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Le bilan des réformes économiques de Sarkozy s'annonce mitigé

L'abandon annoncé du bouclier fiscal renforce le sentiment d'un bilan mitigé des réformes économiques de Nicolas Sarkozy et, dans la dernière phase du quinquennat, les analystes se montrent critiques. /Photo prise le 19 octobre 2010/REUTERS/Philippe Wojaz

L'abandon annoncé du bouclier fiscal renforce le sentiment d'un bilan mitigé des réformes économiques de Nicolas Sarkozy et, dans la dernière phase du quinquennat, les analystes se montrent critiques. /Photo prise le 19 octobre 2010/REUTERS/Philippe Wojaz - -

par Jean-Baptiste Vey PARIS (Reuters) - L'abandon annoncé du bouclier fiscal renforce le sentiment d'un bilan mitigé des réformes économiques de...

par Jean-Baptiste Vey

PARIS (Reuters) - L'abandon annoncé du bouclier fiscal renforce le sentiment d'un bilan mitigé des réformes économiques de Nicolas Sarkozy et, dans la dernière phase du quinquennat, les analystes se montrent critiques.

Le président français a confirmé mardi, lors d'une intervention télévisée, la mort programmée de ce dispositif emblématique mais hautement impopulaire de son quinquennat sur l'autel de la conjoncture économique et politique, en même temps que celle de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

"On se retrouve avec un goût d'inachevé très marqué", déclare Philippe Waechter, directeur des études économiques de Natixis AM. "Ça ressemble à des occasions déçues."

Au regard des promesses de campagne sur la flexibilisation du marché du travail et l'amélioration de la concurrence, "on aurait pu espérer pas mal et on s'est arrêté en chemin". Au final, "on a une dynamique de l'économie française pas aussi vertueuse qu'on aurait pu l'imaginer", ajoute-t-il.

Selon Nicolas Bouzou, "les analyses qui sont faites de la situation économique (par l'exécutif) sont bonnes, mais la mise en application est très souvent déficiente et très minimaliste".

L'économiste du bureau d'analyse Asterès estime qu'"on a quand même réussi à avancer un peu dans ce qui est lié à la compétitivité" avec la suppression de la taxe professionnelle, le crédit d'impôt recherche et l'autonomie des universités, "même si ce sont des demi-mesures ou des chantiers".

"Le mauvais côté des choses, c'est évidemment tout ce qui est lié aux finances publiques, qui ont été considérées comme un sujet secondaire dès l'élection de 2007", ajoute-t-il.

Avec la crise et les baisses de prélèvements décidées au lendemain de la présidentielle, le déficit et la dette de la France ont atteint des sommets ces dernières années, alors même qu'une crise des dettes fragilisait l'ensemble de la zone euro.

"DÉGRADATION CRITIQUE" DES FINANCES

Face à une "dégradation critique" des finances publiques françaises, l'Institut Thomas More, un groupe de réflexion européen, note sévèrement Nicolas Sarkozy et son gouvernement.

Il leur attribue dans son baromètre de novembre la note "franchement mauvaise" de 6,5 sur 20 sur ce sujet, et même de 4,9 sur 20 pour l'efficacité de leur action dans ce domaine.

"La spirale de l'endettement aggravé par la crise se poursuit et l'action du gouvernement, déjà insuffisante avant la crise, ne semble pas en mesure de le juguler", écrit-il.

Même si la dégradation de ses finances n'a pour l'instant pas provoqué de choc violent pour la France, l'exécutif sait que le pays est sous surveillance et a promis de mener un plan de redressement sans précédent depuis au moins un demi-siècle.

C'est dans ce contexte qu'a été annoncée, par surprise, la réforme des retraites, promulguée la semaine dernière malgré le plus important mouvement social depuis le début du quinquennat.

"Le paradoxe est que ce qui restera probablement le plus en matière de réformes économiques sont les choses qui n'étaient pas prévues", souligne Philippe Waechter, citant la réforme des retraites "qui a été mise en place un peu à la dernière minute".

"En ce qui concerne l'agenda initial, on n'a pas eu grand-chose, on a eu plus des réformettes que la rupture qui était annoncée", ajoute-t-il.

Face aux exigences budgétaires, le chef de l'Etat a déjà écorné sa promesse répétée de ne pas augmenter les impôts, en réduisant en particulier le coût des niches fiscales, ces centaines de dispositifs dérogatoires, après en avoir augmenté le nombre depuis 2007.

Quant à la réforme fiscale - suppression du bouclier fiscal qui limite à 50% l'imposition des revenus et de l'ISF annoncée pour le printemps 2011 -, elle "doit permettre aussi de tenir les engagements de réduction des déficits", a déclaré mercredi le ministre du Budget, François Baroin.

"Il n'est pas question de creuser le déficit public" à cette occasion, a confirmé Christine Lagarde sur LCI.

OBSTINATION

A l'image d'Eric Heyer de l'OFCE, le centre de recherche en économie de Sciences Po, certains soulignent l'obstination de l'exécutif qui ne modifie qu'en fin de mandat une série de mesures conçues avant la crise, pour une période de croissance.

"Le contexte change, la politique n'est plus valable, c'est pas de chance mais il aurait dû la mettre entre parenthèses", estime Eric Heyer, "le bilan n'est pas très bon à cause de ça."

Emblème de cette politique, la loi travail-emploi-pouvoir d'achat surnommée "paquet fiscal", dont plusieurs mesures ont fait chou blanc, devrait donc se voir un peu plus détricotée l'an prochain avec la fin du bouclier fiscal.

"Un grand nombre de ces mesures avaient peut-être un sens en 2007 quand la croissance était relativement bonne et que le chômage baissait mais elles n'ont plus aucun sens dans un contexte de crise", poursuit Eric Heyer, citant notamment la défiscalisation des heures supplémentaires qui coûte quelque 4 milliards d'euros chaque année et pèse selon lui sur l'emploi.

Une critique partagée par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac. "Pour des raisons idéologiques, par dogmatisme, le gouvernement n'a pas voulu revenir sur des mesures inadaptées", déclarait le député socialiste dans un récent entretien à Reuters.

Edité par Yves Clarisse