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Rafale: pourquoi Le Drian sera en Egypte lundi pour signer le contrat

Jean-Yves Le Drian photographié à côté d'un Rafale, au Mali, en 2013. Le ministre de la Défense se rendra lundi au Caire pour signer la vente de 24 appareils à l'Egypte.

Jean-Yves Le Drian photographié à côté d'un Rafale, au Mali, en 2013. Le ministre de la Défense se rendra lundi au Caire pour signer la vente de 24 appareils à l'Egypte. - Martin Bureau - AFP

Le ministre de la défense se rendra lundi au Caire pour boucler la vente de 24 Rafale à l’Egypte. Pourquoi revient-il à un membre de l'exécutif de signer le premier contrat à l’export de l’avion de combat de Dassault Aviation? Explications.

Une grande première. Après une décennie d'espoirs avortés, la France bouclera lundi en Egypte sa première vente d’avions de combat Rafale à l'étranger. L'accord porte sur 24 appareils ainsi qu'une frégate multimissions FREMM, pour un montant avoisinant les 5 milliards d'euros. Accompagné notamment par le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier, Jean-Yves Le Drian sera au Caire pour signer le contrat de vente avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Le ministre français de la Défense s’est d'ailleurs félicité de cette vente vendredi. S’exprimant depuis Cannes, il y a vu la "confiance" de l'Égypte dans la technologie française. “C'est d'abord la marque d'un contrat de confiance de l'Egypte à l'égard de la France et à l'égard de la haute technologie française, que ce soit pour les avions, dont on parle beaucoup, mais aussi pour ses navires", a expliqué Jean-Yves Le Drian.

Mais au-delà de la fierté d’avoir pour la première fois réussi à faire valoir à l'étranger les qualités de ce fleuron aéronautique français, plusieurs raisons expliquent le déplacement en Egypte du ministre de la Défense.

> L'Etat, décisionnaire en matière d'armement

La première raison est politique. De prime abord, la vente du Rafale pourrait sembler être la seule affaire de Dassault, à qui revient 60% de la valeur de l'avion, et des industriels qui participent à sa construction: l'électronicien Thales (22%) et le motoriste Snecma (groupe Safran, 18%). Au total, quelque 500 entreprises françaises participent au programme. Mais les produits d’armement ne sont pas n’importe quels produits. Leur vente à l’international engageant la politique étrangère de la France, elle doit impérativement avoir été approuvée par l’exécutif. Ainsi, l'ordonnance n°2004-1374 du 20 décembre 2004 (partie législative du Code de la défense) stipule que l'exportation de matériels de guerre est interdite, sauf autorisation délivrée par le ministère de la défense après enquête de différents services. En clair, aucune vente de produits d’armement ne peut avoir lieu sans l’aval de l’Etat français, et c’est dans les limites du cadre que celui-ci aura fixé que les contrats sont signés.

Si des industriels de l’armement veulent entrer en contact avec un client ou sont approchés par un pays étranger, il doivent demander l’accord de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) avant de commencer la moindre négociation. “L’armement n’est pas un marché comme les autres. C’est d’abord une décision politique, ce n’est qu’après que l’on regarde les performances, le prix”, nous confirme une source proche du dossier. 

> Un point d'appui dans la région

Jean-Yves Le Drian a lui-même souligné l’aspect politique du contrat. “C’est la marque d’une confiance de l’Egypte envers la France, (...) envers une même appréhension des risques et des menaces, envers la même nécessité d’agir en commun”, a salué le ministre. Car si le contrat avec l’Egypte s’est conclu en un temps record - 3 mois seulement - c’est qu’il y a urgence pour le président al-Sissi.

A l'ouest, le chaos libyen menace de se propager. A l’est, le pays est confronté à la montée en puissance dans le Sinaï de jihadistes liés au groupe Etat islamique (EI). Alors qu’elle combat l'Etat islamique en Irak et en Syrie via des raids aériens menés par une coalition d’Etats occidentaux, dont les Etats-Unis, la France veut pouvoir s’appuyer sur des alliés dans la région.

> A point nommé pour le budget de la Défense

Mais l'Etat français a aussi un intérêt économique dans ce deal à 5 milliards d’euros. Cette commande arrive à point nommé pour le budget du ministère de la Défense. Fer de lance de la défense française, le Rafale, entré en service en 2004, n’avait jusque là trouvé preneur qu’auprès de l’armée française. Celle-ci a déjà reçu 137 des 180 avions commandés. Aux termes de la loi de programmation militaire (LPM) couvrant la période 2014-2019, elle doit prendre livraison de 26 appareils supplémentaires. Or, produire les Rafale coûte cher.

Dassault Aviation estime qu’il faut au minimum produire 11 avions par an pour pérenniser la ligne de production, difficile à remettre en route en cas d’arrêt. La France ne pouvant absorber à elle seule toute la production, la LPM prévoit que la différence revienne à des "livraisons à l'exportation également prévues permettant d'atteindre une cadence de production satisfaisante".

Dès cette année, l'armée ne recevra que huit Rafale (sur les 11 prévus) puisque l'Egypte souhaite en recevoir trois d'ici début août, pour l'inauguration du canal de Suez élargi. On comprend mieux pourquoi Paris a dit espérer "un effet boule de neige". L'Inde, le Qatar, les Emirats Arabes Unis et, à plus long terme, la Malaisie figurent parmi les acheteurs potentiels après l’Egypte.

Violette Robinet