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Gouvernement

Qui est Jean-Jacques Urvoas, le nouveau ministre de la Justice qui succède à Taubira?

Ami de Manuel Valls, Jean-Jacques Urvoas remplace Christiane Taubira comme ministre de la Justice. De la cohérence et de la fluidité, c'est le double objectif que vise l'exécutif en nommant place Vendôme un Breton droit sur ses principes, mais infiniment moins clivant.

En remplaçant Christiane Taubira, qui part en claquant la porte du gouvernement, par Jean-Jacques Urvoas, l'exécutif fait le choix d'une personnalité plus consensuelle. Avec le député du Finistère, jusque-là président de la Commission des lois à l'Assemblée, le gouvernement met toutes les chances de son côté pour tenter d'atténuer les polémiques sur les réformes de l'Elysée en cours: "projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, réforme de la procédure pénale" et surtout "révision constitutionnelle portant la déchéance de nationalité" pour les binationaux. 

S'il est acquis qu'il "portera aux côtés du Premier ministre" ce dernier projet, on note aussi le contraste avec la fermeté qu'il a démontré pour écarter en mars 2015 "le crime d'indignité nationale" porté par la droite. Le Monde rappelait que le parlementaire en avait appelé au philosophe Hegel et à treize historiens pour dénoncer "le peu d'intérêt de réintégrer ce crime dans le droit français".

A son crédit, Jean-Jacques Urvoas pourra faire valoir qu'il ne s'est pas opposé frontalement à la déchéance de nationalité, comme l'a fait Christiane Taubira qui avait clairement dit son opposition au projet à la radio algérienne.

Loyal à l'exécutif, ami de Manuel Valls

Jean-Jacques Urvoas est également un proche du Premier ministre, dont il est l'ami. Cela signifie-t-il que le nouveau garde des Sceaux se voit, par connivence, en simple exécutant de la volonté gouvernementale? "On plaque sur moi le prisme de Manuel Valls parce que c’est un copain. Je ne suis pas un affidé de Valls, je suis loyal", répondait-il à Libération le 4 mai 2015. 

En revanche, jusqu'à présent, sa loyauté n'était pas acquise à François Hollande. Un temps strauss-kahnien, il disait que le candidat à la présidentielle de 2012 n'avait "pas de cap", rapporte encore Libération. Lors de l'affaire de Sofitel, il avait comparé Dominique Strauss-Khan à Joseph, personnage biblique injustement persécuté. Avec habilité, on le dit "subtil", il dira plus tard que "les gens évoluent dans leurs fonctions, moi comme les autres". D'où son soutien à François Hollande lors de la primaire socialiste en 2011. Il se rapproche ensuite de Manuel Valls, avec qui il partage le même intérêt pour les questions de police et de renseignement.

Légitime et sans concessions sur les questions de sécurité

Difficile de prendre à défaut les convictions du quinquagénaire adhérent au Parti socialiste dès ses 18 ans. Après avoir monté les échelons, il a été nommé par Martine Aubry secrétaire national du PS à la sécurité en 2009, il a ferraillé avec la majorité de l'époque sur ces thèmes, prônant ainsi la suppression de la préfecture de police de Paris, "hérésie juridique qu'il est urgent d'abolir".

Lors des assassinats commis par Mohamed Merah, en mars 2012, il s'est interrogé dans un tweet sur l'action du Raid qui n'était "pas capable en 30 heures d'aller chercher un homme seul dans un appartement", avant de faire son mea culpa et rendre hommage au commando. Mais il continuera à souligner les "défaillances humaines" dans cette affaire, en particulier de la part des services de renseignement.

Auteur en 2013 d'un rapport parlementaire sur l'activité de ces services, il fut ensuite le rapporteur de la loi sur le renseignement adoptée après les attaques contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher de Vincennes. Il s'était à cette occasion opposé à Christiane Taubira sur la question du renseignement pénitentiaire.

Auteur d'un Manuel de survie à l'Assemblée

Né à Brest le 19 septembre 1959, l'ancien conseiller régional de Bretagne, Jean-Jacques Urvoas est très attaché à sa région, tout en se refusant à pratiquer le cumul des mandats. Maître de conférences en droit public à l'université de Bretagne occidentale jusqu'en 2007, il avait écrit en 2011 avec Magali Alexandre - devenue ensuite conseillère parlementaire de Manuel Valls à l'Intérieur - un Manuel de survie à l'Assemblée nationale: l'art de la guérilla parlementaire que citeront avec un malin plaisir des orateurs de la droite lors de la bataille sur le mariage homosexuel l'an dernier.

Il s'était par ailleurs vigoureusement opposé en mai dernier à la proposition de loi communiste d'amnistie sociale, concernant des délits commis lors de conflits sociaux, et qui a été finalement enterrée par la majorité socialiste de l'Assemblée. Féru de lettres et d'histoire, il confesse aussi sur son blog son admiration pour Mylène Farmer.

David Namias