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Lagarde candidate au FMI, l'appui des émergents pas acquis

Lagarde candidate au FMI, l'appui des émergents pas acquis

Lagarde candidate au FMI, l'appui des émergents pas acquis - -

En annonçant mercredi sa candidature à la tête du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde a donné un coup d'accélérateur à un processus de succession qui pourrait bien tourner au bras de fer entre pays avancés et émergents.

La ministre française de l'Economie a reçu le soutien de plusieurs grands pays européens et Nicolas Sarkozy pourrait profiter du sommet du G8 jeudi et vendredi à Deauville pour tenter d'obtenir celui des Etats-Unis.

Mais l'Inde semble décidée à promouvoir l'idée d'une candidature commune aux "Brics" (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

"J'ai décidé de présenter ma candidature à la direction générale du Fonds monétaire international", a dit Christine Lagarde lors d'une conférence de presse, précisant qu'elle entendait effectuer un mandat complet de cinq ans.

Celui de Dominique Strauss-Kahn, démissionnaire après son inculpation aux Etats-Unis pour tentative de viol, s'achevait le 1er novembre 2012.

"C'est un immense défi que j'aborde avec beaucoup d'humilité et en souhaitant recueillir le plus large consensus", a ajouté la ministre française, qui peut s'appuyer sur sa carrière d'avocat aux Etats-Unis et sur l'expérience ministérielle accumulée depuis bientôt cinq ans.

Elle a expliqué qu'elle multiplierait les rencontres avec les membres du FMI au cours des prochaines semaines pour leur présenter son projet et "construire avec eux une nouvelle ambition pour le Fonds monétaire international".

Sans attendre, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lui a immédiatement exprimé son soutien, qui s'ajoute à ceux venus ces derniers jours de Berlin, Londres et Rome.

Pour sa part, le ministre belge des Finances, Didier Reynders, qui s'était dit "intéressé" par le poste, a rendu les armes en assurant qu'il y aurait "un consensus en Europe" pour soutenir Christine Lagarde.

WASHINGTON N'A PAS ENCORE CHOISI

Cette dernière a dit avoir "la conscience parfaitement tranquille" au sujet de l'affaire Tapie-Crédit lyonnais, qui pourrait lui valoir une enquête pour abus d'autorité en raison de son rôle dans l'arbitrage rendu en faveur de l'homme d'affaires français.

Elle entend d'ailleurs maintenir sa candidature même si une enquête était ouverte en juin dans ce dossier.

Le rassemblement de l'Europe en faveur de la candidate de Paris devrait être facilité par le rôle clé joué par le FMI dans la crise de la dette en zone euro: l'institution de Washington participe au renflouement de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal et elle peut faire barrage au versement des aides prévues à ces trois pays.

Mais Christine Lagarde devra aussi s'assurer le soutien des Etats-Unis pour l'emporter lors du vote qui doit désigner le nouveau directeur général, au plus tard le 30 juin.

Les 187 pays membres du FMI participent au scrutin mais leurs voix sont pondérées en fonction de leur participation au capital de l'institution, qui a toujours été dirigée par un Européen depuis sa création en 1945.

Or, le soutien de Washington à la candidature Lagarde n'est pas encore assuré. Car avant la ministre française, le Mexique avait présenté la candidature d'Agustin Carstens, le gouverneur de sa banque centrale, un postulant de poids, au moins aux yeux des dirigeants américains.

Christine Lagarde et Agustin Carstens sont tous deux "très talentueux" et sont des candidats "crédibles" pour diriger le FMI, a déclaré le secrétaire au trésor, Timothy Geithner.

VERS UN DUEL ÉMERGENTS-EUROPE ?

Le dilemme auquel semble confronté Washington devrait être abordé, au moins officieusement, lors du G8 de Deauville (Calvados) : s'il ne figure pas à l'ordre du jour, il devrait animer les multiples entretiens bilatéraux prévus entre les dirigeants des principaux pays avancés.

Absents à Deauville, les grands pays émergents auxquels la succession de Dominique Strauss-Kahn semblait un temps promise, ne s'avouent pas vaincus: selon deux sources gouvernementales à New Delhi, l'Inde discute avec d'autres capitales en vue d'appuyer un candidat commun issu d'un pays en développement.

"Il ou elle pourrait être mexicain, brésilien ou sud-africain", a dit l'une des sources, précisant que le nom d'un candidat commun pourrait être annoncé dans deux ou trois jours.

Mardi, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud avaient publié un communiqué commun en prônant l'abandon de la règle "obsolète et non écrite" réservant la direction du FMI à l'Europe.

Dans une réponse indirecte, Christine Lagarde a jugé mercredi que "l'émergence d'un certain nombre de grands acteurs comme la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie par exemple, pour n'en citer que quelques-uns, appelle nécessairement à s'interroger sur leur représentativité au sein de l'institution".

Le conseil d'administration du FMI, présidé provisoirement par l'Américain John Lipsky, a fixé au 10 juin la date limite de dépôt des candidatures.

Jean-Baptiste Vey et Marc Angrand, édité par Yves Clarisse

REUTERS