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Justice et politique: Bayrou veut renforcer l'indépendance des magistrats

Emmanuel Macron avait proposé pendant la campagne d'aligner la nomination des magistrats du parquet sur celle des juges.

Emmanuel Macron avait proposé pendant la campagne d'aligner la nomination des magistrats du parquet sur celle des juges. - AFP

Le garde des Sceaux a annoncé, à l'occasion de la présentation des mesures en faveur de la moralisation de la vie publique, une réforme constitutionnelle visant à renforcer l'indépendance des magistrats du parquet vis à vis du pouvoir politique.

"Je suis un défenseur et un protecteur de l’indépendance des magistrats." François Bayrou a annoncé vouloir instaurer "un choc de confiance" à l'occasion de la présentation des mesures qui figureront dans la loi de moralisation de la vie publique. Aux côtés de la limitation du nombre de mandats, de l'interdiction des emplois familiaux ou encore de l'encadrement des activités de conseil des parlementaires, figure une réforme constitutionnelle portant notamment sur l'indépendance des magistrats du parquet.

Alors que le garde des Sceaux a défendu l'un de ses objectifs visant à "garantir l'exercice équilibré de la démocratie", il a estimé que "l’indépendance des magistrats est la garantie du fait que les citoyens sont égaux devant la loi" après avoir été interrogé sur l'affaire Ferrand. Une mesure-phare, souhaitée par les syndicats de la magistrature, alors que des soupçons récurrents pèsent sur la justice et les magistrats du parquet, notamment dans le cadre d'affaires portants sur des hommes politiques. Derniers exemples en date: l'affaire Ferrand ou l'affaire Fillon.

"Les soupçons récurrents d’intervention du pouvoir exécutif dans le traitement des affaires démontrent que la crédibilité d’une telle réforme exige un Conseil supérieur de la magistrature rénové et une réelle indépendance des magistrats du parquet", écrit l'Union syndicale des magistrats (USM).

Une réforme votée en congrès

Lors de la campagne, Emmanuel Macron avait indiqué vouloir que les nominations des membres du parquet - les représentants du ministère public - soient "alignées sur celles des magistrats du siège". Aujourd'hui, les procureurs, vice-procureurs, substituts ou encore avocats généraux sont nommés par décret signé par le président de la République, sur proposition du ministre de la Justice. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), "garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire", donne un avis simple sur ses candidatures que l'exécutif est libre ou non de suivre. Pour les magistrats du siège - juges, président de juridictions... - le CSM a la priorité.

En 2013, un projet de loi constitutionnelle instaurant que le garde des Sceaux propose un autre candidat en cas d'avis non conforme du CSM avait été adopté avant que le gouvernement de l'époque ne le suspende. Cette fois, si ce renforcement de l'indépendance des magistrats du parquet était mené, il passerait par une réforme constitutionnelle plus large. Pour qu'elle soit adoptée, le Parlement devra être réuni en Congrès. Le gouvernement devra alors obtenir la majorité des 3/5e. En cas d'échec, le ministre de la Justice a, d'ors et déjà, répondu que le président de la République décidera de la suite à tenir pour cette réforme.

Suppression de la CJR

Du côté des magistrats, on se félicite de ce projet, tout en restant prudent. "Nous n’avons pas de précision sur le contenu, rappelle sur BFMTV Olivier Janson, secrétaire général adjoint de l'USM. Il faudra qu’il s’agisse d’une réforme réelle, profonde, pas juste homéopathique. Il faut que les procureurs qui sont en charge de faire en sorte que les enquêtes qui seraient menées contre des élus, éventuellement soupçonnés d’un certain nombre de malversations, que ces procureurs eux-mêmes soient nommés dans des conditions d’indépendance totale. C’est la clé de voûte."

"Cette notion de vouloir donner l’indépendance à la justice, on l’a à peu près tous les six mois. Tant que je n’ai rien vu, que ce n’est pas voté, je n’applaudis pas", prévient Virginie Duval, la présidente de l'USM, qui rappelle que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature devra également être mené.

Outre le renforcement de l'indépendance du parquet, François Bayrou a annoncé la suppression de la Cour de justice de la République (CJR) afin de garantir, selon lui, une égalité des citoyens face à la justice. La CJR, composée de parlementaires et de magistrats, est la seule juridiction compétente pour juger des crimes ou délits commis par des ministres dans l'exercice de ses fonctions. "Cette disposition mettrait fin à un scandale qui consiste d’avoir actuellement des procédures extrêmement importantes qui finissent par donner lieu à des jugements où la CJR fonctionne de telle manière que les juges sont, dans la grande majorité, des élus, se félicite Olivier Janson. C’est quand même assez anachronique."

Justine Chevalier