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"Le président veut renverser la table": ce que réservent les annonces de Macron

Emmanuel Macron

Emmanuel Macron - Benjamin Cremel - AFP

Selon nos informations, le chef de l'État prévoit de faire des annonces en deux temps, d'abord à travers une allocution solennelle, puis via des interventions médiatiques soigneusement calibrées.

Dans l'épais brouillard qui succède au grand débat national, une chose semble certaine: Emmanuel Macron ne va dégainer aucune baguette magique pour transformer la France. Dépourvu de cet outil circonscrit aux contes de fées, le chef de l'État a prévu malgré tout de faire des annonces fortes la semaine prochaine. L'attente est à la mesure des troubles que traverse le pays depuis l'automne. "Si on accouche d'une souris, c'est risqué", s'inquiète un très proche du président auprès de BFMTV. 

L'une des obsessions d'Emmanuel Macron est d'éviter les couacs. Il garde un souvenir amer de la séquence qui a suivi son allocution du 10 décembre, celle où un coup de pouce au Smic avait été mis sur la table. Dans la foulée, ses ministres s'étaient emmêlé les pinceaux sur les plateaux de télévision. Un service après-vente raté, qui a contribué à rendre caduques, aux yeux des Français, les mesures d'urgence décidées par l'exécutif. 

Consultations jusqu'à la dernière minute

D'où l'impérieuse nécessité de soigneusement préparer ces nouvelles annonces. Depuis son retour du dernier Conseil européen mercredi, le locataire de l'Élysée a nettoyé son agenda. Il enchaîne les réunions en très petit comité, auxquelles sont conviés les membres de son plus proche entourage, ses compagnons de route, de François Bayrou au président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.

Selon nos informations, le chef de l'État va multiplier les contacts jusqu'à dimanche. Il devrait s'exprimer dans les jours qui suivent, mais pas plus tard que mercredi, afin d'imposer un hiatus entre les annonces et la mobilisation des gilets jaunes qui viendra le samedi qui suit. 

Une allocution solennelle

S'agissant de la forme, l'entourage présidentiel évoque deux temps distincts. Il devrait d'abord y avoir une allocution solennelle, afin de parler au maximum de Français, sans filtre médiatique.

"Ça n'est pas Emmanuel Macron qui parle, c'est le président de la République", résume un visiteur du soir, qui plaide pour une prise de hauteur. 

Dans la foulée, Emmanuel Macron déclinera ses annonces progressivement, selon un calendrier qui reste à définir, sans doute via la presse quotidienne régionale, la télévision nationale et des déplacements sur le terrain.

Il veut "renverser la table"

Mais pour dire quoi? Un ministre prévient BFMTV: "Je ne pense pas que ce sera le soir du Grand soir." Autrement dit, inutile de s'attendre à un "package" de mesures - pour reprendre un terme qu'affectionnent les macronistes - annoncé clefs en main. "La sortie sera forcément décevante", reconnaît un autre membre du gouvernement. Un autre assure que "le président veut aller très loin, renverser la table".

"Il n'ira pas jusqu'à une VIe République, mais il y aura des changements dans la manière de faire la loi." Le référendum, en revanche, serait "plutôt mis de côté pour l'instant". Son usage était pourtant brandi par de nombreux soutiens d'Emmanuel Macron.

Des pistes concrètes se dessinent néanmoins. Parmi elles, celle d'un potentiel "service public de la pension alimentaire": en cas de non-versement de la pension, l'État s'en porterait garant et se réserverait le droit de s'attaquer au conjoint fautif. 

Autre proposition, portée par La République en marche: la création d'une Loi d'initiative citoyenne (LIC). À partir d'une pétition, une "conférence de consensus" est organisée et si elle aboutit, la proposition est envoyée au Parlement, qui la soumet au vote. "Ça ne délégitime pas la démocratie représentative", plaide-t-on au sein du gouvernement. 

Impôt plus progressif

Côté fiscalité, une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu semble actée. Pour réduire les dépenses, un ministre estime qu'il faut se demander "ce qui relève ou non de la compétence de l'État: l'audiovisuel par exemple? La gestion des aéroports?" Une interrogation qui fait écho à la polémique actuelle autour de la privatisation d'ADP. 

Parmi les mesures plus symboliques, une "réforme" de l'ENA (et non sa suppression) est toujours sur la table. Un ministre évoque par ailleurs le Sénat, qui doit "redevenir une vraie chambre des territoires": 

"Pourquoi ne pas faire en sorte que tous les présidents de département ou de région puissent en être membres de droit?"

"Le colosse a peut-être un pied d'argile"

Au-delà de la question du contenu des annonces, Emmanuel Macron sait bien que sa parole sera loin de suffire. C'était d'ailleurs, de façon évidente, la logique sous-jacente de son récent propos sur les "66 millions de réponses" impossibles à donner. "Il nous faut six mois" de temps d'application des mesures, prévient un ministre.

Un autre se montre plus grave: "Le président de la République est très fragilisé par cette révolution permanente. Le colosse a peut-être un pied d’argile. Mais pas deux."

"Les annonces ne calmeront pas les gilets jaunes. Il y a un fond de cuve", grince par ailleurs un ami du chef de l'État. En début de semaine, le même nous assurait que rien, pour l'heure, n'était arrêté hormis quelques éléments. "On ne peut pas faire de l'eau tiède", déclare un intime. 

"Le président a conscience qu'il joue son va-tout: si ça ne marche pas, on retombe dans des semaines de violences", abonde un ministre.

"De l'audace sans exploser les déficits"

Un propos immédiatement tempéré par le constat suivant, dressé par un proche: "Ça ne sert pas à grand-chose de dire qu'on va renverser la table. Il faut trouver la bonne alchimie entre l'audace, continuer à prendre des risques mais sans exploser les déficits." 

Comme souvent dans un moment de crise, le premier magistrat de France parcourt donc une ligne de crête. Particulièrement étroite, cette fois-ci. Côté audace, l'entourage d'Emmanuel Macron dit miser beaucoup "sur le renouveau du système démocratique". Tout un chantier. Un ami du président le résume de façon sibylline:

"Ce ne sera pas un point final, mais un point de départ." 
Jules Pecnard et le service politique de BFMTV