BFMTV
Politique

L'Afrique, nouvelle terre d'élection d'Al Qaïda?

LES OCCIDENTAUX ENLEVÉS AU SAHEL DEPUIS 2007

LES OCCIDENTAUX ENLEVÉS AU SAHEL DEPUIS 2007 - -

par Mark John et John Irish DAKAR/PARIS (Reuters) - L'enlèvement de deux Français en plein Niamey marque une escalade de la menace que font peser...

par Mark John et John Irish

DAKAR/PARIS (Reuters) - L'enlèvement de deux Français en plein Niamey marque une escalade de la menace que font peser les groupes liés à Al Qaïda en Afrique, lesquels se contentaient jusqu'à présent d'opérer dans les zones désertiques.

Sur son site internet, le ministère français des Affaires étrangères recommande "la plus grande vigilance et la plus extrême prudence" à ses ressortissants voyageant dans les pays du Sahel - Mali, Mauritanie, Niger -, où "aucun endroit ne peut désormais plus être considéré comme sûr".

Les organisations humanitaires et les compagnies minières telles qu'Areva vont vraisemblablement devoir reconsidérer leur organisation dans la région.

Âgés de 25 ans et originaires du département du Nord, Antoine de Léocour et Vincent Delory ont probablement été victimes d'Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), estiment les autorités françaises.

Il s'agit du premier enlèvement de ce genre dans la capitale du Niger, qui se trouve à plusieurs centaines de kilomètres des zones désertiques où le mouvement opérait jusqu'ici.

"Je pense que, malheureusement, on peut craindre d'autres prises d'otages et on peut craindre même à plus long terme la naissance d'une Al Qaïda Afrique qui ne serait pas située seulement dans les zones du Sahel mais qui pourrait viser des ressortissants français dans d'autres zones d'Afrique", a estimé dimanche Roland Jacquard, président de l'Observatoire international du terrorisme, interrogé sur LCI.

Les deux jeunes hommes ont été enlevés vendredi soir par quatre malfaiteurs vraisemblablement arabophones alors qu'ils dînaient dans un restaurant de Niamey.

"TOUS LES PAYS DU SAHEL SONT DANGEREUX"

Leurs corps ont été découverts après une tentative d'interception des ravisseurs menée par les forces nigériennes avec l'appui des forces spéciales françaises avant qu'ils ne gagnent le Mali, où cinq autres Français membres du personnel d'Areva et de Satom, seraient retenus par Aqmi.

Leur enlèvement à Arlit, en septembre, dans une zone du nord du Niger riche en uranium, avait déjà marqué une nouvelle étape dans les activité des extrémistes.

"Je crois que tous les pays du Sahel, que ce soit le Mali ou le Niger, sont des pays dangereux. Le Niger, actuellement, encore plus puisque la capitale a été frappée avec l'enlèvement de ces deux Français", a commenté Louis Caprioli, consultant pour la société de sécurité Géos, au micro de RFI.

"Ils veulent démontrer à leurs sympathisants et puis aux gens de la zone, qu'ils ont des capacités à frapper partout, et puis aussi, c'est parce qu'ils disposent de réseaux de soutien logistique, de réseaux qui leur communiquent des informations, de réseaux qui leur permettent de se déplacer dans la zone sans attirer l'attention.

Et donc, il y a une réelle implantation, aussi bien (...) au Mali, au Niger, mais ce que l'on peut craindre à moyen terme, c'est (que cette implantation se fasse également) au Burkina Faso, au Nigeria et dans d'autres pays de la région", a-t-il averti.

Malgré la pénurie de renseignements concrets, les analystes estiment à quelques centaines le nombre de combattants qui opèrent dans les vastes étendues désertiques du nord-est de la Mauritanie et du nord du Mali ou du Niger.

MARCHÉ AUX OTAGES

Ces enlèvements, qui donnent lieu au versement de lourdes rançons, alimentent en outre les rapts crapuleux dont les victimes sont ensuite "vendues" aux islamistes.

Selon Paris, 1.500 Français vivent actuellement au Niger, et 8.500 se trouvent au Mali et en Mauritanie.

Les mises en garde du quai d'Orsay n'ont pour le moment donné lieu à aucune réaction d'Areva, mais les organisations humanitaires présentes en nombre dans la région depuis la famine de l'an dernier jugent qu'elles affecteront inévitablement leurs activités.

"A mon sens, cela aura beaucoup d'influence sur le comportement des gens sur le terrain", estime ainsi Aboubacry Tall, directeur de Save the Children dans l'ouest et dans le centre de l'Afrique.

La réaction des autorités locales, qui ont souvent préféré la solution des rançons versées discrètement, sera également déterminante.

Pour Louis Caprioli, les autorités nigériennes, "humiliées" par ces enlèvements au coeur de Niamey, se devaient cette fois d'afficher leur fermeté et de recourir à la force.

Jean-Philippe Lefief pour le service français