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La gauche se divise après les huées contre Rousseau lors d'une manifestation en soutien aux Iraniennes

Sandrine Rousseau le 29 septembre 2022 à Paris

Sandrine Rousseau le 29 septembre 2022 à Paris - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

La députée écologiste a été copieusement siffée lors d'une manifestation en soutien aux manifestants iraniens, dimanche à Paris. En guise d'explication, Laurence Rossignol dénonce "l'ambiguïté d'une partie de la gauche", réfutée fermement par l'eurodéputée LFI Manon Aubry.

C'est une séquence qui illustrerait, selon une partie de la gauche, les divisions au sein de son propre camp. Sandrine Rousseau a été copieusement huée dimanche après-midi lors d'une manifestation à Paris en soutien aux femmes iraniennes. D'autres élues ont pu s'exprimer plus facilement à l'instar de l'insoumise Manon Aubry ou de l'ancienne ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol.

En plein rassemblement, la députée écologiste a bien tenté de s'exprimer pendant quelques dizaines de secondes pour dénoncer "les violences et le totalitarisme qui s'exercent contre les femmes", avant de reposer le micro, sous les broncas.

Interrogée sur cet épisode sur France inter ce lundi matin, l'écoféministe a avancé que "trois femmes de gauche" - Manon Aubry, Laurence Rossignol et elle-même- "avaient été sifflées" lors de ce rassemblement parisien.

"Qu'elle ne cherche pas à nous embarquer sur son bateau"

Laurence Rossignol n'a guère apprécié d'être ainsi citée et a qualifié ses propos de "mensonge" sur son compte Twitter.

"Que Sandrine Rousseau assume ses positions et ne cherche pas à nous embarquer, toutes, sur son bateau!", lui a encore répondu l'ex-ministre de François Hollande, chargée pendant plusieurs années des Droits des femmes au sein du gouvernement.

"Le féminisme est bien quand il est loin"

La marche organisée dimanche à Paris visait à soutenir la mobilisation de dizaines de milliers de personnes en Iran qui ont défilé ces derniers jours pour condamner la répression. Le pays est en proie à une vaste crise sociale depuis la mort de la jeune Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs pour un voile mal ajusté le 13 septembre dernier, avant de mourir en cellule trois jours plus tard.

Après les huées de la manifestation dans la capitale, Sandrine Rousseau s'est interrogée sur "les intentions des manifestants de siffler".

"J'ai toujours l'impression que le féminisme est bien quand il est loin et, que quand il est en France, il est moins acceptable", a encore remarqué l'élue sur France inter.

"Une ambiguïté d'une partie de la gauche"

La controverse montrerait-elle deux visions opposées du port du voile en France avec d'un côté des féministes qui défendent le droit à disposer de son corps pour les femmes, dont le port du voile s'il est fait en toute liberté, ou d'autres féministes qui s'opposent totalement à son existence?

"Il y a une ambiguïté d'une partie de la gauche qui a du mal à désigner l'islamisme en l'appelant par son nom. Si les Iraniennes posent leur foulard, c'est parce qu'il symbolise tout un sytème d'exclusion et d'infériorisation des femmes", répond Laurence Rossignol auprès de BFMTV.com. L'ancienne ministre voit dans les manifestants parisiens des "personnes qui ont de la mémoire".

Sandrine Rousseau avait déjà fait l'objet d'une polémique sur le voile en novembre dernier à l'occasion d'une campagne de publicité du Conseil de l'Europe. L'institution promouvait des portraits de plusieurs jeunes femmes, à demi-voilées, évoquant "la liberté dans le hijab". "Il y a pleins de motivations pour porter un voile et il y en a qui portent des voiles qui sont juste un embellissement", avait alors réagi l'écologiste sur le plateau de LCP.

Un précédent avec la marche contre l'islamophobie de 2019

Quelques semaines plus tôt, en pleine campagne interne des écologistes pour la présidentielle, elle déclarait voir "dans le voile, la burqa" des "vêtements sexistes", tout en jugeant qu"on ne force jamais les femmes à s'émanciper" par une éventuelle interdiction de ces signes religieux.

Esther Benbassa, également présente à la manifestation de dimanche, nuance cette opposition idéologique parmi les manifestants.

"Il y a des manifestants qui m'ont dit qu'il ne fallait pas défendre le voile. D'autres m'ont dit: 'la France, ce n'est pas l'Iran'", nous assure l'ex-écologiste qui avait elle-même été pointée du doigt pour sa présence lors d'une marche contre l'islamophobie en 2019.

Cette manifestation avait déjà déchiré la gauche et provoqué une levée de boucliers du gouvernement et de l'extrême droite. La notion même d'"islamophobie" ainsi que l'identité de certains signataires de l'appel avaient conduit une partie de la gauche à ne pas s'y associer, au PS ou au PRG.

Esther Benbassa réfute l'explication et voit plutôt dans les huées contre la députée parisienne la mise en cause de son parcours. "Peut-être que les gens en ont juste marre d'écouter la papesse du féminisme", tance Esther Benbassa, regrettant les polémiques des dernières semaines, entre le cas de Julien Bayou, "droit à la paresse" et le barbecue, "signe de virilité".

"Pas de confusion de la part de la gauche"

Manon Aubry, qui a vu le nom de son parti sifflé, avant de pouvoir s'exprimer sans difficulté à l'issue de la manifestation, porte un tout autre regard sur l'atmosphère de la manifestation.

"On a été hué parce que les manifestants voulaient des annonces concrètes pour soutenir les Iraniens. C'est ça la raison. Et arrêtons de faire comme s'il y avait une confusion de la part de la gauche. En France, aucun pouvoir politique n'oblige les femmes à porter le voile, contrairement à l'Iran où c'est un choix imposé par les Mollahs", avance l'eurodéputée.

L'élue insoumise va déposer au nom de son groupe au Parlement européen une proposition de résolution pour lutter contre le régime en place en Iran en utilisant différents leviers de sanction.

"Les gens étaient énervés parce que nous étions les seuls présents et donc les seuls à qui demander des comptes", avance encore Manon Aubry.

"Mangez vos morts"

Aucun député LR, Renaissance ou RN n'était présent dans le cortège dimanche, pas plus qu'un membre du gouvernement. Dans un rôle de médiateur international, Emmanuel Macron a longuement échangé avec le président iranien, Ebrahim Raïssi, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU fin septembre.

Les divisions à gauche sont en tout cas scrutées. Marine Le Pen a réagi à un tweet de la députée insoumise Danièle Obobo qui appelle "les gens qui instrumentalisent la lutte des femmes en Iran" pour "disqualifier la lutte des femmes en France" à "manger leurs morts".

"La France insoumise: jusqu'où vont-ils descendre?", lui a répondu, la présidente des députés RN sur le réseau social.

Marie-Pierre Bourgeois