BFMTV
Politique

L'enquête sur Karachi relancée, le gouvernement sous pression

L'ATTENTAT ANTIFRANÇAIS DE KARACHI

L'ATTENTAT ANTIFRANÇAIS DE KARACHI - -

PARIS (Reuters) - L'enquête sur un possible lien entre une éventuelle corruption lors de la présidentielle de 1995 et un attentat anti-français au...

PARIS (Reuters) - L'enquête sur un possible lien entre une éventuelle corruption lors de la présidentielle de 1995 et un attentat anti-français au Pakistan en 2002 a été relancée lundi par une demande de documents secret-défense.

L'affaire, alimentée vendredi par une déclaration de l'ancien secrétaire général de l'Elysée de 1995, Dominique de Villepin, met le pouvoir sous la pression de la justice et réveille des rivalités vieilles de 15 ans dans la majorité.

Le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic a écrit lundi au ministre de la Défense, Alain Juppé, qui était Premier ministre entre 1995 et 1997, pour obtenir des documents demandés en vain en mai dernier et relatifs aux commissions convenues lors d'une vente de sous-marins au Pakistan en 1994, a-t-on appris de source judiciaire.

Marc Trévidic enquête sur l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi qui a fait 15 morts dont 11 Français. Un lien est soupçonné entre l'attentat et l'arrêt du paiement de commissions au Pakistan ordonné en 1995 par Jacques Chirac, qui pensait possible un retour frauduleux de l'argent en France par le biais de "rétrocommissions" destinées à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, son rival en 1995.

Le magistrat avait demandé en mai à Hervé Morin, prédécesseur d'Alain Juppé, plusieurs documents.

Certains, sans portée déterminante, ont été remis mais d'autres, dont la déclassification n'a pas été soumise à la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), manquent à l'appel, remarque le juge Trévidic dans son courrier à Alain Juppé.

"Il s'agit d'enquêtes administratives sur le versement des commissions et d'un rapport réalisé par Dominique Castellan, un dirigeant de la Direction des constructions navales (DCN), sur l'arrêt du versement des commissions", a dit la source.

LE PS VEUT UNE NOUVELLE MISSION D'INFORMATION

La demande du juge Trévidic fait suite à plusieurs déclarations de l'Elysée sur le sujet depuis vendredi, qui ont elles-mêmes suivi les propos de Dominique de Villepin faisant état de "très forts soupçons" de l'existence de rétrocommissions sur le contrat pakistanais.

Dans un premier temps, Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, a écrit dans un communiqué: "Aucune demande de document n'a jusqu'à présent fait l'objet d'un refus".

Nicolas Sarkozy a précisé samedi lors d'une conférence de presse à Lisbonne: "L'Etat aidera la justice en lui communiquant tous les documents dont elle aura besoin".

Les familles de victimes dénoncent ce que leur avocat, Me Olivier Morice, appelle un "double langage". Sur France Info, il a dit voir les hésitations à remettre les pièces comme un "mépris des victimes".

La situation judiciaire est complexe, puisqu'un autre juge d'instruction, Renaud Van Ruymbeke, enquête sur l'aspect financier de l'affaire, et donc la supposée corruption de 1995, sous la menace d'un appel du procureur, qui a demandé à la cour d'appel d'interrompre sa procédure.

Renaud Van Ruymbeke a auditionné plusieurs témoins qui affirment que le paiement d'une partie des commissions de quelque 84 millions d'euros convenus par écrit pour le Pakistan avait été interrompu en 1995 sur ordre de Jacques Chirac.

La police luxembourgeoise estime pour sa part que des circuits financiers destinés à recevoir l'argent des commissions avaient été établis au Luxembourg avec l'aval d'Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy, ministre du Budget à l'époque.

Le lien avec l'attentat en 2002, qui serait dans ce cas une vengeance ou un "rappel" à Jacques Chirac, qui venait juste d'être réélu, reste hypothétique.

Cette piste résulte essentiellement d'un rapport de renseignement privé réalisé pour le compte de la DCN, baptisé "Nautilus", et dépourvu de preuves.

Michel Mazens, un haut fonctionnaire chargé de mettre fin aux paiements en 1995, a ainsi précisé dans le journal Libération de lundi une déposition faite devant le juge qui laissait penser qu'il accréditait l'idée de ce lien.

"A mon sens, il n'y a pas de lien entre les deux. Je n'ai d'ailleurs jamais reçu la moindre information qui m'aurait permis de le penser", dit-il.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse