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Politique

La révolte gronde dans les cabinets ministériels

Le Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche et la ministre de l'Economie Christine Lagarde (ici à gauche et au centre, en compagnie de Valérie Pécresse) ont déploré les mesures de réduction des effectifs de leurs cabinets. Les ministère

Le Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche et la ministre de l'Economie Christine Lagarde (ici à gauche et au centre, en compagnie de Valérie Pécresse) ont déploré les mesures de réduction des effectifs de leurs cabinets. Les ministère - -

PARIS (Reuters) - La révolte gronde dans les cabinets ministériels, contraints par le président Nicolas Sarkozy de réduire leurs effectifs au forceps...

PARIS (Reuters) - La révolte gronde dans les cabinets ministériels, contraints par le président Nicolas Sarkozy de réduire leurs effectifs au forceps d'ici septembre, au nom de l'exemplarité de l'Etat à l'heure de l'austérité.

Les ministres et secrétaires d'Etat doivent envoyer au plus tard le 31 juillet au Premier ministre François Fillon un plan de réduction de leurs effectifs pour arriver à 20 collaborateurs maximum pour les premiers et quatre pour les seconds.

Cela représente 120 à 150 postes supprimés sur environ 600 conseillers officiellement répertoriés.

La mise en oeuvre de cette consigne alourdit encore un climat déjà rendu pesant par la perspective d'un remaniement ministériel annoncé par le chef de l'Etat pour octobre et par les polémiques sur les écarts supposés ou avérés de ministres.

Un membre de cabinet parmi les plus touchés n'hésite pas à qualifier cette purge de "connerie monumentale".

"Ça va être le bordel", prédit un deuxième, également sous le sceau de l'anonymat. "Les ministres vont être tétanisés et les cabinets vont tourner au ralenti jusqu'au remaniement."

D'autres manifestent la même révolte en termes plus choisis et évoquent un véritable "plan social".

"Ça se passe mal. C'est déplorable dans la manière et sur le fond", confie l'un d'eux, selon qui l'ambiance au gouvernement est à l'attente - "C'est plutôt 'vivement le dernier conseil des ministres qu'on puisse prendre l'air'", dit-il.

"C'est un peu Koh-Lanta", affirme un autre, en se référant à une émission de télé-réalité dont les participants votent pour éliminer leurs partenaires les plus faibles.

LAGARDE ET LELLOUCHE AGACÉS

Un troisième parle de "cauchemar" et juge "impossible de travailler" dans un secrétariat d'Etat avec une équipe réduite à quatre, dont un directeur et un chef de cabinet.

Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, a fait savoir que ses 10 collaborateurs lui étaient indispensables mais devra se résoudre à en perdre la moitié.

Des ministères se vantent d'être déjà pratiquement dans les clous, comme la Défense, l'Agriculture, la Justice, l'Intérieur, les Affaires étrangères ou l'Industrie. Pour d'autres, comme la Santé, l'Economie ou l'Ecologie, la tâche s'annonce plus dure.

"Ce n'est pas mes huit collaborateurs en moins qui résorberont la dette nationale", a protesté le 28 juin sur RMC la ministre de l'Economie, Christine Lagarde. "Je ne suis pas sûre que ce soit sur des collaborateurs officiels qui bossent comme des brutes qu'on fasse la meilleure économie."

L'entourage de son collègue de l'Ecologie Jean-Louis Borloo, qui déclare 36 collaborateurs (donc 16 de trop), fait valoir que ce portefeuille fusionne en fait six départements ministériels.

"Je ne sais pas si on va pouvoir descendre à 20. Je ne suis pas sûr que ça ait du sens", souligne un de ces conseillers.

La secrétaire d'Etat à la Ville, Fadela Amara, qui avoue 10 collaborateurs, est en discussion avec son ministre de tutelle, Eric Woerth (Travail et Affaires sociales), pour voir s'il leur est possible de mutualiser certains conseillers.

"MANQUE DE RECONNAISSANCE"

Beaucoup doutent de l'efficacité de la purge.

"C'est uniquement de l'affichage parce qu'on peut planquer des gens dans les administrations", dit l'un. "Tout le monde se dit que ça ne sert à rien" et il fallait attendre le remaniement pour remettre les compteurs à zéro, renchérit un autre.

Un argument récusé par l'Elysée, où l'on juge préférable de se préparer dès maintenant au remaniement, qui devrait se solder par la nomination d'un gouvernement resserré.

"Les cabinets doivent plus travailler ensemble et s'appuyer plus sur l'administration", souligne un proche du président.

Ce sera la fin de 200 ans de culture administrative française, avertit pour sa part un collaborateur de ministre.

"Si le cabinet ne peut plus faire le boulot de conseil juridique et politique du ministre, le job devra être fait par les directeurs d'administration", explique-t-il. "Cela signifie que les directeurs d'administration doivent être désignés par le ministre sur des critères politiques, comme aux Etats-Unis."

A moins de "basculer dans la technocratie", avec un pouvoir passant à l'administration, ajoute-t-il.

Sans aller jusque-là, une de ses homologues déplore un "manque de reconnaissance invraisemblable" pour ces conseillers qui accumulent sans compter les heures de travail pour des salaires très inférieurs à ceux qu'ils auraient dans le privé.

C'est aussi "prendre le risque de faire plus d'erreurs", estime-t-elle. "On ne peut pas se réjouir d'un système qui s'appauvrit. Présenter les membres des cabinets comme des rats qui auraient profité du système est un scandale. Quand on aura bien craché sur nos élites, je ne sais pas ce qui restera."

Beaucoup sont fonctionnaires et regagneront leur corps d'origine - ce qui réduit d'autant les économies réalisées. Mais les contractuels venus du secteur privé qui n'auront pas été "recasés" risquent de se retrouver brutalement au chômage.

"Si on ne traite pas la question de façon sereine et saine, plus personne ne voudra venir travailler dans les cabinets", fait valoir l'un de ces conseillers.

Edité par Yves Clarisse