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L'Europe est fragilisée par sa faiblesse politique, pas par les migrants

Des gilets de sauvetage devant le Sénat français le 19 juin 2018 à Paris.

Des gilets de sauvetage devant le Sénat français le 19 juin 2018 à Paris. - Eric Feferberg / AFP

Malgré une baisse notable du nombre de migrants arrivant en Europe, l'opinion publique dans sa majorité et des responsables politiques demeurent convaincus de la persistance d'une crise migratoire.

"Le nationalisme, c'est la guerre, et ce qu'on voit en Europe, ce qui nous pend au nez, c'est la guerre". Invité de France Inter ce mercredi, c'est avec un ton particulièrement grave que Dominique de Villepin réagissait à la crise qui touche actuellement l'Europe, divisée sur le sort à réserver aux migrants qui traversent la Méditerranée pour rejoindre le continent. Les rapports sont particulièrement tendus entre la France et l'Italie depuis le refus par le ministre italien de l'Intérieur d'accueillir l'Aquarius, de l'ONG SOS Méditerranée, chacun dénonçant l'hypocrisie de l'autre. 

"La faiblesse de l’Europe a un prix, c’est que le pourtour européen est en feu, l’inquiétude est au summum. Il n’y a pas de crise migratoire aujourd’hui, mais si demain un malheur saisit un pays voisin, et qu’on voit arriver des milliers de gens, que ferons-nous?", s'est interrogé l'ancien Premier ministre, à la veille du conseil européen qui réunira les 28 membres de l'UE jeudi et vendredi.

172.000 arrivées l'an dernier

Si beaucoup d'hommes politiques parlent encore de "crise migratoire" pour qualifier la situation actuelle, Dominique de Villepin n'est pas le seul à refuser d'employer ce terme. Lundi, sur BFMTV, Pierre Moscovici estimait que la crise migratoire était "derrière nous", tandis que Daniel Cohn-Bendit, sur notre antenne également, affirmait ce mercredi que les 28 membres de l'UE devraient trouver une réponse "à la crise politique et non à la crise migratoire".

"L'Europe ne vit pas une crise migratoire mais des crises politiques. La crise migratoire est derrière nous", estime Matthieu Tardis, chercheur à l'IFRI interrogé mardi par l'AFP. "Si on regarde les chiffres du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), on voit que les arrivées en Europe par la Méditerranée sont passés de 1,01 million en 2015 à 172.000 l'an dernier. Depuis le début de l'année, on est à 43.000, et pour la seule Italie la baisse a été de 80%, avec seulement 16.000 arrivants au total", détaille le chercheur, qui estime que pour les politiques, "parler de crise est très pratique pour se déresponsabiliser". 

"Une crise de l'accueil"

Pour Cécile Duflot, invitée d'Europe 1 ce mercredi, la crise est surtout "une crise de l'accueil", "bien davantage politique que réelle". L'ancienne ministre, nouvelle directrice générale d'Oxfam, a estimé que "la question des migrants était un peu l'otage du débat politique". "Le pourcentage de réfugiés sur l'ensemble de l'Europe, c'est l'équivalent de six personnes pour une ville comme Rennes", a-t-elle rappelé, "la proportion est vraiment très limitée". 

Même Emmanuel Macron, lors de son déplacement au Vatican mardi, a affirmé la même chose. "Si nous regardons la réalité des choses, on ne peut pas parler aujourd'hui d'une crise migratoire. C'est une crise politique de l'Europe sur les migrations", a affirmé le président de la République. "mais nous avons dans la durée un vrai problème de migrations qui s'est installé, et le pic de cette crise pour l'Italie était il y a un an au pire moment de Mare nostrum et pour l'Europe en 2015, si nous regardons les chiffres", a pousuivi le chef de l'Etat français". 

Quelques heures plus tôt, il rencontrait lundi soir le Premier ministre italien Giuseppe Conte, jouant l'apaisement en acceptant que la France accueille une partie des migrants à bord d'un nouveau navire, le Lifeline. Cinq pays - Italie, Malte, France, Portugal et Espagne - ont fait part de leur disponibilité pour en accueillir, mais d'autres manquent à l'appel comme l'Allemagne, selon les médias italiens. Le navire humanitaire attendait toujours ce mercredi matin l'autorisation d'accoster sur l'île de Malte. 

Charlie Vandekerkhove