BFMTV
Politique

Hollande « L’économie de marché, oui... Mais pas partout ! »

-

- - -

Economie de marché, pouvoir d'achat, 35 heures, Parti Socialiste... François Hollande s'étend sur les sujets qui font l'actualité politique.

J-J B : Vous n’étiez pas à Disneyland samedi ?
F H : Non, j’aurai pu l’être.

J-J B : Vous avez vu les photos de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni ensemble, qu’est ce que vous avez envie de dire ?
F H : Je n’ai rien à dire. Je n’ai pas de commentaire à faire. Ou c’était un hasard, ou la presse avait été convoquée mais de toute façon c’est leur vie. Soit ils ont décidé de l’afficher soit ils ont droit à la protection de leur intimité mais dans les deux cas je n’ai rien à dire.

J-J B : C’est difficile d’ailleurs de protéger sa vie privée quand on est un homme public comme vous ou comme Nicolas Sarkozy ?
F H : Je pense que c’est à la presse qu’il faut poser cette question. Chacun après doit, en fonction de sa responsabilité, dire ce qui est montrable ou non. On a droit à une intimité et on a droit aussi à certains moments de pouvoir la faire apparaître. Je ne sais pas dans quel cas de figure nous nous trouvons avec ces photos par exemple, prises à Disneyland.

J-J B : Parlons d’un autre sujet d’actualité, la déclaration de Bernard Kouchner qui dit soutenir Bertrand Delanoë pour les prochaines municipales, ça fait du bruit à l’UMP. Ça vous surprend ?
F H : Je comprends que Bernard Kouchner trouve le bilan de Bertrand Delanoë bon et pense qu’il fait un excellent maire de Paris. Après c’est sa contradiction d’être dans un Gouvernement UMP. C’est vrai que de voir des ministres UMP, puisque c’est le cas de Bernard Kouchner, ou plus simplement, un membre du Gouvernement Sarkozy, appuyer l’action et le bilan de Bertrand Delanoë. Finalement je ne m’en plains pas, ça ne me déplait pas.

J-J B : Pourquoi ne pas pouvoir être ministre d’un Gouvernement Sarkozy et en même temps soutenir un homme de Gauche ?
F H : Mais comme je vous le dis moi je ne m’en plains pas et s’il y a d’autres ministres du Gouvernement Sarkozy qui veulent apporter leur soutien à Bertrand Delanoë ou autres élus de Gauche alors tant mieux.

J-J B : Parlons de votre projet, parlons du PS, parlons surtout du pouvoir d’achat parce que c’est ce qui intéresse les français. D’abord, j’ai vu que vous reconnaissiez l’économie de marché ?
F H : Elle est là l’économie de marché, chez nous. Nous sommes même conscients qu’elle est sans doute sur un certain nombre de productions, elle pense à la meilleure façon de créer de la richesse.

J-J B : Si je vous dis : « Enfin le PS reconnaît l’économie de marché ! » ?
F H : Je vous dirais que vous devez oublier que nous avons gouverné la France, plutôt bien d’ailleurs, plus de croissance qu’aujourd’hui, que nous avions aussi élargi même la sphère du marché sur certains points notamment tout ce qui était la banque, la finance. Ce n’est donc pas une surprise de la part des socialistes. Où vous avez raison, c’est que nous l’avions fait mais nous ne l’avions pas dit et maintenant nous le disons : L’économie de marché doit être reconnue pour ce qu’elle est, une source de création de richesses mais aussi le capitalisme produit des inégalités et c’est à nous de faire en sorte que par une régulation, par une intervention de l’Etat, nous puissions corriger les excès du capitalisme.

J-J B : C’est la forme la plus efficace pour produire de la richesse ?
F H : Pour certains, oui. Pour tout ce qui est relatif à la marchandise, aux services, sauf qu’il y a des domaines où le marché n’a pas sa place. C’est là qu’il y a une confrontation politique, et elle est légitime, entre la Droite et la Gauche. La Droite considère que le marché devrait être partout, alors que nous considérons que sur l’éducation, la santé, les transports, il y a nécessité d’un service public, qui peut être exercé de multiples façons.

J-J B : Ça veut dire que la Droite met en cause le fonctionnement des services publics ?
F H : Oui, on en a l’illustration. On le voit par exemple sur l’énergie avec la privatisation de Gaz de France et les conséquences. Aujourd’hui on annonce une hausse du prix du gaz au moment même où la question du pouvoir d’achat est dominante.

J-J B : Ça fait des années que le gaz n’a pas augmenté…
F H : Ça fait un an et demi seulement et là il va augmenter fortement. Nous avons l’exemple avec EDF : On vend les actions d’EDF, entreprise qui doit normalement se développer, investir les énergies renouvelables, maîtriser la filière nucléaire, pour financer l’université.

