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Gouvernement

Que peut (encore) faire l’Etat en Corse ?

Avocats, magistrats et greffiers devant le tribunal d'Ajaccio, mercredi matin

Avocats, magistrats et greffiers devant le tribunal d'Ajaccio, mercredi matin - -

Détention d'armes, attentats, assassinats en série... La mort d’Antoine Sollacaro, l’avocat d’Yvan Colonna, relance le débat de l'action de l’Etat dans l’île.

Quinzième homicide de l'année en Corse. Cette fois, c’est un homme de loi, un avocat, qui a été visé. Antoine Sollacaro, ancien défenseur d’Yvan Colonna et de l’ex-dirigeant nationaliste Alain Orsoni, est mort mardi, tué par balles à Ajaccio.

Assassinats en série

Ces dernières semaines, les assassinats se sont multipliés en Corse. Quelques heures avant Antoine Sollacaro, c’est le cadavre d’un ancien militant nationaliste, Jean-Dominique Allegrini-Simonetti, qui a été retrouvé dans une voiture.

Un problème épineux pour le gouvernement. "Il faut bien se rendre compte que nous héritons d'une situation extrêmement difficile, a expliqué Christiane Taubira sur RTL. Sur ces difficultés, nous n'allons pas faire de procès à nos prédécesseurs parce que la situation est extrêmement lourde", a-t-elle ajouté.

Un séminaire gouvernemental à l'agenda

Mais il faut agir. Dès mercredi, la Garde des sceaux et le ministre de l’Intérieur Manuel Valls ont annoncé un déplacement en Corse pour novembre. Jean-Marc Ayrault, lui, souhaite une directive de politique pénale spécifique à la Corse, et a commandé aux deux ministres "des propositions sur la stratégie globale de lutte."

Et un séminaire gouvernemental aura lieu la semaine prochaine. Le ministre de l'Economie et des finances Pierre Moscovici y sera associé, ainsi que Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget. Car il s'agit aussi de mieux lutter contre "les aspects fiscaux" du crime organisé : les trafics et luttes de pouvoir des groupes mafieux ont des conséquences négatives sur l'économie de l'île.

En Conseil des ministres mercredi, François Hollande a lui aussi relevé que "la violence en Corse n'est pas nouvelle mais a changé de nature et d'intensité. Elle est aujourd'hui essentiellement liée à des réseaux, des clans, des règlements de compte avec un nombre de morts qui n'a cessé de progresser et qui n'est aucunement acceptable dans notre République", a-t-il dit, selon la porte-parole de l’Elysée Najat Vallaud-Belkacem.

Le préfet, un fonctionnaire qui brille par son absence

Des décisions, des déclarations... Mais cela suffira-t-il ? "L'histoire des relations entre la Corse et l'Etat depuis trente ans a montré que ce dernier avait très régulièrement péché par inconstance, et souvent mobilisé ses services sous le coup d'un événement dramatique et d'une émotion populaire", explique Jacques Follorou, spécialiste de la Corse.

Or si le nombre de morts progresse en Corse, le nombre de fonctionnaires dans l'île, par exemple, chute. D’après des données de l’Insee, ils étaient 12.593 en 2008, contre plus de 16.000 en 2002. En 2008 toujours, plus de la moitié des fonctionnaires de l'île n’était pas née en Corse (58,7%).

Et s'il est un fonctionnaire qui brille par son absence, c'est le préfet de police. Une situation dénoncée par le président du Conseil exécutif de Corse, Paul Giacobbi, qui est aussi député PRG de Haute-Corse. Ce mercredi, il a réclamé sur France Inter le retour dans l’île d'un préfet de police, "personnification de l'action répressive de l'Etat qui est décidé à défendre une société menacée". Une personnalité qui permettrait de "rétablir la coordination entre gendarmerie et police".

Paul Giacobbi demande aussi que les magistrats corses "se rencontrent beaucoup plus, pour que l'action publique soit coordonnée". Une meilleure coordination entre les services de l'Etat : la baisse de la criminalité en Corse pourrait commencer par là.

Ariane Kujawski