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Le AAA en tête de l'alphabet de la présidentielle

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par Matthias Blamont PARIS (Reuters) - Après la fracture sociale en 1995, la sécurité en 2002 et le pouvoir d'achat en 2007, le "AAA" est en train...

par Matthias Blamont

PARIS (Reuters) - Après la fracture sociale en 1995, la sécurité en 2002 et le pouvoir d'achat en 2007, le "AAA" est en train de s'imposer comme le thème principal de l'élection présidentielle française de 2012.

Les experts retiendront en outre que cette fois, les candidats n'auront pas eu le loisir de définir eux-mêmes leur principal sujet de campagne. La crise de la zone euro a propulsé la question de l'endettement au premier plan dans presque tous les pays européens.

Quelque 54% des Français estiment qu'une perte du AAA serait "grave", selon un sondage Ipsos Logica Business consulting pour France Télévisions, Radio France et Le Monde publié mardi.

Au-delà de l'avenir de la prestigieuse signature qui permet à Paris d'emprunter à moindre coût, dont la perspective est désormais négative pour Standard & Poor's et en cours d'évaluation par Moody's, le futur de l'Europe et la souveraineté de ses membres devraient également constituer des marqueurs du débat politique au cours des cinq prochains mois.

Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont annoncé lundi leur intention de soumettre au Conseil européen qui débute jeudi un accord franco-allemand "complet" sur le renforcement de la gouvernance de zone euro.

Paris et Berlin plaident pour un nouveau traité instaurant notamment une stricte discipline budgétaire assortie de l'adoption d'une "règle d'or renforcée et harmonisée" sous le contrôle de la Cour européenne de justice.

En France, la dette aurait pu occuper une place privilégiée dans le débat présidentiel dès 2007. Le candidat centriste François Bayrou, devenu le troisième homme du scrutin avec 18,57% des voix au premier tour, avait averti à plusieurs reprises des risques de perte d'indépendance liés à un emballement des déficits publics.

La crise enclenchée en 2008 par la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers a joué le rôle d'accélérateur. En bout de chaîne, la nationalisation partielle des pertes des établissements financiers et l'incapacité des Européens à parler d'une seule voix menacent désormais la note française, une situation qui place le président sortant dans une position particulièrement délicate.

"Nicolas Sarkozy a fait du AAA un élément majeur de la qualité de sa gestion de crise. Il a voulu installer l'idée que c'est grâce à ses qualités personnelles et à sa politique que la France a pu préserver sa note", explique Elie Cohen, économiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

"Si la France perd son AAA aux côtés de tous les autres AAA de la zone euro (l'Autriche, la Finlande, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg, NDLR), le sujet disparaîtra totalement. Par contre, si Paris perd, seul, sa note d'ici à l'élection, l'opposition pourra légitimement prouver que la politique de Nicolas Sarkozy n'a pas marché", ajoute-t-il.

Le candidat du Parti socialiste François Hollande a évoqué dès le début des "primaires" sa préférence en faveur d'une politique de rigueur budgétaire et fiscale. Il a pleinement confirmé cette stratégie mardi en affirmant que les annonces de S&P lundi soir marquaient "l'échec de la politique conduite sous la présidence de Nicolas Sarkozy".

UMP ET PS DOS À DOS

Derrière les déclarations de François Hollande et Nicolas Sarkozy, les partis assurent le matraquage des messages et se renvoient dos à dos.

Le PS, par la voix de son porte-parole Benoît Hamon, a affirmé à plusieurs reprises que le gouvernement avait choisi de "mettre en faillite la France."

L'UMP, très critique contre le volet dépenses du programme de la gauche, répète à l'envi que l'élection de François Hollande signifierait la fin du AAA.

Les deux partis visent néanmoins un déficit budgétaire ramené à zéro - en 2016 pour l'UMP et en 2017 pour le PS -, un positionnement qui laisse la contestation de ces objectifs, au nom de la préservation du AAA, à leurs ailes dures ainsi qu'aux partis d'extrême droite à d'extrême gauche.

Réagissant sur RMC à la dernière mise en garde de S&P, le député socialiste de Saône-et-Loire Arnaud Montebourg a estimé mardi que les agences de notation auraient dû être "mises hors-la-loi depuis longtemps" et remplacées par une "Cour des comptes européenne".

Les dirigeants du Parti communiste, du Nouveau parti anticapitaliste et du Front national ont quant à eux opté pour une ligne politique clairement hostile vis-à-vis des agences de notation, estimant qu'elles privent la France de sa liberté économique et monétaire.

Quelle que soit l'évolution de la note française, les candidats au scrutin de 2012 devront apporter des réponses aux défis posés par les agences de notation et leurs avis, une nouvelle donne à laquelle viendront immanquablement s'ajouter les thèmes plus classiques de l'emploi, de l'immigration ou de l'avenir des jeunes.

édité par Patrick Vignal