BFMTV
Politique

Le statut pénal du président s'invite dans la campagne

BFMTV
par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - La condamnation de l'ancien président Jacques Chirac, sans précédent dans l'histoire de la République...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - La condamnation de l'ancien président Jacques Chirac, sans précédent dans l'histoire de la République française, attise le débat sur la protection juridique accordée au chef de l'Etat, que la gauche veut alléger et la droite maintenir.

Jacques Chirac, 79 ans, a été condamné à deux ans de prison avec sursis dans une affaire de détournement de fonds publics remontant aux années 1990, quand il était maire de Paris. Le procès a été retardé par ses 12 années d'immunité à l'Elysée.

La gauche, les écologistes et le centriste François Bayrou estiment que ce dossier montre que l'immunité paralyse l'action judiciaire et ouvre la voie à des procès trop tardifs, la prescription étant suspendue pendant le passage à l'Elysée.

Ils regrettent que l'immunité permette au président de se maintenir en fonction même en cas d'accusations très graves. Le fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen a estimé que la France avait été dirigée douze ans "par un délinquant".

Dans la première prise de position de la majorité sur le sujet, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, très proche de Nicolas Sarkozy, a considéré vendredi que le procès Chirac montrait au contraire que le dispositif était pertinent.

"Cela n'est qu'un report dans le temps, il n'y a pas d'immunité. Je pense qu'il n'y a pas besoin (de toucher au statut du chef de l'Etat)", a-t-il dit.

Si la justice faisait son travail pendant l'exercice du mandat, cela gênerait le président dans l'exercice de ses fonctions, a conclu le ministre de l'Intérieur.

L'argument souvent avancé par les partisans de ce système est en effet que le chef de l'Etat doit être protégé de procédures fantaisistes.

UN "FILTRE" PROPOSÉ PAR LA GAUCHE

Venue d'une décision du Conseil constitutionnel présidé par le socialiste Roland Dumas en 1999, confirmée par la Cour de cassation en 2001, la règle actuelle, introduite dans la Constitution par Jacques Chirac en 2007, veut que le chef de l'Etat en exercice ne peut être ni mis en examen, ni interrogé comme témoin dans aucune affaire.

Cette immunité est valable au plan pénal, mais aussi civil et administratif, si bien qu'en théorie le président peut par exemple refuser un divorce ou copier en toute impunité un ouvrage déjà publié. Un récent arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire des sondages de l'Elysée tend par ailleurs à étendre l'immunité à ses collaborateurs.

Un dispositif censé permettre la destitution du chef de l'Etat dans des cas extrêmes, avec une procédure compliquée passant par les deux assemblées, a été voté dans cette réforme constitutionnelle.

La commission des Lois de l'Assemblée nationale a adopté le 16 novembre un projet de loi qui institue une procédure de destitution déjà adopté par le Sénat à gauche. Ce projet de loi sera examiné par les députés le 17 janvier, l'Assemblée devant se prononcer le lendemain sur l'ensemble du texte.

Mais il est pour l'instant impossible d'engager la responsabilité du président même s'il était mis en cause pour des faits très lourds.

Le candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande, propose un dispositif nouveau détaillé vendredi par Manuel Valls, responsable de la communication de la campagne.

Une instance qui servirait de "filtre" pour éviter les procédures fantaisistes serait mise en place, a-t-il dit sur BFM TV. "Il faut la mise en place d'une commission composée de juges indépendants (...) Il faut changer le statut pénal du chef de l'Etat, personne ne peut être protégé", a-t-il dit.

Un dispositif similaire existe en Italie et il a permis l'engagement de poursuites contre Silvio Berlusconi alors qu'il dirigeait le gouvernement.

La condamnation de Jacques Chirac, définitive puisqu'il ne fera pas appel, a par ailleurs soulevé une autre controverse sur son maintien comme membre de droit du Conseil constitutionnel.

La candidate écologiste à la présidentielle, Eva Joly, estime qu'il n'est pas suffisant de s'être mis en réserve depuis le procès sans siéger, puisqu'à ses yeux une telle condamnation est incompatible avec la conservation du mandat.

Claude Guéant a cependant jugé vendredi que la question d'une démission ne se posait pas.

Edité par Yves Clarisse