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Gouvernement

Retraites: la méthode de Jean-Marc Ayrault ne fait pas l’unanimité

Jean-Marc Ayrault a accéléré l'annonce des arbitrages sur la réforme des retraites depuis l'hôtel Matignon mardi soir.

Jean-Marc Ayrault a accéléré l'annonce des arbitrages sur la réforme des retraites depuis l'hôtel Matignon mardi soir. - -

Les avis sont contrastés après l'annonce de la réforme des retraites par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, accusé de "manque de courage politique" par certains éditorialistes mais salué comme un "démineur" par d'autres.

Manque de courage politique ou déminage savamment orchestré? Les avis sont contrastés ce mercredi sur l’annonce par Jean-Marc Ayrault des arbitrages sur la réforme des retraites, faite dans la foulée du discours de Hollande sur la Syrie.

Le Premier ministre a pris tout le monde par surprise en l’accélérant mardi soir, en concertation avec la présidence de la République. Quelques minutes à peine après la sortie des syndicats de son bureau, à 19 heures, Jean-Marc Ayrault a pris la parole depuis l'hôtel Matignon.

Le politologue Gérard Grunberg y voit d'abord une façon pour Ayrault de "rattraper" l'interview accordée à France 2 dimanche, pendant laquelle "il n'a pas dit grand-chose." Moyen d'affirmer sa main-mise sur le processus de négociations.

Selon Europe1.fr, cette stratégie de communication a été calée dès lundi soir avec l'Elysée, "au cours d’un échange téléphonique", à l’issue d’un premier jour de concertation avec les partenaires sociaux jugé "bien négocié". En effet, le gouvernement aurait voulu éviter un risque de fuites dans la presse, et de torpiller des pistes relativement bien reçues par les acteurs jugés les plus hostiles, comme le Medef et Force Ouvrière. Un moyen de préserver un petit consensus?

"Pas faire de peine à gauche"

Mais le consensus était visiblement très fragile: ce mercredi matin, dans les colonnes du Figaro, le nouveau président du Medef Pierre Gattaz juge cette "non-réforme dangereuse". Gérard Grunberg ajoute même que "le patronat risque de rentrer franchement en guerre contre le gouvernement, qui a choisi de ne pas faire de peine à gauche", sans toutefois apporter de réponse structurelle au problème.

En introduisant une dose de "justice sociale" avec une série de dispositions qui tendent à corriger certaines inégalités du système, comme la prise en compte de la pénibilité, le Premier ministre s'est clairement adressé à sa base électorale. Une "stratégie qui se comprend", ajoute le politologue.

Début juillet, une enquête CSA pour Les Echos et l'institut Montaigne montrait que 53% des Français sont favorables à l'option retenue par le gouvernement, qui porterait le nombre d'années de cotisation à 43 (contre 41,5 actuellement). "Les retraites sont devenues un sujet d'inquiétude chez les Français, qui ont pris conscience du problème du financement du système par répartition," assure le directeur en charge de l'opinion du CSA Yves-Marie Cann. "Ce qui est frappant, c'est qu'il n'y a pas de clivage sur l'allongement de la durée de cotisation entre les actifs et les retraités - qui ne sont pas concernés."

"Habileté" contre "audace"

Reste que quatre syndicats (CGT, FO, FSU et Solidaires) ont maintenu leur appel à une journée d'action le 10 septembre contre l'allongement de la durée de cotisation, jugeant à l'image de la CGT ne pas avoir été "entendus".

Cette annonce apporte un "lâche soulagement" caressant tout le monde dans le sens du poil, ajoute-t-il, mais elle risque d'en faire une énième réforme non durable. Et Le Monde dans son édito d'appeler l'exécutif à faire preuve d'abord "d'audace", avant "d'habileté".

Caroline Piquet