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La Libye, un succès qui vient à point nommé pour Sarkozy

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par Yann le Guernigou PARIS (Reuters) - La fin annoncée de Mouammar Kadhafi est un succès pour la diplomatie non conventionnelle de Nicolas Sarkozy,...

par Yann le Guernigou

PARIS (Reuters) - La fin annoncée de Mouammar Kadhafi est un succès pour la diplomatie non conventionnelle de Nicolas Sarkozy, qui n'a pas ménagé ses efforts pour rallier la communauté internationale à la cause des insurgés libyens.

La chute du colonel libyen après 42 ans de règne intervient en outre à point nommé pour le chef de l'Etat alors que des craintes d'enlisement du conflit étaient apparues cet été, provoquant un affaiblissement du soutien de l'opinion française.

Mais son impact positif devrait être limité parce que la politique internationale n'est pas la préoccupation numéro un des Français et que, dans ce domaine, l'Afghanistan et ses 73 soldats français morts au combat inquiètent plus qu'une guerre qui n'a pas fait de victime dans les rangs de l'armée.

De bout en bout, Nicolas Sarkozy aura été à l'initiative dans le conflit : premier à reconnaître le Conseil national de transition (CNT) comme représentant légitime du peuple libyen, il n'a pas hésité à bousculer, avec l'aide de la Grande-Bretagne, des pays comme l'Allemagne, l'Italie mais aussi les Etats-Unis pour les convaincre de la nécessité d'une aide militaire aux insurgés par le biais de frappes aériennes.

"Cette affaire illustre à la fois la force et la faiblesse de Nicolas Sarkozy en politique étrangère", déclare Dominique Moïsi, conseiller auprès de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

LE PHILOSOPHE PLUTÔT QUE LES DIPLOMATES

"La force, c'est l'intuition, la prise de risque et le courage. La faiblesse une forme d'improvisation dans la méthode : Bernard-Henri Lévy annonçant sur les marches de l'Elysée, à la veille d'un sommet européen, les cibles à bombarder en Libye avait un côté surréaliste", ajoute-t-il. "Mais ce qui restera, c'est que, au bout, Kadhafi est tombé."

Le philosophe Bernard-Henri Lévy a joué un rôle de premier plan dans cette affaire en persuadant le chef de l'Etat, par un simple coup de téléphone donné de Benghazi, de recevoir des représentants d'un CNT qui n'était alors reconnu par personne.

"Nicolas Sarkozy a suivi le philosophe plutôt que ses diplomates. Il y a été d'autant plus courageusement que la France n'avait alors pas vraiment d'alliés autres que les Britanniques", souligne Dominique Moïsi.

Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé n'a pas caché à plusieurs reprises son agacement devant cette diplomatie parallèle menée avec Bernard-Henri Lévy, qui a débouché aussi sur des fournitures d'armes aux insurgés libyens.

Pour Dominique Moïsi, Nicolas Sarkozy y a vu l'occasion de rétablir le crédit de la France après son "très mauvais départ" face aux révolutions du printemps arabe, marqué par une absence initiale de réaction aux événements en Tunisie et en Egypte.

L'intervention en Libye a aussi permis d'effacer le souvenir de la réception officielle de Mouammar Kadhafi fin 2007 à Paris, "qui n'a pas été un grand moment de la diplomatie française".

UN ANTI-AFGHANISTAN

Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l'Ifop, estime pareillement que la crise libyenne fera oublier les cafouillages des débuts du printemps arabe.

"Après la Côte d'Ivoire, où son intervention militaire a permis d'installer un président élu démocratiquement, la Libye montre que la France peut encore jouer un rôle non négligeable sur la scène internationale", dit-il.

L'issue du conflit intervient en outre au moment où l'opinion était de plus en plus partagée sur celui-ci : un sondage Ifop publié début août faisait apparaître que la proportion de Français favorables à l'intervention des Occidentaux était tombée à 49%, contre 66% fin juin.

Des interrogations étaient aussi apparues sur les moyens nécessaires à un conflit prolongé qui coûtait officiellement 1,2 million d'euros chaque jour à l'armée française.

Par comparaison, un autre sondage Ifop publié lundi dans L'Humanité montre que 76% des Français sont opposés à l'intervention militaire française en Afghanistan.

"La Libye, c'est quelque part un anti-Afghanistan", juge Dominique Moïsi : "Il n'y a pas de troupes sur le terrain, pas de victimes et ça marche. En Afghanistan, il y a beaucoup de monde sur le terrain et ça ne marche pas."

S'il est sans doute important pour Nicolas Sarkozy de montrer que ses efforts et sa ténacité ont payé dans le dossier libyen, "pour autant, la politique internationale n'est pas la priorité des priorités des Français", dit encore Jérôme Fourquet. Le responsable de l'Ifop prédit que les mesures prévues pour le bouclage d'un budget 2012 difficile, attendues mercredi, risquent d'avoir bien plus de retentissement.

Edité par Yves Clarisse