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Le grand débat national va-t-il déboucher sur la création d'un "nouveau" conseiller territorial?

Emmanuel Macron (photo d'illustration).

Emmanuel Macron (photo d'illustration). - AFP

Évoqué avec insistance par ministres et caciques de La République en marche, le retour du conseiller territorial permettrait au gouvernement de brandir une solution mêlant baisse des dépenses et réduction du "mille-feuilles" administratif.

Sortir du grand débat national en répondant aux attentes multiples de la population, tout en annonçant des mesures fortes et identifiables. Tel est le défi auquel est confronté le gouvernement. Celui-ci a rendez-vous à l'Assemblée nationale le 9 avril, dans une semaine, pour présenter la somme des doléances citoyennes, passées à la moulinette des députés durant une série de réunions tout au long du mois de mars. 

Parmi les options qui reviennent en boucle depuis plusieurs jours, il y a celle du "retour" du conseiller territorial. Instaurée par Nicolas Sarkozy en 2010 avant d'être supprimée sous François Hollande, cette nouvelle forme d'élu siégerait à la fois au département et en conseil régional. L'objectif étant, in fine, d'entraîner la suppression d'un nombre important de postes d'élus de part et d'autres. 

Supprimer "entre 3000 et 4000 élus"

"C'est une solution qui a été mise sur la table. [...] Tout cela est parti du fait qu'il y a eu redécoupage des régions, que les régions sont très grandes [...] C'est une manière de répondre au manque de proximité", a déclaré lundi la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, sur Public Sénat. Une manière de pointer du doigt les limites de la loi NOTRe entrée en vigueur durant le précédent quinquennat.

Dans un entretien accordé aux Échos, le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, évoque quant à lui l'idée d'une "France à la carte", avec des départements et des régions qui auraient liberté de fusionner via des référendums locaux. 

Les deux propositions, complémentaires, ne doivent pas être confondues. Elles donnent néanmoins une notion de la martingale dont Emmanuel Macron pourrait se saisir pour sortir du grand débat national.

"La mise en place du conseiller territorial, ça nous permettrait de dire qu'on supprime entre 3000 et 4000 élus, et que ceux qui demeurent seront plus ancrés dans les territoires. Ce n'est pas rien", résume un pilier du groupe La République en marche auprès de BFMTV.com. 

"Saucissonnage délirant"

Le ministre chargé des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, a récemment accordé une longue interview à La Tribune sur ces questions. Il y déclare que "le conseiller territorial est [...] une réponse à expertiser". Avec, derrière, l'idée de réduire le mille-feuilles administratif et de clarifier le rôle de chaque échelon vis-à-vis de nos services: Pôle emploi, Ademe, CAF, dépendance, petite enfance, etc. "Au niveau des établissements scolaires, par exemple, le saucissonnage est délirant", se plaint Jean-François Eliaou, député LaREM de l'Hérault.

Une source au sein du gouvernement confirme qu'il est envisagé de "créer une sorte de conseiller territorial 'nouvelle version', dans la mesure où le but à l'époque de Sarkozy était de faire disparaître petit à petit le département, alors qu'aujourd'hui ce serait un peu l'inverse".

Et de préciser que le nombre de suppressions de postes d'élus se situerait plutôt autour de 1700: "Le nombre actuel de conseillers régionaux, pour faire court." 

Les Français "attachés au département"

Cette permutation découle du constat, fait par de nombreux parlementaires sur le terrain, de l'éloignement entre les Français et leurs instances régionales. "Ils identifient une grande partie des conseillers départementaux. Pas les conseillers régionaux, élus à la proportionnelle. Et puis, les Français sont attachés aux départements. C'est l'héritage révolutionnaire", rappelle un proche d'Emmanuel Macron. 

"Il y a deux mois, le président n'était pas très chaud, sur le conseiller territorial. Aujourd'hui on me dit qu'il l'est beaucoup plus. Après, si on le fait, ça veut dire qu'on supprime le binôme à la tête de chaque canton, ce qui risque de poser problème en termes de parité", prévient cet élu. 

"Package décentralisation"

Pour le député LaREM des Hauts-de-Seine Jacques Maire, qui a co-animé les fameuses réunions thématiques du mois de mars, il faut "faire sauter le nombre de collectivités". "Le conseiller territorial est une solution, car elle permettrait de rapprocher l'État du citoyen. Mais ce serait largement insuffisant", prévient-il. 

"C'est une mesure, oui, mais forte, non", abonde Martine Wonner, députée du Bas-Rhin. "Il faudra une explication derrière. Mais ça correspond aux attentes de simplification qu'ont les électeurs. Il faudra toutefois éviter les redondances et la gabegie."

Au sein de l'exécutif, on assure que, si la mesure a l'avantage d'être "visible" pour les électeurs - en d'autres termes, d'être comprise -, elle ferait partie de tout un "package décentralisation". "Il y aura sans aucun doute des 'surprises du chef'. Mais je ne vois pas comment le président pourrait avoir passé des dizaines d'heures avec les élus locaux sans qu'il y ait une forme de réponse concrète de ce type", ajoute-t-on.

Mise en place en 2021?

Quoi qu'il en soit, si le conseiller territorial devait réapparaître, son entrée en fonction ne se ferait pas avant 2021, année des prochaines élections départementales et régionales. Un calendrier qui laisse au gouvernement le temps de convaincre les associations d'élus, toutes aux mains de la droite modérée. "Dominique Bussereau (départements) était contre mais s'est rétracté auprès du Monde, François Baroin (communes) est neutre et Hervé Morin (régions) est contre", énumère une source ministérielle. 

Un député de la majorité résume bien les choses: "Ça ne va pas faire rentrer les gens à la maison, mais ça peut faire partie d'une stratégie: celle visant à réduire les dépenses publiques. Et puis, simplifier les strates administratives, c'est une demande du peuple." 

Jules Pecnard