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Le statut du procureur en France toujours en question

LE PROCUREUR DANS LE SYSTÈME JUDICIAIRE

LE PROCUREUR DANS LE SYSTÈME JUDICIAIRE - -

STRASBOURG - La Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt qui laisse ouvert le débat sur le statut des procureurs en France, au coeur...

STRASBOURG (Reuters) - La Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt qui laisse ouvert le débat sur le statut des procureurs en France, au coeur d'un projet de réforme très critiqué.

Les juges de Strasbourg, dont la jurisprudence s'impose aux Etats, n'ont pas confirmé une décision de 2008 qui refusait aux procureurs français la qualité de magistrats, en raison de leur dépendance au pouvoir politique.

Cependant, la Cour a réaffirmé le principe que tout magistrat qui contrôlait la détention doit être indépendant de l'exécutif.

Cette décision intervient alors que le gouvernement français veut lancer au début 2011 la suppression du juge d'instruction indépendant qui serait remplacé, pour les enquêtes importantes, par le procureur. Ce projet est contesté par la gauche qui le voit comme une mise sous tutelle de la justice.

La Cour de Strasbourg statuait dans un dossier visant l'arraisonnement en 2002 d'un cargo transportant de la cocaïne et l'arrestation de ses marins.

En première instance, la Cour avait condamné la France pour détention arbitraire, écrivant que le procureur qui supervisait l'affaire ne pouvait pas être qualifié d'autorité judiciaire car il lui manquait l'indépendance.

Dans l'arrêt rendu lundi, en appel, la Cour condamne toujours la France pour la détention en mer durant 13 jours de l'équipage du bateau, le "Winner", mais sans évoquer le rôle du procureur. Elle retient cette fois l'application jugée irrégulière d'une convention avec le Cambodge, Etat de pavillon.

Le ministère de la Justice français s'estime conforté.

"La Cour, à aucun moment, ne remet en cause le statut du parquet en France et cela met fin aux interprétations que certains ont voulu donner après le premier arrêt de la Cour, le 10 juillet 2008 ", a dit Guillaume Didier, porte-parole de la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie.

L'USM TOUJOURS SCEPTIQUE

Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), tout en reconnaissant que l'arrêt était fortement en retrait par rapport à celui de 2008, a estimé qu'il ne valait pas feu vert au projet de réforme français.

"On ne peut pas dire qu'il valide le statut du ministère public à la française", a-t-il dit. Il a rappelé que plusieurs instances du Conseil de l'Europe, dont dépend la Cour européenne, s'étaient déjà prononcées pour son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.

Dans l'arrêt rendu lundi, les juges de Strasbourg soulignent en effet que le contrôle de la détention doit être assuré par un magistrat présentant "les garanties d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public".

Il demeure donc une forte ambiguïté sur la compatibilité de ce principe avec la réforme française, qui fera du procureur, nommé sur décret du chef de l'Etat et qui peut recevoir des ordres du gouvernement, la pierre angulaire du système pénal.

Dans le système projeté, il décidera ou non des poursuites, fera arrêter des suspects, les fera placer en garde à vue, conduira l'enquête, décidera du renvoi ou non des suspects devant les tribunaux où il représentera l'accusation, avant d'être chargé de l'exécution des éventuelles peines.

Le ministère de la Justice français estime que ce rôle ne sera pas incompatible avec la réforme, puisque cette dernière maintient le rôle du juge des libertés, chargé des placements en détention provisoire pendant les enquêtes.

Le projet lancé par Nicolas Sarkozy début 2009 est contesté par les partis de gauche, les organisations de magistrats et certaines associations de victimes, qui craignent notamment qu'il n'aboutisse à étouffer les affaires sensibles.

Gilbert Reilhac, avec Thierry Lévêque à Paris, édité par Gilles Trequesser