Le ministre n'a pas été entendu sous le régime de la garde à vue, comme d'autres protagonistes de l'affaire, notamment le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre.

Pour Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature, le procureur Philippe Courroye, qui dirige les investigations, aurait pu ordonner que cette audition se déroule dans les locaux de la police, comme cela avait été le cas pour Florence Woerth, l'épouse du ministre, la semaine passée.

"Ce genre de fleur n'est pas rare entre gens de bonne compagnie. Cela se fait et je ne suis pas surprise. On ne traite pas de la même manière un délinquant lambda des cités et un personnage de l'Etat", estime Clarisse Taron. "Et cela est déplorable pour l'image que l'on donne de ce pays."

"Le parquet aurait pu demander la convocation du ministre. Mais il n'a pas voulu entrer dans un rapport de forces. On est dans un 'gentlemen's agreement'", a-t-elle dit à Reuters.

Dans cette affaire aux nombreuses ramifications, les policiers ont entendu plusieurs témoins de manière assez coercitive, notamment l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, auditionnée à huit reprises, dont une fois en pleine nuit.

Pour l'audition de Liliane Bettencourt, l'héritière de L'Oréal âgée de 87 ans, les enquêteurs de la brigade financière se sont déplacés à son domicile de Neuilly (Hauts-de-Seine) en début de semaine en raison de son grand âge.

"LA LOI POUR LES AUTRES"

"Nous ne demandons pas que les gens soient traités d'une manière rude, mais nous pensons que le principe de tous être traités de la même manière devrait s'appliquer", explique Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale chargée de la justice au Parti socialiste.

"Pourquoi certains sont entendus comme témoins et d'autres sont placés en garde à vue?" s'est-elle interrogée. "On pressent qu'il y a un traitement différent. Le signal donné est celui d'un ministre qui reçoit des fonctionnaires de la République", a-t-elle dit à Reuters.

Pour Clarisse Taron, "cela a une influence sur tout le monde. Lorsque l'on est chez soi, on est plus fort".

"Il est toujours mieux d'être entendu chez soi et sans contrainte. Le témoin se trouve dans une position psychologique avantageuse", dit-elle.

Yannick Danio, délégué national d'Unité SGP Police FO, déplorait sur le site Mediapart que "le principe d'égalité, toutes considérations confondues, (ne soit) absolument pas respecté dans cette affaire".

Cette position fait écho à celle qui a été plusieurs fois développée par la députée européenne des Verts, Eva Joly.

L'ex-magistrate, qui avait instruit l'affaire Elf, dénonce le refus du procureur Courroye d'ouvrir une information qui serait confiée à un juge d'instruction, magistrat du siège indépendant.

"On a le sentiment qu'il y a un système hors norme pour les riches et puis il y a la loi pour les autres", a déclaré pour sa part vendredi sur RTL Dominique de Villepin, ancien Premier ministre jugé dans le cadre de l'affaire Clearstream.

Pierre Sérisier, édité par Sophie Louet