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La réforme de la garde à vue s'applique immédiatement

La Cour de cassation a décidé vendredi l'application immédiate de la réforme de la garde à vue, cinq semaines avant la date prévue par le gouvernement. Les justiciables peuvent, dès ce vendredi, obtenir la présence d'un avocat tout au long de leur garde à

La Cour de cassation a décidé vendredi l'application immédiate de la réforme de la garde à vue, cinq semaines avant la date prévue par le gouvernement. Les justiciables peuvent, dès ce vendredi, obtenir la présence d'un avocat tout au long de leur garde à - -

La Cour de cassation a décidé vendredi l'application immédiate de la réforme de la garde à vue, cinq semaines avant la date prévue par le gouvernement.

Les justiciables peuvent, dès ce vendredi, obtenir la présence d'un avocat tout au long de leur garde à vue, et non plus trente minutes seulement à son début, ou faire valoir le droit au silence, un alignement sur le droit britannique.

"La réforme s'applique dès à présent", a confirmé le ministre de la Justice, Michel Mercier, annonçant avoir donné instruction aux parquets d'appliquer "sans délai" la réforme de la garde à vue, sans attendre le 1er juin.

Il a ajouté dans un communiqué qu'il mettrait tout en oeuvre "pour assurer la meilleure sécurité juridique possible".

La décision de la Cour de cassation précipite en effet une réforme publiée vendredi au Journal Officiel mais qui ne devait entrer en vigueur que dans plusieurs semaines.

Plusieurs syndicats de policiers, qui étaient déjà hostiles au principe même de la réforme de la garde à vue, craignent une pagaille monstre pendant plusieurs semaines dans les commissariats, assurant que les locaux ne sont pas adaptés.

Alliance, Synergie Officiers et le Syndicat indépendant des commissaires de police, se déclarent "affligés" et prédisent "une mise en oeuvre chaotique".

"Ni les policiers, ni les magistrats, ni les avocats ne sont prêts pour la mise en place de ce dispositif", estiment-ils dans un communiqué.

"UN ARRÊT HISTORIQUE"

Le nombre de gardes à vue en France est passé de 336.718 en 2001 à 792.293 en 2009 selon les chiffres de l'Assemblée.

Disant redouter l'"insécurité juridique", ces syndicats appellent les policiers à appliquer "avec une rigueur absolue" les nouvelles règles qu'ils qualifient d'"irréalistes".

Dans un courrier au Premier ministre François Fillon, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, avait exprimé les mêmes réserves début avril. Il avait dit craindre que la présence de l'avocat pendant l'audition soit une source d'"incidents".

Une décision de la Cour de cassation dans une affaire concernant des étrangers en situation irrégulière est à l'origine de l'accélération de l'entrée en vigueur de cette révolution dans le monde policier et judiciaire.

Le Conseil constitutionnel, qui avait censuré la garde à vue l'été dernier, avait donné au gouvernement jusqu'au 1er juillet pour faire adopter une nouvelle procédure.

Le texte stipulait que la réforme entrerait en vigueur "le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel" (JO), soit le 1er juin au plus tôt.

Toutefois, la Cour de cassation, saisie de plusieurs dossiers dans ce sens, a décrété vendredi que les règles de la Convention européenne des droits de l'homme pour un procès équitable s'appliquaient en toutes circonstances, y compris aux étrangers, et que leur effet était immédiat.

"La plus haute formation de la Cour de cassation (...) a décidé une application immédiate des droits de la défense garantis par la Convention européenne des droits de l'homme", écrit la Cour de cassation dans un communiqué.

Elle avait été saisie par l'avocat d'une Comorienne qui avait eu à subir une garde à vue et le Syndicat des avocats de France (SAF), qui s'est réjoui d'une victoire éclatante.

"C'est un arrêt historique", a déclaré Me Didier Bouthors, l'un des avocats plaidant dans les dossiers soumis à la Cour.

DES TARIFS "INDIGENTS"

Le droit au silence et la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue s'appliqueront donc pour les étrangers placés en garde à vue avant d'être mis en rétention administrative.

Le ministère de la Justice avait annoncé jeudi avoir fixé le niveau de rémunération des avocats qui assisteront les personnes gardées à vue bénéficiant de l'aide juridictionnelle.

Il a été décidé de rémunérer 300 euros hors taxe la garde à vue pour 24 heures de présence maximum. Les représentants des barreaux tablent plutôt sur une durée moyenne d'intervention de l'avocat de trois à quatre heures.

La prolongation de garde à vue sera rétribuée 150 euros hors taxe, tout comme l'avocat qui assistera une victime lors d'une confrontation. Les trente minutes d'entretien avec l'avocat au début de la mesure resteront au tarif actuel de 61 euros.

Pour Pascale Taelman, présidente du SAF, les tarifs annoncés "restent indigents" et il y aura effectivement des difficultés d'application. "Mais ça fait des années que c'était prévisible."

"On ne peut que déplorer que le gouvernement ait refusé, depuis deux ans, d'accompagner cette évolution inéluctable et nécessaire de notre procédure pénale et qu'il se soit acharné au contraire à entretenir un climat délétère au sein de l'institution judiciaire", écrit le SAF.

Gérard Bon avec Marc Angrand, édité par Yves Clarisse