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Rapport sur l'affaire Benalla: après la stupéfaction, l'Élysée prépare sa riposte

L'entourage d'Emmanuel Macron assure entre autres qu'il n'y a "jamais eu de collaborateur officieux à l'Élysée depuis 2017".

Sonnés par le "coup" émanant du Sénat, les proches d'Emmanuel Macron veulent reprendre la main. Signataires d'un rapport explosif sur l'organisation des services de l'Élysée, les membres de la commission d'enquête sénatoriale sur l'affaire Benalla ont pris de court la garde rapprochée du chef de l'État. 

Personne, autour du Président, n'était au courant que le rapport mettrait en cause nommément trois piliers de l'Élysée. Philippe Bas, patron de la redoutée commission, et ses deux co-rapporteurs Muriel Jourda et Jean-Pierre Sueur, ont gardé leurs conclusions secrètes jusqu'au bout, raconte-t-on dans l'entourage d'Emmanuel Macron. Un conseiller ministériel assure que l'exécutif n'a eu accès au rapport qu'à 16 heures... soit le moment de sa mise en ligne. 

Découverte du rapport à la télévision

Ce n'est qu'à partir de ce moment-là, vraisemblablement, que l'équipe élyséenne a pu éplucher les 120 pages du volumineux rapport, selon une source. Rien n'a pu être obtenu avant, même pas par l'unique membre de la commission issu de La République en marche, l'ancien ministre Alain Richard.

Les plus proches collaborateurs d'Emmanuel Macron ont donc dû découvrir, comme l'ensemble des Français, les conclusions accablantes des sénateurs en regardant la télévision. 

Pendant ce temps-là, le président de la République est en Conseil des ministres. Une instance de laquelle les téléphones mobiles sont désormais bannis. Chez les conseillers de l'Élysée, les portables s'affolent, mais rien ne filtre. Silence radio toute la journée. 

"On est loin du mensonge sous serment"

Le colosse présidentiel tremble-t-il pour autant sur ses fondations? Un ministre exprime sa compassion auprès de BFMTV: "Ça doit être dur pour Macron de se dire qu'il s'est fait enfumer par ce mec." "Ce mec" étant évidemment Alexandre Benalla, l'ex-garde du corps. Un sujet devenu tabou au sein du gouvernement. "Entre ministres, on n'en parle pas", assure-t-on. 

Et dire que la commission d'enquête du Sénat n'a pas brandi toutes les cartes possibles. "Mon seul regret, c'est qu'on n'ait pas convoqué Ismaël Émelien. On y a pensé trop tard", soupire l'un des membres.

Un proche du secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler, tombe des nues en parlant de l'audition de ce dernier: "On l'a aidé à préparer son audition, il n’y a eu aucune omission, on a été transparents. Quand le Sénat parle de 'contradictions', on est loin d’un mensonge sous serment."

Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, on continue de vanter la réorganisation de l'Élysée, toujours en cours, comme moyen de passer à autre chose. "À mon avis, il va y avoir un truc beaucoup plus massif que ce que vous pensez. Beaucoup vont partir", croit savoir un proche.

Mais ce dernier y voit davantage la marque d'une volonté de renouveler les troupes qu'une conséquence directe de l'affaire Benalla.

"Nous avons reconnu des dysfonctionnements"

Comment, dans ces conditions, éteindre ce feu qui semble se relancer sans cesse? Dès ce mercredi soir, mais surtout jeudi matin, l'équipe gouvernementale et ses soutiens comptent envahir les ondes. 

Deux principes sont évoqués. D'abord celui de l'indépendance de la justice, ce qui proscrira tout commentaire sur les développements judiciaires du dossier. Ensuite et surtout, la séparation des pouvoirs. Le gouvernement maintient, comme l'a déclaré Benjamin Griveaux ce mercredi, que le rapport contient des "contrevérités". "Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de collaborateur officieux à l’Elysée depuis 2017", assure-t-on par exemple auprès de RMC.

"Nous avons toujours reconnu qu’il y avait des dysfonctionnements à l’Élysée avant même l’affaire Benalla", ajoute l'entourage présidentiel, d'après lequel "le GSPR (sécurité du chef de l'État) ne s'est jamais affranchi du ministère de l'Intérieur".

L'Elysée va lire le rapport

Enfin, il sera rappelé à la commission sénatoriale que rien, dans la Constitution, n'empêche l'existence de conseillers communs à l'Élysée et à Matignon. L'une des 13 propositions du rapport consiste à mettre fin à cette pratique.

Ce mercredi, en fin de journée, l'Elysée a fait parvenir une première réaction officielle au rapport, indiquant que la présidence allait prendre connaissance du document, et réagirait "prochainement". Une réaction qui portera non pas sur le fond du rapport, "par respect pour la séparation des pouvoirs", mais sur les propositions formulées par les membres de la commission d'enquête. 

Camille Langlade et Jeremy Trottin avec Jules Pecnard