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Gouvernement

"Rien n'a fondamentalement changé": dans une interview, Hulot tacle Macron et le gouvernement

Nicolas Hulot.

Nicolas Hulot. - - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Dans un entretien-fleuve accordé au Point, l'ex-ministre de la Transition écologique reproche à nos dirigeants leur "intégrisme économique" et constate "l'inefficience" de l'exercice du pouvoir.

Cela fait bientôt neuf mois que Nicolas Hulot a quitté le gouvernement d'Édouard Philippe. Dans une longue interview accordée au Point et publiée ce mercredi, l'ex-ministre de la Transition écologique en dit un peu plus sur les raisons qui ont motivé sa décision. Il formule également quelques reproches à Emmanuel Macron et accuse son équipe de s'accommoder de "petits pas" en matière climatique. 

"J'ai tout essayé: ministre, dans la société civile, associative, intervenant de l'extérieur auprès des politiques, parfois un pied dedans un pied dehors", constate amèrement l'ancien animateur d'Ushuaïa

"Pression du court terme"

Selon Nicolas Hulot, l'exécutif "est dans le réactif permanent et on ne peut pas lui en vouloir". Reconnaissant la sincérité initiale du président de la République sur les questions climatiques, il lui reproche d'avoir été, "comme beaucoup de responsables politiques, rapidement rattrapé par une pression du court terme qui sacrifie l'avenir au présent".

"Si effectivement, comme le dit Emmanuel Macron, nous sommes en état d'urgence écologique, il va peut-être falloir sortir de l'orthodoxie économique, financière, budgétaire et politique. Il y a une sorte d'intégrisme économique. Il faut se rappeler que toutes les règles, y compris celles des traités européens, ne sont pas des lois divines", tonne l'ex-ministre.

"Des instances, il y en a déjà pléthore!"

Interrogé sur les récentes annonces du chef de l'État en matière écologique, notamment le tirage au sort de 150 citoyens qui seront intégrés au Conseil économique, social et environnemental (Cese) et qui feront des propositions, Nicolas Hulot se montre dubitatif: 

"Des instances, il y en a déjà pléthore! (...) J'aurais préféré une réforme du Cese. Qu'on le transforme en chambre du futur, avec des citoyens tirés au sort, doté d'un droit de veto suspensif, donc avec un vrai poids politique."

Sur le Conseil de défense écologique, mis en place par Emmanuel Macron et prévu pour la première fois le 23 mai prochain, l'intéressé se réjouit, mais ajoute un bémol:

"Encore faut-il qu'il y ait plus que trois secrétaires d'État. Il faut que Bercy, l'Agriculture et la Santé soient là. Même l'armée doit être concernée. Le ministre de l'Écologie ne doit pas être seul pour ferrailler!" 

"Phrases inutiles et maladroites"

Celui qui se dit "un peu paumé" en profite également pour égratigner la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, qui l'a récemment qualifié de "militant qui n'a pas su se confronter à l'exercice du pouvoir"

"Toutes ces petites phrases inutiles et maladroites qui divisent au lieu d'unir… Je me suis confronté à l'exercice du pouvoir - et j'en ai vu l'inefficience! Dans la gouvernance actuelle, on n'imprimera pas une transition écologique et solidaire irréversible."

Estimant que le gouvernement s'accommode "de petits pas" sur le cimat, Nicolas Hulot prévient que "chaque jour perdu équivaut à des milliers de morts supplémentaires".

Déception

États généraux de l'alimentation, condition animale, réflexion sur la fiscalité écologique, réforme de la PAC... Le défenseur de l'environnement fait également la liste des projets sur lesquels les arbitrages gouvernementaux n'ont pas été administrés en sa faveur. "Rien n'a fondamentalement changé", regrette-il.

L'intéressé tire à boulets rouges sur le ministère de l'Agriculture, occupé successivement par Stéphane Travert (dont les relations avec Hulot étaient exécrables) puis Didier Guillaume. "À côté, la FNSEA, c'est des gais lurons", tacle-t-il. 

"J'attends celui qui aura une vision claire"

Pour qui Nicolas Hulot va-t-il voter aux élections européennes? "L'avenir le dira", répond-il, avant de citer avec bienveillance Dominique Bourg et la liste "radicale" de Génération Écologie, l'approche "intéressante" de Raphaël Glucksmann, ou la présence des ex-EELV Pascal Durand et Pascal Canfin chez LaREM. 

"Quels moyens va-t-on se donner? Qu'ils nous le disent!", déclare-t-il, appelant les candidats LaREM à davantage de clarté. "Je ne veux plus me laisser prendre."

"J'attends celui qui aura une vision claire, des moyens réglementaires et financiers pour y parvenir. Sinon, c'est du pipeau! Sinon, ce ne sont que des vœux pieux!"
Jules Pecnard