J-J B : Parlons des mesures contenues dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat, d’abord est ce que vous allez déposer beaucoup d’amendements ? Le Gouvernement vous demande de ne pas freiner leurs initiatives, il s’agit d’un enjeu national, il dit qu’il a besoin d’aller vite, donc il réclame que vous soyez responsables et que vous ne déposiez pas trop d’amendements…
F H : On déposera les amendements qui correspondent à nos propositions.

J-J B : C'est-à-dire combien d’amendements ?
F H : Une vingtaine, une trentaine d’articles, qui donneront lieux à des amendements plus nombreux. Mais nous ne sommes pas dans une stratégie d’obstruction, nous ne sommes pas là pour retarder. Ce que je veux dire du plan du Gouvernement, c’est qu’il aura des effets extrêmement lointain et aléatoire et je ne voudrais pas que l’on puisse dire que ce serait à cause de l’opposition, ce serait quand même un comble, que ce plan ne donne pas de résultat. Nous ferons en sorte que nos amendements correspondent à une proposition de notre propre programme sur le pouvoir d’achat. Je prends quelques exemples : Nous ferons un amendement sur la baisse du pouvoir d’achat sur les produits des premières nécessités, le Gouvernement prendra ou ne prendra pas. Nous ferons un amendement en disant que la TVA sur les produits de premières nécessités doit baisser, ça sera un effet immédiat sur les produits notamment alimentaires. On fera une deuxième proposition, un deuxième amendement sur le chèque transport, c’est une facilité qui est donnée aux entreprises d’alléger la charge pour leurs salariés du coût de leurs transports notamment par les véhicules individuels. Nous ferons en sorte que ce chèque transport puisse être obligatoire et financé par une contribution exceptionnelle sur les profits des groupes pétroliers, c’est le troisième amendement. Quatrième amendement, nous avons aujourd’hui une nécessité de faire baisser les prix dans la grande distribution : il y a eu une loi qui a été voté qui est la loi Châtel, mais nous dirons que toutes les marges obtenues sur les producteurs devront être répercutées sur le consommateur. Enfin, nous ferons aussi un amendement sur le logement. C’est bien qu’on est repris une proposition qui est la notre sur l’encadrement des loyers en fonction de la hausse du coût de la vie et pas plus. Enfin nous ferons une proposition sur les petites retraites, parce que c’était un engagement présidentiel de Nicolas Sarkozy. Les petites retraites ne vont augmenter que de 1,1% et nous demanderons que ce soit 5% comme c’était déjà annoncé par tous les candidats à l’occasion de la campagne présidentielle. J’ajoute que nous demanderons la suppression de deux dispositions particulièrement choquantes c’est la suppression de l’exonération de la redevance télé pour les plus de 65 ans non imposable à l’impôt sur le revenu, c’est incroyable qu’on puisse remettre 800 milles personnes concernées dans cette situation. Et deuxièmement nous demandons la prolongation de la franchise médicale parce que ça va être là aussi un impôt sur les malades pour financer d’autres malades.

J-J B : Je suis salarié, j’ai des RTT, j’ai envie de transformer mes RTT en salaires, voila une bonne idée non ?
F H : Oui, elle était déjà d’ailleurs possible. Le Président Sarkozy a annoncé cette possibilité comme une nouveauté alors que c’était déjà inscrit.

J-J B : Donc il n’y a rien de nouveau ?
F H : Ce qu’il y a de nouveau c’est que quelqu’un pourra le faire sans accord. Mais ce qu’il faut se demander c’est où est le gain puisque le salarié gagnera moins que s’il faisait des heures supplémentaires. On voit bien que cette mesure a finalement peu d’efficacité même si pour certains d’entre nous ce sera possible. Elle aura peu de conséquences en terme de pouvoir d’achat et elle peut avoir même des effets tout à fait défavorables pour l’emploi.

J-J B : Les RTT c’est jusqu’en décembre 2007 mais il est question de prolonger jusqu’en juin 2008, vous êtes favorable à cette idée de prolonger le paiement des RTT ?
F H : Nous étions favorables à ce que se soit dans un accord d’entreprise parce qu’il faut bien faire attention à ça, il faut quand même que le salarié soit protégé. iI y a beaucoup d’heures supplémentaires qui ne sont pas déclarées. Vous pouvez aussi avoir beaucoup d’arrangements avec les jours RTT. Ce qui était donc très important pour nous, c’était que ça puisse s’intégrer dans un accord d’entreprise ou de branche. Et le plus grave, c’est Mme Parisot qui l’a dit il y a peu, c’est qu’en définitif il n’y aura plus de durée légale du travail. Aujourd’hui on dit que c’est 35 heures. La durée légale du travail, ça veut dire qu’au-delà de 35 heures, vous êtes payé en heures supplémentaires. Si maintenant la durée du travail est fixée dans chaque entreprise, par un accord, ça voudrait dire que c’est cette durée de travail qui déterminera, qui déclenchera l’application des heures supplémentaires, ça ne sera plus 35, ça pourrait être 37, 40 dans telle ou telle entreprise.

