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La France Insoumise

Les députés LFI veulent supprimer le texte sur les tirs de policiers face aux refus d'obtempérer

Mathilde Panot et des députés La France insoumise le 16 mai 2023 à l'Assemblée nationale

Mathilde Panot et des députés La France insoumise le 16 mai 2023 à l'Assemblée nationale - Emmanuel DUNAND / AFP

Mathilde Panot a annoncé le dépôt, par les députés LFI, d'une proposition de loi visant à abroger la version d'un article du Code de la sécurité intérieure, créée par une loi de 2017. Cet article porte sur les conditions d'ouverture du feu des policiers en cas de refus d'obtempérer notamment.

Les députés insoumis veulent légiférer pour éviter une autre mort comme celle de Nahel. "Le groupe parlementaire de la France Insoumise-NUPES dépose une proposition de loi pour abroger l’article 435-1 de la loi Cazeneuve", a annoncé jeudi la cheffe des députés La France insoumise, Mathilde Panot, sur Twitter.

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Cet article, qui porte sur les conditions d'ouverture du feu des policiers et gendarmes, a créé "un permis de tuer", a dénoncé Mathilde Panot. Cette proposition de loi vient en réaction à la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué mardi à Nanterre lors d'un contrôle routier.

La polémique enfle depuis mardi sur cette loi de la fin du quinquennat de François Hollande. Le chef des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, a par exemple appelé mercredi à "évaluer l'application de l'article 435-1 du Code de la sécurité intérieure sur l'usage des armes et en tirer les conséquences." "Nous demandons depuis janvier une commission d'enquête sur les conséquences de la loi de 2017 qui a permis aux policiers de tirer en cas de refus d'obtempérer", a affirmé dans un tweet la députée LFI Danielle Simonnet.

Au Sénat, mercredi, Gérald Darmanin a dénoncé la "récupération politique" et la volonté de certains parlementaires de légiférer "sous l'émotion". Le ministre de l'Intérieur a souligné que cette loi avait été votée dans des "temps différents", marqués par des attentats terroristes, et qu'elle "ne prévoit pas que des policiers ou des gendarmes puissent tirer sur une voiture" mais qu'ils puissent utiliser leur arme en cas de "danger de mort".

Des tirs autorisés en cas d'"absolue nécessité"

Que contient ce texte exactement? Cette loi de février 2017 a modifié les conditions d'ouverture du feu des policiers, qui étaient jusqu'alors soumis au Code pénal et au principe de la légitime défense, comme tout citoyen.

L'article 435-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) dispose désormais qu'ils peuvent tirer en cas de refus d'obtempérer, s'ils ne peuvent stopper la voiture autrement que par l'usage d'arme et si le conducteur "est susceptible de perpétrer (...) des atteintes à leur vie ou leur intégrité physique et celle d'autrui".

Mais les principes d'"absolue nécessité" et de "stricte proportionnalité" de la légitime défense demeurent. Auprès du Monde, Bernard Cazeneuve a défendu la loi qu'il a porté en tant que Premier ministre: "Le texte reprend les cas de légitime défense déjà établis par la jurisprudence et offre une sécurité juridique aux forces de l’ordre. Il n’est pas honnête d’imputer au texte ce qu’il n’a pas souhaité enclencher."

"Cela suppose une appréciation qui appartient à l’administration", a-t-il estimé.

"On ne peut pas imputer à une loi ce qui relève de la formation, de la capacité et du professionnalisme des policiers, du rappel de la police aux règles déontologiques, de l’encadrement qui doit s’assurer qu’elles sont appliquées… Ceux qui portent une parole publique doivent la maîtriser", a enfin ajouté l'ex-Premier ministre.

Une augmentation des tirs mortels

Mardi, à l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin a affirmé que depuis cette loi, il y avait eu "moins de tirs" et "moins de cas mortels" qu'avant 2017, tandis que "dans de très nombreux cas, malheureusement, des policiers et des gendarmes sont morts de refus d'obtempérer".

Dans une étude statistique basée sur des données officielles et des sources de presse, publiée en septembre dernier, les chercheurs Sébastien Roché, Paul le Derff et Simon Varaine ont toutefois démontré que les tirs policiers mortels sur les véhicules en mouvement ont été multipliés par cinq entre avant et après le vote de la loi. "Il apparaît que la loi de 2017 a eu pour effet de plus fréquentes atteintes à la vie des citoyens par la police", concluent les chercheurs.

Les statistiques publiées chaque année en juin dans le rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) montrent en revanche une quasi-stabilité du nombre de tirs en direction de véhicule en mouvement, dans les cas de refus d'obtempérer.

Le rapport de l'IGPN pour 2021 fait état ainsi de 137 tirs en 2016, 202 en 2017, 170 en 2018, 147 en 2019, 153 en 2020, 157 en 2021. En 2022, 138 tirs de cette nature ont été recensés. Ce chiffre n'a pas encore été publié, le rapport pour 2022 de l'IGPN devant l'être plus tard. En revanche, les tirs mortels dans des situations comparables sont passés de 2 en 2021 à 13 en 2022.

Sophie Cazaux avec AFP