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Politique

Lagarde : « Le gaz augmentera, mais pas de 6% »

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Prix du gaz, pouvoir d’achat, contrat de travail… Christine Lagarde ne chôme pas en cette fin d’année. La Ministre de l’Economie revient sur les nombreuses réformes qu'elle mène.

Jean - Jacques Bourdin : Je vais être direct : le prix du gaz, une hausse de 6% est demandée par Gaz de France, est ce que le gaz va augmenter ?
Christine Lagarde : Le gaz augmentera certainement, mais de 6% certainement pas.

J-J B : Quand va-t-il augmenter ?
C L : Au début de l’année, nous devons, avant toute augmentation demandée par Gaz de France, solliciter la CRE, Commission de Régulation de l’Energie, demander son avis, ses recommandations et après le Gouvernement va trancher, c’est une question qui sera évidemment évoquée avec le Premier Ministre et c’est lui qui tranchera en dernier recours.

J-J B : Il tranchera quand ?
C L : Début du mois de janvier.

J-J B : Donc le gaz augmentera au début du mois de janvier mais pas de 6% ?
C L : Certainement pas.

J-J B : De combien ?
C L : Je ne saurai vous dire parce qu’il faut savoir que le prix du gaz n’a pas augmenté depuis 18 mois, et on sait aujourd’hui que le prix du pétrole en particulier, les deux étant intimement liés, a augmenté d’environ 24%. Il faut donc prendre une décision qui sera à la fois dans l’intérêt des consommateurs pour préserver leur pouvoir d’achat et puis aussi dans l’intérêt des grandes entreprises, parce qu’on ne peut pas laisser une entreprise ne pas répercuter la hausse des matières premières.

J-J B : Entre 3 et 5% ?
C L : Ce que je peux vous dire c’est que ce ne sera pas 6% et qu’il y aura néanmoins une augmentation.

J-J B : Parlons maintenant du pouvoir d’achat. Je vous cite « il y a des jours, j’ai fait réaliser des simulations, mises bout à bout, les mesures défendues par le Gouvernement représentent un gain de pouvoir d’achat équivalent à un mois de salaire. » Pour être concerné il faut être une femme, mère mais célibataire, gagner 1600 euros par mois, mais ne payer que 600 euros de loyer donc habiter loin des centres ville, se chauffer au fioul et surtout fait remplir sa cuve après le 10 novembre et avant le 31 janvier. L’employeur doit donner une prime, racheter quatre jours de RTT, et je dois ensuite attendre que mon loyer soit indexé sur l’inflation et je dois compter sur une baisse des prix dans la grande distribution. » Si je résume, pour être concerné, je suis unique. Ma question sera très directe, est ce qu’en disant cela vous ne vous moquez pas du monde ?
C L : Non pas dut tout. Vous prenez une simulation parmi une multitude d’autres. Nous en avons fait plein pour évoquer tous les cas de figure. Il y a celui du couple de retraité, celui du couple avec deux enfants qui ont un salaire un peu plus élevé où les deux parents travaillent, il y a le célibataire isolé, et on a essayé d’appliquer toute la panoplie des mesures pour quantifier un petit peu ce que ça donne en terme de gain de pouvoir d’achat pour chacun des cas de figure.

J-J B : C’est un mois de salaire ?
C L : Ce n’est pas tout le temps un mois de salaire, les retraités par exemple ce n’est pas un mois de salaire puisqu’ils touchent des retraites. On a pris l’hypothèse où dans un couple de retraités, il y en a un des deux qui décède pour appliquer la mesure sur les droits de succession. On a pris la situation de celui qui consomme beaucoup parce qu’il a deux enfants en bas âge, de celui qui bénéficie de services de télécommunication et qui bénéficiera de la loi Châtel… C’est pour vous montrer que toutes les mesures depuis cet été, c'est-à-dire celle sur les heures supplémentaires, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt en cas d’achat d’une maison, abattement sur les droits de succession, la loi dite Châtel qui permet de diminuer les prix de revente dans la grande distribution et les mesures pouvoir d’achat que l’on va évoquer cet après midi à l’Assemblée, tout ça constitue tout un panier de mesures dans lesquelles on pioche en fonction de notre situation.

J-J B : Et toutes ces mesures mises bout à bout représentent un mois de salaire, c’est ce que vous avez dit ?
C L : Non, je vais vous donner un exemple : le salarié payé au SMIC dans une entreprise de moins de 20 salariés et qui fait chaque semaine quatre heures supplémentaires aura à la fin de l’année plus d’un mois supplémentaire de salaire. Il aura pratiquement un mois et demi en plus sans compter les autres mesures et en particulier les répercussions à la baisse sur les prix pratiqués dans la grande distribution. Ce que j’essai de montrer c’est qu’on a tout un panier de mesures et en fonction des situations, les gens vont bénéficier de telle ou telle mesure.

