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Le "bouclier fiscal", boulet électoral pour le gouvernement

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par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - Comment et quand se débarrasser du boulet électoral qu'est devenu le "bouclier fiscal" sans se déjuger ni...

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Comment et quand se débarrasser du boulet électoral qu'est devenu le "bouclier fiscal" sans se déjuger ni donner des armes à l'opposition?

C'est la question désormais largement ouverte dans la majorité présidentielle à laquelle le président Nicolas Sarkozy cherche une réponse sous couvert de refonte de la fiscalité et de rapprochement des systèmes français et allemands.

Il aura l'occasion mardi de cadrer le débat et le calendrier lors d'un déjeuner à l'Elysée sur le projet de loi de finances 2011 avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, des groupes parlementaires UMP et de commissions concernées.

Le bouclier fiscal, créé par son prédécesseur Jacques Chirac et renforcé en août 2007 pour fixer à 50% des revenus le plafond des impôts directs payés par un contribuable, a dès l'origine était dénoncé par la gauche comme un "cadeau" aux plus aisés.

La crise économique et la cure d'austérité imposée par le gouvernement aidant, son impopularité n'a fait que croître, y compris dans la majorité, ses bénéficiaires échappant à tout effort supplémentaire en matière de prélèvements obligatoires.

Nicolas Sarkozy a d'ailleurs dû se résoudre à l'écorner dans le cadre de sa réforme des retraites, en augmentant de 1% la dernière tranche de l'impôt sur le revenu et en relevant la fiscalité patrimoniale et immobilière, hors effet bouclier.

A 18 mois des élections présidentielle et législatives de 2012, "les députés ont le trouillomètre à zéro", explique une source proche de la majorité parlementaire.

LA COUR DES COMPTES MISE À CONTRIBUTION

Une centaine de députés UMP, passant outre un appel du Premier ministre François Fillon à ne pas se "précipiter" dans une remise à plat de la fiscalité française, ont déposé un amendement au budget 2011 supprimant le "bouclier fiscal" et l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Le gouvernement a immédiatement fait savoir par la voix du ministre du Budget, François Baroin, qu'il n'était pas question de supprimer bouclier fiscal et ISF dans le budget 2011.

La suppression du bouclier fiscal n'est cependant plus un sujet tabou, a déclaré François Fillon le 3 octobre sur M6.

"Ça fait un moment que Nicolas Sarkozy s'interroge sur la question", confirme une source parlementaire UMP.

Des élus du parti présidentiel se demandent ouvertement si l'initiative des signataires de l'amendement a été téléguidée par la présidence de la République. Sans aller jusque-là, l'un de ces députés, Axel Poniatowski, estime que l'intérêt de l'amendement était de "mettre le débat sur la table".

Le chef de l'Etat a longtemps exclu de toucher au "bouclier fiscal" en invoquant l'existence en Allemagne d'un dispositif similaire ... qui, en réalité, n'existe pas outre-Rhin.

Aujourd'hui, c'est au nom de l'absence enfin reconnue et mise en avant d'un tel bouclier en Allemagne que le chef de l'Etat a décidé de lever le tabou sur sa suppression éventuelle.

Mais il entend le faire dans un cadre beaucoup plus large, allant bien au-delà de la suppression de l'ISF, pendant jugé indispensable à celle du bouclier fiscal par la droite.

Il a demandé début août au président de la Cour des comptes Didier Migaud d'étudier les possibilités de convergence des fiscalités française et allemande, ce qui semble au demeurant ne susciter, pour le moment, qu'un intérêt poli à Berlin.

UN THÈME MAJEUR POUR 2012 ?

L'ex-député socialiste et président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale doit rendre début 2011 son rapport, auquel l'Elysée subordonne la poursuite du débat sur une remise à plat du système fiscal français.

Ce débat doit aussi porter sur la TVA, les impôts locaux, l'impôt sur les sociétés, le financement de la Sécurité sociale et la contribution sociale généralisée (CSG), etc. fait-on valoir à l'Elysée, où l'on n'exclut cependant pas qu'un premier train de mesures soit pris dès le budget 2012.

Là réside d'ailleurs une difficulté pour Nicolas Sarkozy : supprimer avant la présidentielle l'impôt hautement symbolique qu'est l'ISF serait "suicidaire", soulignent des sources gouvernementales et proches de la direction de l'UMP.

Le gouvernement pourrait donc se contenter, dans le budget 2012, de sortir la résidence principale de l'assiette de l'ISF en contrepartie de l'abrogation du bouclier fiscal ou au moins de son aménagement.

La suppression de l'ISF, qui rapporte plus de 3,2 milliards d'euros par an à l'Etat alors que le bouclier fiscal représente un manque à gagner de 700 millions, pose aussi un problème : où trouver les 2,5 milliards manquants ?

Axel Poniatowski évoque ainsi une taxation plus élevée des plus-values immobilières et mobilières et des dividendes.

Le gros de la refonte du système fiscal serait, en tout état de cause, remis au prochain quinquennat et constituerait un élément du programme de Nicolas Sarkozy pour un deuxième mandat.

"Une telle réforme doit faire partie du mandat donné par les électeurs", souligne le sénateur UMP Philippe Marini.

Pour le député UMP Gilles Carrez, rapporteur du budget à l'Assemblée nationale, ce thème ne peut en outre être abordé que sous l'angle des ressources de l'Etat "parce que nous allons aborder l'échéance présidentielle avec l'épée de Damoclès d'un endettement considérable et de déficits énormes".

Edité par Yves Clarisse