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Gouvernement

Taubira et Valls, une solidarité de circonstance

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S'ils prennent bien soin de ne pas s'écharper dans les médias, les deux ministres laissent transparaître de nombreux désaccords. ZSP, Roms, affaires Merah, les points d'achoppement ne manquent pas.

Christiane Taubira et Manuel Valls effectuent leur premier déplacement commun vendredi à Marseille. Une occasion d'afficher leur cohésion malgré les motifs de tension entre Justice et Intérieur qui alimentent les critiques sur le supposé "laxisme" de l'une et le trop de "fermeté" de l'autre. 

Les deux ministres renouvelleront l'expérience le 19 octobre au congrès de l'Union Syndicale des Magistrats (USM) qui, chose rare, accueillera ensemble les locataires de Beauvau et Vendôme.

Taubira : "Allez Place Beauvau. Là, on est place Vendôme".

Le déplacement de Marseille, consacré aux Zones de Sécurité Prioritaires (ZSP) instituées pour lutter contre la délinquance dans les quartiers difficiles, devrait leur permettre d'afficher un front commun sur ce sujet uniquement porté dans un premier temps par Manuel Valls.

Christiane Taubira a reçu la semaine dernière les procureurs concernés et n'a pas manqué de faire savoir que cette réunion visait à "enrichir les modalités générales" de la mise en œuvre des ZSP "par le service public de la Justice". Si la place Vendôme n'avait pas été associée à la sélection des 15 premières ZSP, elle devrait avoir son mot à dire pour le choix des cinquante prochaines en 2013, selon une source ministérielle.

La discorde entre les deux ministres n'est pas nouvelle. Déjà cet été, Christiane Taubira, électron libre de la gauche, avait laissé percer sa désapprobation sur le traitement du dossier des Roms. Interrogée par Libération après plusieurs démantèlements de campements, elle avait répondu : "c'est une question pour Manuel Valls. Allez Place Beauvau. Là, on est place Vendôme".

La droite s'engouffre dans la brèche

Autant d'occasions pour la droite d'opposer les supposés messages "de fermeté" de l'Intérieur à ceux "d'impunité" de la garde des Sceaux, tel Jean-François Copé (UMP) qui déplore un "double langage". La présentation cette semaine de la nouvelle politique pénale du gouvernement a de nouveau nourri ces critiques.

Mais les deux ministres ne se sont jamais opposés publiquement. Devant la presse, Manuel Valls affirme même refuser "ce débat classique entre le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice": "Nous n'avons pas d'autres choix que d'être sur la même ligne", expliquait-il cet été.

Valls rejette la faute sur la presse

"C'est vous (les journalistes) qui êtes obnubilés par les histoires de rivalités", s'est-il encore agacé mercredi en marge des journées parlementaires socialistes de Dijon. 

Pourtant, un autre sujet a opposé les deux ministères ces dernières semaines : la préparation d'un projet de loi antiterroriste dévoilé par l'Intérieur et interprété comme une reprise d'un texte préparé à la fin du quinquennat Sarkozy, au grand dam de la Chancellerie. Dès les premières réunions interministérielles, cet été, sur ce projet, le ministère de la Justice se serait irrité de voir l'Intérieur exhumer le projet "un peu aberrant" préparé par l'ancienne majorité dans la foulée de l'affaire Merah, selon une source ministérielle.

Valls : "Opposer deux ministères c'est affaiblir l'autorité"

La menace de "loups solitaires", tel le tueur de Toulouse et Montauban, brandie par la Place Beauvau aurait laissé très sceptique la Chancellerie plus favorable au dispositif actuel d'"association de malfaiteurs". Les mesures envisagées à la fin du quinquennat Sarkozy risqueraient de "déstabiliser" le dispositif existant, selon la même source. Le projet de texte finalement mis au point, qui doit encore recevoir l'aval de Matignon, n'aurait selon la Chancellerie "rien à voir" avec cette mouture.

L'opposition Justice/Intérieur reste un schéma classique à l'image du couple Elisabeth Guigou/Jean-Pierre Chevènement en 1997-2000 ou à droite des interventions de Michèle Alliot-Marie pour défendre ses prérogatives face à Brice Hortefeux. Opposer les deux ministères, "c'est affaiblir l'autorité", a encore averti Manuel Valls cette semaine dans Le Point.