J-J B : Regardons le projet de loi sur le pouvoir d’achat qui va être discuté à l’Assemblée Nationale à partir de ce soir. Il y a un amendement UMP qui est défendu : les salariés qui ont des RTT pourront se les faire payer jusqu’au 31 décembre et l’UMP souhaiterait prolonger ce délai jusqu’en juin 2008. Vous y êtes favorable ou pas ? Est-ce que vous soutiendrez cet amendement ?
C L : Je voudrais juste rappeler les quatre mesures qui sont contenues dans le texte qu’on va évoquer cet après midi : il y a d’une part la possibilité de racheter des jours de RTT, d’autre part la possibilité de débloquer un peu de sa participation quand les salariés en ont. Par défaut, pour les salariés qui n’ont pas de participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés en particulier, on ouvre la possibilité pour l’employeur de payer une prime de fin d’année exonérée de charge et enfin il y a la mesure très importante sur la désindexation des loyers au profit d’un indice qui est l’indice des prix à la consommation. Ce sont les quatre mesures. Vous avez évoqué un amendement parlementaire qui permettrait d’aller au-delà du 31 décembre. Aujourd’hui, le projet dit : Tous les jours accumulés à la date du 31 décembre. On sera ouvert dans le cadre du débat parlementaire, on est ouvert à la discussion.

J-J B : Mais est ce que vous allez soutenir cet amendement ?
C L : Avant d’accepter un amendement, il faut en chiffrer les effets. On est donc en train de le faire actuellement et en fonction de la proposition précise d’amendement qui va être soumise je crois à la Commission des Affaires Sociales aujourd’hui pour une validation, en fonction du chiffrage, on acceptera éventuellement l’amendement. Il faut voir ce que ça coûte à l’Etat.

J-J B : Mais vous êtes prête à le soutenir ?
C L : Il faut voir ce que ça coûte à l’Etat, il faut voir si l’amendement prévoit des exonérations de charge ou non.

J-J B : Ça n’a pas encore été calculé ?
C L : C’est la joie du débat parlementaire, c’est que les parlementaires font des propositions pour, de leur point de vue, améliorer le texte.

J-J B : Il y a des propositions qui viennent d’autres amendements, de la Gauche par exemple, notamment le ticket transport, le chèque transport. Vous y êtes favorable ?
C L : Le chèque transport a été proposé par le Gouvernement Socialiste à l’époque, il a coûté plus de 2,7 milliards à l’Etat français, à la France, aux français, pour faire baisser les prix de deux centimes. Je ne pense pas que ce soit une mesure particulièrement efficace.

J-J B : Il y a aussi le fond de participation des blocages anticipés : en 2004, cette mesure avait déjà été prise, majoritairement l’argent avait été investi dans des produits d’épargne, comme l’assurance vie…
C L : En 2004, environ 60% a été réinvesti dans des produits d’épargne parce que les Français souhaitaient débloquer et rebloquer sur des produits d’épargne et probablement, ils n’avaient pas le même désir, le même besoin de consommation. Peut être qu’on aura le même mouvement, de toute façon ça veut dire que 40% seront réinjectés dans les circuits économiques par le biais de la consommation qui est déjà très bien. Peut être que les français vont se comporter de manière très différente aussi.

J-J B : Le pouvoir d’achat est vraiment en baisse aujourd’hui en France ?
C L : C’est le débat ; ce qui est certain c’est que le prix d’un certain nombre de produits a augmenté, c’est que les modes de consommation ont changé. Il y a dix ans on avait un téléphone fixe et parfois un téléphone portable, aujourd’hui vous prenez une famille avec deux enfants et il y a quatre portables, quatre abonnements, quatre types de consommation. Il y a un certain nombre de dépenses contraintes quand vous avez des abonnements ADSL, certaines excellentes chaînes de télévision payantes…Les modes de consommation ont changé, la perception de l’augmentation a changé et un certain nombre de produits ont augmenté, je pense à l’essence, au fioul, aux produits alimentaires en raison de l’augmentation du prix des matières premières.

J-J B : Est-ce que les petites retraites vont être augmentées rapidement ?
C L : Il y aura une revalorisation des retraites au 1er janvier bien sûr. Les retraités sont aussi des consommateurs comme les autres, à faire leurs courses, à prévoir leur chauffage. Donc il y a toute une série de mesures qu’on a prise depuis l’été, qu’il s’agisse de l’abattement sur les droits de succession, de la prime à la cuve, de la pression sur la baisse des prix à la revente…

J-J B : Juste une petite parenthèse, pour la prime à la cuve, il faut faire le plein entre le 10 novembre et le 31 janvier ?
C L : Oui, ce qui correspond à la période durant laquelle on recharge sa cave de fioul. 

J-J B : Et tous ceux qui ont fait le plein avant…
C L : Ceux qui ont fait leur plein avant ont probablement bénéficier de prix qui étaient légèrement plus bas que ceux que l’on pratique actuellement. Pour revenir sur les retraites, je ne voudrais pas que l’on catégorise d’une part le retraité, d’autre part les chômeurs…

J-J B : Vous pensez qu’on est pessimiste de nature dans ce pays ?
C L : Nous, français, on a tendance à râler de nature c’est vrai. Ce que nous essayons de faire, c’est d’ouvrir les verrous, de dégager les contraintes et de faire en sorte que toutes les énergies créatrices dans ce pays se mobilisent pour en faire un pays gagnant et je voudrais juste vous citer deux chiffres qui moi me réjouissent : depuis le début de l’année, l’économie française a créé 300 000 emplois et depuis le début de l’année 300 000 personnes ont créé des entreprises. Ce sont des chiffres qui prouvent qu’il y a de la dynamique dans ce pays et je crois que le fait que pour la première fois depuis des années, on est passé en dessous des 8% de chômeurs en France, c’est le signe que l’économie fonctionne et qu’il y a véritablement une dynamique qui est créée.

J-J B : Est ce qu’on va aller vers le contrat de travail unique ?
C L : Ce que j’espère, et ça c’est une négociation qui se passe entre le patronat et les syndicats en ce moment, ils ont encore une discussion vendredi et ils reprendront début janvier. Ce que j’espère c’est qu’ils arriveront à une simplification de la relation, à la fois au moment de l’embauche et au moment du licenciement. Une simplification qui permette la sécurité des employeurs et la sécurisation des salariés. Je ne sais pas si ce sera un contrat unique, ça risque d’être un peu plus parce que la relation de travail est plus compliquée que ça : il y a des missions, de la durée déterminée, de la durée indéterminée, mais il faut qu’ils arrivent à des solutions un peu simplifiées, plus sûres et plus sécurisées.

J-J B : Est-ce que vous allez dire aux entreprises qu’elles n’auront pas d’allégement de charge si elles n’augmentent pas les salaires ?
C L : Ce que nous avons dit avec Xavier Bertrand dès la conférence du 23 octobre, c’est l’allégement de charge qui est prévu en particulier aux alentours du SMIC, ces allégements de charge ne seront disponibles pour les entreprises qu’à condition qu’elles négocient chaque année les salaires parce qu’il y a une négociation annuelle des salaires obligatoires qu’un certain nombre d’entreprises ne respectent pas ou dont elles s’acquittent sans passer le temps et l’énergie nécessaire à discuter des salaires.

J-J B : Mais est ce que l’Etat avec les fonctionnaires donne l’exemple ?
C L : Eric Woerth, le Ministre du Budget, des Comptes Sociaux et de la Fonction Publique a entamé des discussions hier avec les fonctionnaires. L’augmentation au mérite, l’individualisation du parcours, le regard sur la carrière de chacun, c’est peut être aussi important que de faire des espèces de grandes augmentations générales. Les négociations commencent, on essai d’aller vers une individualisation et une valorisation du parcours pour tout simplement que les fonctionnaires y trouvent leur compte et que le public bénéficie d’un meilleur service public, c’est tout le sens des mesures qui sont envisagés.

J-J B : J’ai une autre question sur l’éco pastille, avec ce malus quand on achète une voiture qui pollue, est ce que vous allez faire oui ou non quelque chose pour les familles nombreuses ?
C L : La bonne responsabilité d’une famille c’est d’essayer de penser à ses enfants et donc d’essayer d’un peu moins polluer et de faire des choix de véhicules intelligentes de ce point de vue là. Je ne pense pas qu’on prendra de mesures spécifiques pour les véhicules qui polluent plus que la norme simplement parce qu’il y a des familles parce que c’est tout d’abord très compliqué à mettre en œuvre et parce que la plupart des véhicules pour les familles entrent dans la bonne catégorie, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas soumis au malus.

J-J B : Livret A à 4% un jour ?
C L : Le Livret A, nous allons recevoir une recommandation du gouverneur de la banque de France vers la mi-janvier, et en fonction de sa recommandation on décidera de la mesure à prendre sur la rémunération du Livret A.

J-J B : En prenant en compte le calcul de l’inflation on arrive tout près des 4% …
C L : Il faut prendre le calcul de l’Euribor qui est un taux d’intérêt sur des placements, il faut prendre le taux d’inflation et ça c’est la formule mathématique qui permet à la banque de France de nous faire une recommandation ; ils doivent aussi tenir compte de tout ce qui a caractère un peu exceptionnel et aujourd’hui on s’aperçoit que les courbes d’intérêt manifestent des caractéristiques assez particulières qui devront éclairer le gouverneur de la banque de France dans sa recommandation.

La rédaction-Bourdin & Co