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Politique

L'obsession de la transparence ne garantit pas la clarté

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

La semaine a été (à nouveau) marquée par les « affaires » : Tapie, Cahuzac, Karachi, Dassault… le tout sur fond de débat sur la fraude fiscale et la transparence, ce qui donne un climat particulièrement malsain.

Ces affaires s’amoncellent comme de gros nuages noirs qui forment une atmosphère orageuse et qui obscurcissent l’horizon. Qu’il y ait des enquêtes, des mises en cause n’est pas malsain en soi. Les scandales vont avec la démocratie – et même ils y contribuent : c’est ainsi que le système se protège de ses dérives. Ce qui alimente le malaise, c’est le sentiment que ces affaires révèlent une immoralité générale des élites ; et que pour y remédier, il faudrait la transparence absolue. Or cela, c’est le terreau des extrémismes, surtout quand la crise noircit le tableau : le « carburant du FN », comme dirait Arnaud Montebourg.

Vous trouvez qu’on parle trop des « affaires » ? C’est paradoxal pour un journaliste qui a fait beaucoup d’enquêtes…

Nous avons une justice hystérique, où les juges et les procureurs rivalisent dans l’accusation, ce qui crée un déséquilibre. Et la presse est suiviste et moutonnière. Elle se déplace toujours dans le sens de l’accusation. Tapie a été porté aux nues par les médias, il est piétiné avec aussi peu de retenue – il y a des éléments troublants, mais attendons les preuves. Takieddine est un personnage douteux, qui a donné 15 versions de son rôle dans les affaires de ventes d’armes ; personne ne le croit sauf quand il accuse Nicolas Sarkozy ou quand il dénonce le financement de la campagne d’Edouard Balladur. Si ces affaires sont le miroir de la démocratie, c’est un miroir déformant.

Et les auditions concomitantes de Jérôme Cahuzac à l’Assemblée et de DSK au Sénat, avant-hier, vous diriez que c’était un spectacle embarrassant pour notre démocratie ?

Disons le pour la 100e fois : DSK n’a été condamné à rien ; il ne fait plus de politique mais il n’y a pas de raison de lui imposer le silence – d’autant qu’il n’est pas celui qui dit le plus d’âneries sur la crise. Quant à Jérôme Cahuzac, on a beaucoup dit qu’il était choquant qu’il ne réponde pas aux questions des députés. La réalité est inverse : la commission parlementaire n’avait pas le droit de l’interroger sur ce qui relève du champ de l’enquête judiciaire – la séparation des pouvoirs l’interdit. Si la quête de transparence aboutit à violer les grands principes, nous ne sommes plus dans l’information mais dans l’inquisition.

Et le projet de loi sur la transparence, on a dit qu’il n’était finalement pas allé assez loin. C’est aussi votre avis ?

Pas du tout. Il apporte des progrès pour le contrôle du patrimoine des élus mais les députés n’ont pas voulu verser dans l’absolutisme de la transparence – ils ont bien fait. En revanche, ils ont adopté un arsenal de moyens pour lutter contre la fraude fiscale qui fait froid dans le dos : gardes-à-vue de quatre jours, écoutes téléphoniques, espionnage informatique. Il y a dix ans, les Français redoutaient la curiosité du fisc. Aujourd’hui, on lui donne les pouvoirs de l’antiterrorisme. Ça signifie que les lois d’exception deviennent la règle. On ne devrait pas oublier qu’en démocratie, il n’y a jamais d’urgence à décréter l’état d’urgence.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce vendredi 28 juin.

Hervé Gattegno