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Politique

Le pays des "gueules noires", laboratoire de Marine Le Pen

Un partisan du Front national colle des affiches de campagne de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont. Dans cette ville de l'ancien bassin minier du Pas-de-Calais, qui sert de "laboratoire électoral" à Marine Le Pen et où s'élèvent encore des terrils, les proche

Un partisan du Front national colle des affiches de campagne de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont. Dans cette ville de l'ancien bassin minier du Pas-de-Calais, qui sert de "laboratoire électoral" à Marine Le Pen et où s'élèvent encore des terrils, les proche - -

par Gérard Bon et John Irish HENIN-BEAUMONT, Pas-de-Calais (Reuters) - Sur une carte du Pas-de-Calais, Laurent Brice désigne du doigt les trois...

par Gérard Bon et John Irish

HENIN-BEAUMONT, Pas-de-Calais (Reuters) - Sur une carte du Pas-de-Calais, Laurent Brice désigne du doigt les trois circonscriptions de l'ancien bassin minier où le Front national espère faire élire trois députés en juin prochain: Liévin, Lens et Hénin-Beaumont.

Dans cette dernière ville, qui sert de "laboratoire électoral" à Marine Le Pen et où s'élèvent encore des terrils, les proches de la présidente du FN préparent leur plan de bataille pour les élections législatives.

Car quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle, le parti compte notamment sur le pays des "gueules noires" pour faire son retour à l'Assemblée nationale, dont il est écarté depuis l'abandon du scrutin proportionnel qui a suivi la vague frontiste de 1986.

"Aujourd'hui, sur la base des cantonales de mars 2011, nous sommes largement majoritaires à Hénin-Beaumont", veut croire Laurent Brice, conseiller municipal FN.

Ce petit fils de mineur est à l'origine, avec Steeve Briois, actuel secrétaire général du parti, du travail d'implantation méthodique mené par la jeune garde "mariniste" dans l'ancienne ville minière de 27.000 habitants.

Dans la permanence du FN, les militants espèrent tous que Marine Le Pen, qui s'était déjà présentée en 2007, obtenant 41,65% des voix au second tour, choisira à nouveau Hénin-Beaumont pour mener la bataille des législatives.

Avec un taux de chômage supérieur à 17%, des délocalisations, et des soupçons de corruption visant la municipalité socialiste, la petite cité aux maisons de briques rouges constituait une cible de choix pour le FN.

UN MAIRE PS EN PRISON

Depuis, l'ancien maire PS Gérard Dalongeville a été écroué en 2009 pour détournement de fonds et la gestion de la ville, en faillite, a été mise sous tutelle.

L'élu publie cette semaine un livre dénonçant un système mis en place, selon lui, dans tout le département, pour alimenter les finances du PS local. De nouvelles accusations qui risquent de servir le FN, qui se présente en chevalier blanc.

"Avec un maire socialiste en prison, une UMP inexistante et à la tête du FN Steeve Briois, un enfant du pays, c'était le meilleur terreau" pour Marine Le Pen, reconnaît l'actuel maire divers-gauche, Eugène Binaisse.

Comme un symbole des problèmes qui ont assailli la commune, deux des tourelles de la mairie sont recouvertes de filets de protection. Elles menacent ruine et la municipalité, sous tutelle, n'a pas pour l'instant les 800.000 euros nécessaires aux travaux.

Néanmoins, Eugène Binaisse, qui s'efforce depuis deux ans de redresser les finances de la ville, veut croire que le bassin minier ne se donnera pas à l'extrême droite.

"On se débat comme on peut", dit-il, avant de se reprendre: "On se débat férocement".

Comme dans pratiquement toutes les mairies de gauche du Pas-de-Calais, trône un buste du Jean Jaurès, l'une des figures sacrées du socialisme. Un symbole qui excède les militants locaux du FN.

"Ils font la morale avec les bustes de Jean Jeaurès alors que c'est un système mafieux", dit Manu, 41 ans, dont le grand-père était mineur et communiste, à l'occasion d'un collage d'affiches de Marine Le Pen pour le scrutin présidentiel.

Comment la présidente du FN, surnommée par ses adversaires la "châtelaine de Montretout", du nom de la villa de son père à Saint-Cloud, a-t-elle eu l'idée de s'implanter à Hénin-Beaumont?

"Elle s'était déjà présentée à Lens en juin 2002. En 2006, il y a eu une réunion ici avec 150 militants qui l'ont acclamée. Et elle a accepté d'être candidate en 2007", raconte Laurent Brice.

"ELLE VA DANS LES CORONS"

Il explique avoir immédiatement décelé chez la fille de Jean-Marie Le Pen les qualités d'un "animal politique."

"Elle a du naturel, un bon contact avec la population, elle ne se force pas. Elle va dans les corons où les gens vous ouvrent leur porte et elle est tout de suite adoptée", assure-t-il.

Seule candidate du FN à accéder au second tour des législatives de 2007, Marine Le Pen décide de poser durablement ses valises à Hénin-Beaumont. Objectif: la mairie.

En 2008, elle se présente dans le cadre d'un ticket avec Steeve Briois, qui mène la liste, contre Gérard Dalongeville.

Sentant le danger, le maire embauche à tour de bras dans les secteurs où le FN a fait de gros scores. Deux-cent-cinquante contrats temporaires sont signés pour inciter autant de familles à voter pour lui, confirme l'actuel maire.

De fait, le ticket Briois-Le Pen obtient 28,83% et échoue à remporter la mairie. Mais il fait élire cinq conseillers municipaux, dont Marine Le Pen, qui mène une opposition redoutable.

"Chaque conseil municipal est un calvaire pour Dalongeville, elle décortique tout, dénonce le système", raconte Laurent Brice.

Quelques mois plus tard, le maire est finalement révoqué de ses fonctions et emprisonné. "Les gens se rendent compte qu'on leur a dit la vérité", assure le conseiller municipal FN.

Dès lors, Marine Le Pen et son équipe pensent qu'un boulevard s'ouvre devant eux pour les municipales partielles de juin et juillet 2009. A nouveau, la future dirigeante échoue face au divers gauche Daniel Duquenne -invalidé depuis- mais avec un score historique de 47,62% des voix.

La présidente du FN y voit le bien-fondé d'une méthode susceptible d'être étendue à toute la France. "Ce n'est pas par hasard si Steeve Briois a été nommé secrétaire général du FN", confie Laurent Brice.

Gérard Bon, avec Pascal Rossignol, édité par Patrick Vignal