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Le gouvernement français de plus en plus divisé sur la sécurité

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PARIS (Reuters) - Le gouvernement français apparaît de plus en plus divisé sur la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy à l'approche d'un...

PARIS (Reuters) - Le gouvernement français apparaît de plus en plus divisé sur la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy à l'approche d'un remaniement ministériel qui accentue encore la nervosité au sein de la majorité présidentielle.

La secrétaire d'Etat à la Ville, Fadela Amara, a apporté mardi sa contribution au débat qui fait rage depuis un mois sur le tour de vis sécuritaire décrété fin juillet par le président français à l'encontre des Roms et des délinquants qui, dans certains cas, pourraient être déchus de leur nationalité.

"Je suis évidemment émue par les expulsions de Roms", a-t-elle dit sur RTL. "J'ai toujours été contre les expulsions."

Au lendemain d'une conférence de presse où le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a insisté sur l'augmentation des actes de délinquance perpétrés par des Roumains à Paris (+259% en 18 mois selon lui), Fadela Amara s'est insurgée contre le lien fait par le gouvernement entre immigration et sécurité.

"Depuis toujours, je suis convaincue qu'il n'y a pas de lien entre immigration et insécurité. Et je pense que faire un amalgame peut amener à des dérives", a-t-elle dit en citant nommément Brice Hortefeux, qu'elle accuse de "surenchère".

La secrétaire d'Etat à la Ville, elle-même issue de l'immigration, s'est aussi déclarée opposée à tout élargissement des motifs de déchéance de nationalité alors qu'il s'agit d'un des points forts du discours de Nicolas Sarkozy.

Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s'était déjà ému lundi des expulsions de Roms - "Je ne suis pas content de ce qui s'est passé", a-t-il dit - et a expliqué qu'il avait envisagé de démissionner en signe de protestation contre une politique qui a selon lui écorné l'image de la France.

L'OPPOSITION S'ENGOUFFRE DANS LA BRÈCHE

Dimanche, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a lui aussi critiqué la stigmatisation d'une communauté.

"La délinquance, ce n'est pas l'immigration", a-t-il dit.

Mais c'est du Premier ministre, François Fillon, qu'est venue la charge la plus remarquable contre Nicolas Sarkozy, avec lequel il a admis avoir des différences qu'il "assume".

"Il y a des différences, naturellement, il y en a dans nos caractères", a-t-il déclaré lundi sur France Inter.

Interrogé sur le discours prononcé fin juillet par Nicolas Sarkozy à Grenoble, dont les conséquences sur le terrain ont déclenché un tollé dans l'opposition et une partie de la majorité, ainsi que des critiques internationales, François Fillon a admis qu'il n'aurait pas utilisé ces mots.

"Chacun a sa sensibilité et sa façon de faire les choses", a déclaré le Premier ministre en regrettant lui aussi la "surenchère" dans laquelle certains ministres se seraient engagés sur ce dossier et qu'il ne peut "accepter".

L'opposition de gauche s'est engouffrée dans la brèche.

"On a maintenant une crise institutionnelle avec un gouvernement qui part dans tous les sens", a ironisé mardi sur France Inter l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle Ségolène Royal, qui note que les critiques émanent "de ministres parmi les plus importants en terme d'autorité régalienne".

Cet étalage de désaccords avec la politique sécuritaire du gouvernement a incité plusieurs hauts responsables de la majorité à sortir du bois pour défendre Nicolas Sarkozy.

"ON N'AIME PAS LES SNIPERS"

Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, a ainsi critiqué ouvertement la prise de distance de François Fillon par rapport au président.

Dans un entretien publié mardi par Le Parisien, il dit comprendre que la gauche attaque Nicolas Sarkozy.

"Je le comprends moins de la part de certains de nos amis", dit le candidat déclaré pour la présidentielle de 2017. "Dans le cas du Premier ministre (...), j'ai été un peu étonné par les mots qu'il a choisis, la façon dont il a marqué sa différence."

La ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a été un cran plus loin, dans un discours mardi devant les jeunes militants de l'UMP réunis en campus à Port-Marly, près de Paris.

"Il y a tous ceux qui, lorsque la tempête fait rage, descendent dans la cale pour y organiser le procès du capitaine. Ils ne sont pas nombreux, mais ils parlent fort et leurs ambitions personnelles les aveuglent au point de leur faire perdre le cap", a-t-elle déclaré.

La proximité du remaniement annoncé par Nicolas Sarkozy pour l'automne semble expliquer en partie la nervosité des ministres qui ont exprimé leurs différences ces derniers jours, puisqu'ils sont aussi les plus souvent cités comme partants, comme Bernard Kouchner, Hervé Morin, voire François Fillon.

Le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, s'est, lui, montré menaçant lors du campus des Jeunes populaires, tout en notant qu'aucun des ministres ayant étalé ses états d'âme n'avait présenté sa démission du gouvernement.

"Dans notre camp plus qu'ailleurs, on n'aime pas les diviseurs, on n'aime pas les snipers, on n'aime pas ceux qui jouent contre leur camp", a-t-il dit .

Yves Clarisse, avec Clément Guillou, édité par Gilles Trequesser