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La demande des avocats de DSK a peu de chances d'aboutir

Dominique Strauss-Kahn à l'aéroport de Marrakech. L'ancien directeur du FMI invoque son immunité diplomatique pour écarter la plainte déposée au civil par Nafissatou Diallo. Mais spécialistes du droit international et avocats préviennent qu'il sera très d

Dominique Strauss-Kahn à l'aéroport de Marrakech. L'ancien directeur du FMI invoque son immunité diplomatique pour écarter la plainte déposée au civil par Nafissatou Diallo. Mais spécialistes du droit international et avocats préviennent qu'il sera très d - -

par Noeleen Walder (Reuters) - Le 14 mai, quelques minutes après son arrestation à bord d'un avion d'Air France à l'aéroport John Fitzgerald...

par Noeleen Walder

(Reuters) - Le 14 mai, quelques minutes après son arrestation à bord d'un avion d'Air France à l'aéroport John Fitzgerald Kennedy, Dominique Strauss-Kahn a lancé aux policiers new-yorkais: "J'ai l'immunité diplomatique". Quelques heures plus tard, lorsque les agents de la "Sex crimes unit" lui ont demandé s'il bénéficiait d'un quelconque statut diplomatique, il a répondu: "Non non non, je n'essaie pas de m'en servir."

Plus de quatre mois plus tard, l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) invoque à nouveau son immunité diplomatique pour écarter la plainte déposée au civil par Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui l'accuse d'agression sexuelle dans sa suite de l'hôtel Sofitel de Manhattan.

Mais spécialistes du droit international et avocats préviennent qu'il sera très difficile d'en convaincre le juge.

"Je pense que (ses avocats) se sentent renforcés et qu'ils essayent tout ce qu'ils peuvent. Mais je ne crois pas que ça se défende", dit Bradley Simon, avocat pénaliste renommé.

L'avocat new-yorkais estime que si Dominique Strauss-Kahn bénéficiait vraiment de l'immunité, ses avocats l'auraient utilisée pour contrer la plainte pénale avant sa démission du FMI.

L'ancien ministre des Finances a démissionné le 18 mai de la direction du FMI, disant qu'il souhaitait "protéger" l'institution.

Un tribunal de New York a abandonné les poursuites au pénal le visant le 23 août à la demande du parquet, qui doutait de la crédibilité et de la bonne foi de la plaignante.

L'ancien favori des sondages à l'élection présidentielle de 2012 a reconnu à son retour en France une "faute morale" et une relation "inappropriée" mais dément une relation tarifée ou contrainte.

UNE CONVENTION DE 1947

Dans la demande déposée lundi auprès de la Cour suprême de l'Etat de New York, les avocats de Dominique Strauss-Kahn affirment que son poste à la tête du FMI l'exonère d'un procès au civil même après sa démission.

William Taylor, avocat du Français, écrit dans un courriel que, si son client "a choisi de ne pas soulever l'immunité dans l'affaire pénale, (c'était) dans le but de se défendre de fausses accusations et de laver son honneur".

Dans leur motion, les avocats citent une convention des Nations unies de 1947, selon laquelle les directeurs d'agences spécialisées bénéficient d'une immunité de poursuites civiles et pénales, peu importe que les faits présumés aient été commis ou non dans le cadre de leurs fonctions.

Les Etats-Unis n'ont pas signé cette convention mais les avocats de l'ancien patron du FMI soutiennent qu'elle a "acquis le statut de ce qu'on appelle 'le droit international coutumier'", et qu'elle doit donc être appliquée.

Kurt Taylor Gaubatz, professeur associé à l'université de Old Dominion, trouve l'argument un peu léger.

"C'est un traité relativement obscur qui n'a jamais été utilisé", souligne-t-il, ajoutant qu'il ne connaît pas d'autres cas de directeurs d'institutions poursuivis pour des faires criminels. "Le droit coutumier se développe avec la pratique. Et ici, il n'y a aucune pratique", dit Gaubatz.

Chimene Keitner, professeur de droit à l'université de Californie, confirme et souligne que ni le FMI ni le département d'Etat n'ont évoqué l'immunité de Strauss-Kahn après son arrestation.

"Le droit international coutumier, c'est quelque chose qui est pratiqué par tellement d'Etats que l'on considère qu'ils doivent tous s'y plier, même s'ils n'ont pas signé les documents. La barre est assez haute", fait-elle observer.

"AFFAIRES PRIVÉES"

Une demande de rejet étant basée sur des arguments strictement juridiques et non sur les faits, "la tactique agressive" fait sens aux yeux de Paul Callan, un avocat new-yorkais.

"Il y a toujours une chance qu'un juge compréhensif balance toute l'affaire. Ce serait un coup fatal porté au dossier avant les premières dépositions et enquêtes potentiellement délicates", dit Paul Callan.

Même si la défense de Dominique Strauss-Kahn parvient à convaincre un juge que le droit international lui garantit l'immunité, il faudrait encore que le FMI le soutienne, relèvent les juristes.

"L'immunité est attribuée en conséquence des services rendus à une organisation ou un pays, et l'organisation ou le pays concernés gardent le droit de lever cette immunité", dit Paul Cohen, spécialiste de droit international du cabinet Holland & Knight.

Un porte-parole de l'institution basée à Washington n'a pas souhaité dire si elle lèverait l'immunité diplomatique de son ancien dirigeant.

Les avocats de Nafissatou Diallo jugent la motion déposée par leurs adversaires sans fondement.

"M. Strauss-Kahn n'a pas invoqué l'immunité diplomatique dans l'affaire pénale car il n'était diplomate aux yeux d'aucun traité ou texte applicable", a dit Douglas Widgor, l'un des avocats de l'accusation, dans un courriel.

"Il était à l'époque (à New York) pour affaires 'privées' et agissait pour son compte quand il a agressé Mme Diallo."

Avec Joseph Ax, Clément Guillou pour le service français