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"Il reclive et donc ressoude": comment Gabriel Attal tente de devenir le chef de la majorité

Le Premier ministre Gabriel Attal arrive à l'Elysée, le 12 janvier 2024.

Le Premier ministre Gabriel Attal arrive à l'Elysée, le 12 janvier 2024. - Ludovic MARIN / AFP

Trois mois après sa nomination en tant que Premier ministre, Gabriel Attal s'active pour rallier l'ensemble de la majorité derrière lui. Ses initiatives politiques plaisent, mais quelques tensions naissantes planent au-dessus de Matignon.

Le chef du gouvernement veut devenir chef de la majorité. Le 9 janvier dernier, Gabriel Attal devenait le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Trois mois plus tard, un gouvernement formé et plusieurs crises traversées, le locataire de Matignon veut imposer son leadership au Parlement.

Matinées sanctuarisées, questions au Premier ministre, objectif de 2027... Gabriel Attal essaye de se détacher, au prix de frustrations chez certains macronistes.

Une "partition en solo"?

Dans un premier temps, Gabriel Attal a voulu instaurer des rendez-vous avec la majorité. Il a d'abord demandé à sanctuariser ses mardis matin pour se consacrer aux parlementaires. Des petits-déjeuners avec les chefs de la majorité sont aussi organisés, tout comme une réunion de groupe de Renaissance chaque semaine et de temps en temps avec les groupes Modem et Horizons. Chaque mois, il s'est engagé à participer à la réunion de l'intergroupe.

"Il faut quand même les choyer. Encore plus dans un contexte de majorité relative. C'est un signe de respect. Pour sentir le pouls aussi, c'est important", explique à BFMTV l'équipe du Premier ministre.

Un proche poursuit: "Il a avec eux un vrai discours de vérité - quand il peut y avoir des récriminations sur certains fonctionnements - qui est de dire: 'je comprends parfaitement parce que j'ai été à votre place.'"

Une attitude qui peut diviser certains membres de la majorité. Un cadre salue: "Attal repolitise, il reclive et donc ressoude les troupes. Les députés en avaient besoin." Tandis qu'un parlementaire qui connaît bien l'élu de 34 ans se montre plus piquant.

"Il joue très peu collectif au sein du gouvernement", constate-t-il, "entre ceux qu'il laisse tranquille parce qu’il n'a pas le choix (Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu et Éric Dupond-Moretti), ceux qui sont les recrues du président (Rachida Dati et Catherine Vautrin) et ceux qu’il lâche (Amélie Oudéa-Castéra) ou ignore (tous les autres). Il joue sa partition en solo et ne s’intéresse pas à l’orchestre."

Convaincre l'aile gauche de la macronie

Outre les rendez-vous et diverses attentions, des parlementaires se plaignent de ne pas avoir de feuilles de route claires, plus de grand texte à l'horizon. Ce qui est démenti du côté de Matignon en citant des gros dossiers à venir: logement, culture, simplification, fin de vie, fonction publique, loi Egalim 3, travail… Tout en reconnaissant qu'il y a encore beaucoup d'interrogations sur l'agenda.

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Les arbitrages doivent désormais être pris entre l’Élysée et Matignon.

Les frustrations peuvent aussi être personnelles. "Beaucoup de parlementaires ont été réélus en 2022 pour un second mandat, développe un conseiller de l'exécutif. Les plus chevronnés sont devenus des experts avec comme aspirations d’entrer au gouvernement. Ça a créé beaucoup d’exaspérations, de frustrations, d’aigreur."

Et d'ajouter: "Il faut un temps de cicatrisation. Mais on aura besoin de tous ces gens pour bosser sur les textes. Il y aura du travail pour tout le monde."

Gabriel Attal a d'ailleurs reçu cette semaine à dîner une trentaine de parlementaires de l'aile gauche de la majorité, difficiles à convaincre. "S’ils avaient vraiment envie d’être dissidents, est-ce qu’ils viendraient dîner à Matignon avec le Premier ministre?", tempère son entourage.

À la sortie, les participants se sont montrés plutôt conquis. "Il fait de la politique avec nous, c'est déjà bon signe, concède un député Renaissance. Il prend des engagements et fait en sorte de tenir ses promesses auprès de nous. Pourvu qu’il tienne le rythme… Mais il a l'âge pour lui."

Tensions avec Braun-Pivet

Autre sujet qui anime la majorité: les tensions entre Gabriel Attal et Yaël Braun-Pivet. Pour rendre les débats à l'Assemblée plus attrayants, la présidente de l'Assemblée cherchait une nouvelle formule, proposée tout d'abord à Élisabeth Borne qui l'avait refusé: réserver les questions au gouvernement (QAG) du mercredi aux réponses du Premier ministre qui, aujourd'hui, doit réserver ses réponses aux présidents de groupe.

Favorable, Gabriel Attal serait prêt à se plier à l'exercice mais ses débuts n'ont pas été marqués par une relation très chaleureuse avec la présidente de l'Assemblée: "Elle n'a pas apprécié sa sortie dans la presse laissant croire que cette formule du mercredi était son idée", relate une cadre de la majorité.

"Lorsqu'ils peuvent se faire des crasses, ils n'hésitent pas", confie cette même source.

Pour l'instant repoussé, ce nouveau rendez-vous ne pourra être l'initiative que de Yaël Braun-Pivet qui décide de l'agenda à l'Assemblée. Ce qui fait dire à un député de la majorité, un peu railleur: "Il risque d’épuiser tout le monde à commencer par lui-même. Il dit qu’il faut que les ministres sortent de l’ombre mais veut privatiser la lumière."

Attirer la lumière pour 2027? La succession d'Emmanuel Macron se fait sentir et certains ne veulent pas laisser un boulevard à Gabriel Attal en vue de la prochaine présidentielle. Sur cette question, l'entourage du Premier ministre met en avant le groupe: "Si on ne se serre pas les coudes et si on ne joue pas collectif, il n'y aura d'aventures individuelles pour personne. Le quinquennat n'avancera pas et se finira mal."

Loïc Besson et Thomas Soulié avec Théo Putavy