BFMTV
Politique

Le front s'élargit contre la politique sécuritaire de Sarkozy

BFMTV
PARIS (Reuters) - La politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy suscite une réprobation de plus en plus large en France, où une partie de la droite et...

PARIS (Reuters) - La politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy suscite une réprobation de plus en plus large en France, où une partie de la droite et de l'Eglise catholique font désormais cause commune avec l'opposition de gauche.

Le mot "honte" revient en boucle dans les réactions au démantèlement des camps de Roms, qui sont ensuite renvoyés dans leur pays, et au projet de déchéance de la nationalité de certains délinquants annoncés par le président fin juillet.

L'ancien Premier ministre UMP Dominique de Villepin a ainsi trempé sa plume dans le vitriol dans Le Monde daté de mardi, où il franchit un pas supplémentaire vers sa candidature à la présidence en 2012 pour marquer la rentrée politique.

"Il y a aujourd'hui sur notre drapeau une tache de honte", estime Dominique de Villepin, utilisant exactement les mêmes termes que nombre de dirigeants socialistes ou écologistes qui se sont exprimés sur le sujet pendant le week-end.

"Il y a aujourd'hui un devoir à remplir pour tous les républicains de France, face à l'hydre qu'un président et ses courtisans voudraient réveiller au fond de chacun de nous, face à la tache qui menace de flétrir l'idée même que nous nous faisons de la France. Un devoir de refus. Un devoir de rassemblement (...) pour préparer l'alternative républicaine qui s'impose", insiste-t-il.

L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac estime que Nicolas Sarkozy a commis une "faute morale" qui a fait basculer la France dans "l'indignité nationale" car, dit-il, "le président de la République nous engage tous".

PUISSANT ÉCHO DANS L'ÉGLISE CATHOLIQUE

Dominique de Villepin, qui a créé en juin son mouvement politique, "République solidaire", sans toutefois quitter l'UMP, lance ainsi un appel implicite à la gauche et au centre pour qu'ils surmontent les "clivages partisans".

L'ancienne ministre de la Justice Rachida Dati est, elle aussi, intervenue dans le débat.

"Cessons de stigmatiser tous ces 'Français de la diversité' comme des 'enfants de l'immigration' et de les cantonner à des fonctions ou à des quotas qui les renvoient systématiquement à des origines ou des pays qu'ils ne connaissent pas", écrit-elle, également dans Le Monde de mardi.

Ces critiques, relayées ce mois-ci par une commission des Nations unies qui notait une "recrudescence notable du racisme et de la xénophobie en France", illustrent le malaise d'une partie de la droite face aux initiatives de Nicolas Sarkozy et de son ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux.

Elles trouvent un puissant écho au sein de l'Eglise catholique, dont les ouailles sont une des bases de l'électorat de droite, et qui a réagi avec indignation aux multiples démantèlements de camps de Roms ces dernières semaines.

"Les discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu'il y a des populations inférieures sont inacceptables", a dit dimanche l'archevêque d'Aix et d'Arles, Mgr Christophe Dufour, tandis qu'à Lille, Mgr Laurent Ulrich estimait que la situation des Roms "provoque la conscience de nombreux chrétiens".

Le pape Benoît XVI s'est lui-même mêlé au débat en s'adressant aux pèlerins français, qu'il a appelés dimanche à "savoir accueillir les légitimes diversités humaines".

Brice Hortefeux s'est dit lundi prêt à rencontrer le cardinal André Vingt-Trois pour discuter de sa politique, même s'il estime qu'il agit en pleine conformité avec la loi. Selon lui, 88 camps de Roms ont été démantelés en trois semaines.

UNE "MANIPULATION ÉLECTORALE" ?

A gauche, mais aussi au centre et à droite, des voix s'élèvent pour dénoncer la stratégie du président français, qui calquerait son discours sur celui du Front national pour élargir sa base électorale dans la perspective de 2012.

"Nicolas Sarkozy prend le risque de replacer le FN au coeur de la vie politique à deux ans de la présidentielle, sans connaître les conséquences de cette manipulation électorale", a déclaré le socialiste Manuel Valls dans Le Journal du Dimanche.

A la mi-août, un proche de Dominique de Villepin, le député Jean-Pierre Grand, avait déjà lancé un avertissement à la majorité présidentielle : si l'UMP devait "devenir un FN bis, cela se fera sans nous!", avait-il déclaré.

L'offensive sécuritaire de Nicolas Sarkozy, qui a déjà fort à faire pour relancer l'économie tout en réduisant des déficits publics record, risque d'ailleurs de se retourner contre lui.

Selon un sondage Viavoice pour Libération publié lundi, 55% des Français souhaitent que la gauche gagne la prochaine élection présidentielle et 50% d'entre eux pensent qu'elle l'emporterait si le scrutin avait lieu aujourd'hui.

Yves Clarisse, édité par Gilles Trequesser