BFMTV
Politique

La droite alsacienne sauvée par le vote rural

La liste de Philippe Richert, sénateur UMP du Bas-Rhin (ici dans les locaux du conseil régional d'Alsace), a obtenu 46,16% des voix au second tour des élections régionales en Alsace, contre 39,27% à celle de Jacques Bigot allié aux écologistes, et 14,57%

La liste de Philippe Richert, sénateur UMP du Bas-Rhin (ici dans les locaux du conseil régional d'Alsace), a obtenu 46,16% des voix au second tour des élections régionales en Alsace, contre 39,27% à celle de Jacques Bigot allié aux écologistes, et 14,57% - -

par Gilbert Reilhac STRASBOURG - La tradition a été respectée en Alsace, où les électeurs ont reconduit dimanche la droite à la tête de cette région...

par Gilbert Reilhac

STRASBOURG (Reuters) - La tradition a été respectée en Alsace, où les électeurs ont reconduit dimanche la droite à la tête de cette région frontalière, confirmant un ancrage qui doit beaucoup à l'histoire et au poids de la ruralité.

La liste de Philippe Richert, sénateur UMP du Bas-Rhin, a obtenu 46,16% des voix au second tour des élections régionales, contre 39,27% à celle de Jacques Bigot allié aux écologistes, et 14,57% au Front national mené par le Mulhousien Patrick Binder.

"L'Alsace reste fondamentalement une terre de droite", a résumé le socialiste Jacques Bigot, tête de liste de la gauche, au lendemain de sa défaite, qu'il tente d'expliquer par le fait que "la gauche n'est pas présente dans les campagnes".

Richard Kleinschmager, professeur à l'Institut d'études politiques de Strasbourg, juge le phénomène "pas nouveau".

"Le socialisme n'a jamais été majoritaire à aucune élection générale, il ne subsiste que dans les villes", analyse-t-il. "Ce qui est nouveau, c'est que c'est très marqué cette fois-ci."

Le succès de la majorité doit essentiellement aux scores obtenus dans les zones rurales tandis que les trois grandes villes votaient majoritairement à gauche, à 67 voix près s'agissant de Colmar mais à 54% à Strasbourg et par 47% des voix contre 35% à la liste Richert pour Mulhouse.

Si l'opposition entre un vote des villes et un vote des champs est traditionnelle, elle prend un relief particulier en Alsace en raison du poids de ce dernier.

UNE ALSACE À DEUX VITESSES

Les trois grandes agglomérations ne constituent, banlieues comprises, que 40% d'une population de 1,8 million d'habitants.

Les zones rurales s'y conjuguent en revanche avec forte densité de population et la présence, à côté de l'agriculture, de nombreuses activités industrielles et artisanales.

La liste de Philippe Richert dépasse les 50% dans le nord du département du Bas-Rhin pour atteindre 64% dans le canton de La Petite Pierre d'où est originaire cet homme de 56 ans, qui met volontiers en avant ses origines de "fils d'ouvriers-paysans".

Son score n'est que de 43,25% dans le Haut-Rhin, sans doute en raison des effets plus importants de la crise dans ce département marqué par la grande industrie, hier textile, aujourd'hui mécanique et chimique.

Ce déficit de voix ne profite cependant pas à la gauche, mais au Front national, qui totalise près de 17,8% des voix.

"On a une Alsace à deux vitesses, ce qui peut poser des problèmes à l'avenir", a commenté le maire PS de Strasbourg, Roland Ries, en invoquant "une tradition de droite qui ne date pas de toujours".

Dans un livre publié en 2007, "L'Alsace et la gauche", il date du retour de la région à la France, en 1918, le début du divorce entre une population catholique et attachée à ses traditions et des socialistes jacobins et anticléricaux.

Aujourd'hui encore, "la gauche ne parle pas 'alsacien'", déplorait-il en conclusion pour souligner le décalage persistant entre le PS et la région profonde.

Pour Richard Kleinschmager, c'est dans les villages, autour des notables tels que le maire, le curé ou le pasteur, que s'est forgé un esprit de résistance d'abord à l'Allemagne, puis à la volonté centralisatrice de la France.

"Le local a été le lieu de conservation de 'l'alsaciannité' face à l'annexion allemande, face ensuite à l'occupation nazie mais peut-être aussi par rapport aux maladresses commises lors du retour à la France dans l'entre-deux guerres", dit-il.

LE CHIFFON ROUGE DE LA GAUCHE

Le thème d'une identité alsacienne forcément de droite, a été largement exploité par la liste de Philippe Richert.

"L'Alsace est une terre du centre et de la droite, nous sommes des constructeurs, des bâtisseurs", lançait lors d'un meeting de l'entre-deux-tours Justin Vogel, maire de Truchtersheim, fertile terre agricole du Bas-Rhin.

"Nous avons une langue que les Parisiens ne peuvent pas comprendre", enchaînait ce colistier de Philippe Richert.

Ce sont ces relais locaux, dont la gauche ne dispose pas dans les cantons ruraux, que la droite a massivement activés, sans s'en cacher, entre les deux tours.

La participation a ainsi progressé de près de 7,73 points en Alsace d'une semaine à l'autre contre une hausse de 4,84 en moyenne nationale.

Philippe Richert, qui ne disposait que de 2.000 voix d'avance à l'issue du premier tour par rapport aux scores cumulés du Parti socialiste et d'Europe Ecologie, en totalisait près de 42.500 de plus au soir du second.

"Au premier tour, les Alsaciens voulaient donner un avertissement. C'est vrai qu'il y a des choses qui ne vont pas au niveau du gouvernement", a estimé Justin Vogel.

Pour Richard Keinschmager, cet avertissement "n'a pas résisté à l'idée que la région pouvait passer à la gauche; c'était un peu le chiffon rouge".

Edité par Yves Clarisse