J-J B : Mais beaucoup de salariés ont envie, ont besoin de travailler plus pour gagner plus…
F H : Mais bien sûr mais ce à partir d’une durée légale de travail. Aujourd’hui, si vous travaillez plus que 35 heures, et c’est tout à fait possible s’il y a de l’activité dans l’entreprise, vous êtes payés en heures supplémentaires. Si la durée du travail ce n’est plus 35 mais 39, 40, vous serez payés en heures normales jusqu’à 39 ou 40 heures mais plus en heures supplémentaires. On travaillera donc plus mais on gagnera presque autant.

J-J B : Vous voulez dire par là que le code du travail est en danger ?
F H : Il est déjà mis en cause si la durée du travail peut être fixée non plus par la loi mais par chaque entreprise. Selon la force de l’employeur, s’il n’y a pas de contre pouvoir syndical, s’il y a un accord d’entreprise qui est signé, qui dit que la durée du travail ce n’est plus 35 heures c’est plus, vous voyez qu’il n’y a plus ce qu’on appelle le code du travail. Il est effacé et je dis bien que ce n’est pas une affaire simplement symbolique, c’est que la durée du travail déclenche l’heure supplémentaire.

J-J B : Mais c’était une bêtise d’imposer les 35 heures à toutes les entreprises, à tous ?
F H : Non ce n’est pas une bêtise. Ça n’a pas été imposé puisqu’il y a eu un accord dans chaque entreprise pour appliquer les 35 heures, ce n’est pas la loi qui a organisé partout, dans toutes les entreprises comment devaient s’appliquer les 35 heures, ça a été la négociation. Est-ce qu’il fallait finalement procéder autant qu’on l’a fait par la loi et ne pas laisser finalement plus de place à la négociation, je vous le concède. Aujourd’hui je pense donc que c’est la négociation qui doit être le cadre mais avec une durée légale de travail. Il faut bien comprendre que c’est la loi qui doit être la même pour tous mais que l’application de cette loi peut être laissée à la négociation et aux compromis.

J-J B : L’hébergement des sans abris, voila une difficulté pour tous les Gouvernements en place, pourquoi : parce que dans beaucoup de communes, les habitants eux-mêmes ne veulent pas de logements sociaux à proximité…Alors qu’est ce qu’on fait contre ça ?
F H : Nous avions fait voter une loi qu’on appelle la loi SRU pour obliger chaque commune à consacrer au moins 20% de leurs logements aux parcs HLM. Je ne veux pas faire ici de polémique mais on constate que dans les communes dirigées par la Droite, cette loi n’est pas appliquée et que les maires préfèrent payer une contribution, un impôt, plutôt que de construire des logements. Mais vous avez parfaitement raison de revenir à ce qu’est la chaîne du logement : quand les classes moyennes ne parviennent plus à accéder à un logement de qualité soit sur le marché locatif, soit dans l’accession à la propriété, quand une partie de ces classes moyennes reste dans le parc HLM, les plus démunis ne parviennent pas à trouver un toit sauf un hébergement d’urgence et encore les associations disent qu’il n’y en a pas assez. On ne peut pas simplement proposer un hébergement d’urgence et le sujet est bien là. Il faut donc qu’on crée du logement durable. Le droit opposable au logement avait été proposé par beaucoup et moi j’ai immédiatement dit que si l’on crée un droit et que vous n’avez pas de logement à proposer, la méthode est mauvaise et il y a tromperie. Nicolas Sarkozy a dit que ce sera un droit très simple, il faudra aller voir son avocat, passer devant un juge et le juge attribuera un logement dans la collectivité qui vous l’a refusé. Alors moi je dis de faire l’expérience au 1er janvier, de demander à ce qui sont dans la rue qui voulaient mettre des tentes, d’aller utiliser la procédure du droit opposable au logement, bien sur que dans une certaine mesure on a vendu de l’illusion. Ce qu’il faut c’est bien sûr poser des droits, créer des logements pas simplement des structures d’accueil même s’il en faut pour accueillir ceux qui sont aujourd’hui dans la rue.

La rédaction-Bourdin & Co