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Le Lycée Colbert de Thionville rebaptisé, le RN accuse LR de se soumettre aux "décoloniaux"

Statue de Jean-Baptiste Colbert devant l'Assemblée nationale (image d'illustration)

Statue de Jean-Baptiste Colbert devant l'Assemblée nationale (image d'illustration) - Joël Saget

Le dossier concernant le nom de ce lycée a été examiné ce vendredi par le conseil régional, mais résulte d'une fusion de deux établissements survenue il y a près d'un an.

Le président de la Région Grand-Est, Jean Rottner, s'est-il soumis aux diktats des "décoloniaux"? C'est ce dont l'accusent les élus Rassemblement national du conseil régional. Depuis ce vendredi matin, les membres du groupe RN reprochent à l'élu Les Républicains d'avoir accepté que soit débaptisé le Lycée Colbert de Thionville, en Moselle. Qui plus est, pour lui donner le nom de Rosa Parks, figure du mouvement des droits civiques en faveur des Noirs aux États-Unis.

"En pleine campagne de victimisation par les mouvements décoloniaux qui veulent déboulonner nos statues, la Région valide le changement de nom du Lycée Colbert à Thionville en Rosa Parks", s'est indignée l'élue RN Virginie Joron sur son compte Twitter, précisant que son groupe avait "bien sûr voté contre".

L'accusation a été vite relayée par la direction du RN. Le parti de Marine Le Pen a immédiatement fait le lien avec l'actualité, qui voit se multiplier les revendications d'activistes issus de l'extrême gauche et de milieux indigénistes. À tel point que dans sa dernière allocution télévisée, Emmanuel Macron a abordé le sujet en assurant que "la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire et qu'elle "ne déboulonnera pas de statue". Ce vendredi, l'Ifop a publié un sondage dans lequel 71% des personnes interrogées disent souhaiter "garder les statues et noms de rues de personnages historiques controversés".

"Ça fait des mois que c'est en discussion"

Sauf qu'en l'espèce, le dossier ne date pas d'hier. "Ça fait des mois que c'est en discussion", s'agace la vice-présidente LR de la Région, Valérie Debord, auprès de BFMTV.com. "Quand il y a des questions de baptême d'établissement scolaire, on s'est fait une règle de toujours valider les noms qu'on nous soumet", éclaire-t-elle, précisant qu'un veto ne surviendrait qu'au cas où le nom proposé sortirait clairement du champ républicain.

"A contrario, il serait très malvenu que le politique s'immisce en disant que tel lycée s'appellera 'Jeanne d'Arc', par exemple", précise l'ancienne porte-parole de LR.

Trois noms étaient en compétition

S'agissant du Lycée Colbert, qui sera bel et bien rebaptisé Rosa Parks, la commission "lycées et apprentissage" du conseil régional - présidée par la LR Christine Guillemy - a tenu le vote ce vendredi matin. Il résulte d'une fusion de deux établissements, les lycées Colbert et Sophie Germain, prononcée en juillet 2019 puis entrée en vigueur le 1er septembre.

"Ce dossier est en travaux à la Région depuis mars et a été retardé à cause du confinement", nous rapporte Christine Guillemy. "Il résulte d'une concertation au sein du lycée, qui s'appuie sur les demandes des élèves eux-mêmes, sur les avis du conseil d'administration du lycée et du maire de Thionville. Cette réflexion, elle a démarré dès que la fusion a été actée en septembre. Le nom a été connu en mars et les avis définitifs du conseil d'administration et du conseil municipal, eux, ont finalement été rendus le 10 juin."

Trois noms étaient en "compétition" pour servir de nom au lycée polyvalent né de la fusion: Simone Veil, Rosa Parks et Wangari Muta Maathai, prix Nobel de la paix kenyane de 2004. "Ça percute peut-être l'actualité, mais il faut arrêter de tout politiser", estime la vice-présidente de Région.

"C'est très Front nat' de faire un coup comme ça alors qu'il n'y a aucun lien avec l'actualité...", soupire de son côté Valérie Debord. "On leur a rappelé qu'on a toujours fonctionné ainsi et qu'un nom, c'est avant tout une rencontre entre un établissement, une histoire et une communauté pédagogique. C'est un grand principe du droit: on ne réagit jamais sous le coup de l'émotion."

"J'aurais reporté le vote", indique Philippot

Pour Florian Philippot, président des Patriotes et patron de leur groupe au conseil régional, Jean Rottner a maintenu l'ordre du jour de la commission tel quel en connaissance de cause.

"On ne pouvait pas parler de ce dossier sans évoquer le contexte actuel. Rottner le sait très bien. D'autant plus que les réflexions sur le personnage Colbert, elles préexistent ce contexte; il y a des pressions exercées régulièrement par des groupes activistes", argue l'ancien vice-président du FN. "On a voté contre, tout aussi estimable puisse être Rosa Parks d'ailleurs, ce n'est pas le sujet", ajoute-t-il.

L'ex-bras droit de Marine Le Pen rappelle également qu'en tant que président du conseil régional, Jean Rottner a le pouvoir de retirer des dossiers jusqu'à la veille de la réunion d'une commission permanente.

"Il aurait pu avoir la sagesse d'en ajourner l'examen, en expliquant qu'il fallait en débattre de manière dépassionnée. J'aurais été lui, j'aurais reporté le vote à la prochaine réunion, en juillet ou septembre. Je ne comprends pas l'intérêt de l'avoir maintenu", estime Florian Philippot.
Jules Pecnard Journaliste BFMTV