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Politique

La France s'apprête à présider un G20 sous tension

Ecran avec les drapeaux des pays participant au G20 à Séoul. Un peu plus de deux ans après son appel à une "gestion collective" des crises, Nicolas Sarkozy s'apprête à prendre la présidence d'un G20 qu'il a contribué à promouvoir comme la principale arène

Ecran avec les drapeaux des pays participant au G20 à Séoul. Un peu plus de deux ans après son appel à une "gestion collective" des crises, Nicolas Sarkozy s'apprête à prendre la présidence d'un G20 qu'il a contribué à promouvoir comme la principale arène - -

par Yann Le Guernigou PARIS (Reuters) - Un peu plus de deux ans après son appel à une "gestion collective" des crises, Nicolas Sarkozy s'apprête à...

par Yann Le Guernigou

PARIS (Reuters) - Un peu plus de deux ans après son appel à une "gestion collective" des crises, Nicolas Sarkozy s'apprête à prendre la présidence d'un G20 qu'il a contribué à promouvoir comme la principale arène de concertation internationale sur les affaires économiques et financières.

Le plus gros de la crise qui avait conduit la planète à serrer les rangs face au risque d'implosion du système financier étant passé, le président français devra s'employer pour éviter un retour au "chacun pour soi" illustré par les fortes tensions monétaires du moment.

Nombre d'économistes jugent sur ce point que, s'il a su jouer le rôle de pompier, le G20 a encore presque tout à faire pour corriger les causes majeures des dérèglements de l'économie mondiale, au centre des tensions actuelles entre la Chine et les Etats-Unis.

Nicolas Sarkozy avait pris l'initiative fin septembre 2008 à la tribune de l'Onu quand, quelques jours après la faillite retentissante de la banque d'affaires Lehman Brothers, il avait pressé les grandes économies de se réunir au sommet pour "réfléchir ensemble aux leçons à tirer de la crise".

Même si son appel visait d'abord les dirigeants "des pays les plus concernés", à savoir les Occidentaux du G7, il plaidait aussi pour une concertation ouverte aux grandes économies émergentes, la Chine en tête mais aussi l'Inde et le Brésil.

Le résultat a été de promouvoir le statut du G20, un forum créé au moment de la crise asiatique de 1997 mais qui ne se réunissait jusqu'alors qu'au niveau des ministres des finances et gouverneurs de banque centrale.

Après avoir rallié les pays européens à sa croisade, Nicolas Sarkozy a obtenu l'accord décisif de George Bush pour un sommet mi-novembre 2008 à Washington de ce groupe de pays représentant 85% de la richesse mondiale.

PREMIÈRE ÉTAPE

Le G20 y est convenu de poser les bases d'une plus grande coordination des économies et d'une régulation de la finance pour la relever de sa crise la plus grave depuis celle de 1929.

Londres et Pittsburgh, en avril et en septembre 2009, ont accouché de premières décisions, concrètes sur la régulation des marchés et des banques, moins ambitieuses sur la coordination avec l'approbation d'un "cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée" peu contraignant.

Le sommet d'étape de Toronto, en juin dernier, a montré les limites de l'exercice quand les participants ont étalé des divergences sur les politiques de sortie de crise, qui se sont exacerbées depuis avec de vifs échanges sur les différentes stratégies de change.

Pour Christian de Boissieu, président du Conseil d'analyse économique, le G20 a eu le mérite d'obliger les grandes économies "à se parler, à se concerter, à échanger leurs expériences, ce qui est une première étape de la coordination".

Il a permis en outre de "résister à la tentation protectionniste" qu'auraient pu nourrir certains pays confrontés à de forts taux de chômage, ajoute-t-il.

Il s'est enfin traduit par des avancées "inégales mais quand même significatives" sur la régulation bancaire et financière, à savoir les normes de solvabilité des banques, les produits dérivés ou les paradis fiscaux, tous sujets liés à la moralisation du capitalisme prônée par Nicolas Sarkozy.

Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, note aussi le début de réforme du Fonds monétaire international, qui doit être entériné cette semaine à Séoul.

LA FRANCE OUVRE UN NOUVEAU DÉBAT

Avec un poids renforcé des pays émergents dans son tour de table, celui-ci reflètera désormais plus fidèlement la géographie économique mondiale et est appelé à jouer un rôle plus important dans la gestion des conflits.

Les tensions des derniers mois autour de la politique de change d'une Chine qui donne la priorité à ses exportations ou à propos de la politique monétaire américaine d'"assouplissement quantitatif" augurent de débats âpres à Séoul tout autant qu'elles reflètent les échecs du G20 à ce jour.

"Sur les sujets majeurs du déséquilibre mondial, que ce soit l'explosion des liquidités, qui est un problème très fort, que ce soient les déséquilibres commerciaux évidents, que ce soit la volatilité des prix des matières premières, objectivement on n'a pas beaucoup avancé", déplore Jean-Hervé Lorenzi.

Il ajoute que même les progrès, qu'il juge limités, réalisés sur le régulation de la finance ne servent à rien si le G20 ne s'attaque pas à ces problèmes.

"Le sujet clé est comment se crée et se régule la quantité de monnaie à l'échelle mondiale car c'est elle qui est porteuse de l'impossibilité de gérer les systèmes bancaires et les équilibres entre pays."

C'est dans ce contexte que la France a proposé d'ouvrir sous sa présidence à venir le débat de la réforme du système monétaire international. Consciente de l'ampleur de la tâche, elle a décidé de procéder avec pragmatisme.

"Ce que veut la France, c'est, en partant du constat d'une situation insatisfaisante, qu'on se mette d'accord sur un objectif et les moyens d'y parvenir", dit Christian de Boissieu.

"On n'arrive pas avec une solution toute faite. On ouvre le débat, on voit jusqu'où peuvent aller les uns et les autres et on verra s'il y a des conséquences à en tirer."

Avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse