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Grand débat national: un référendum à choix multiple est-il envisageable?

Un isoloir lors d'une élection (photo d'illustration).

Un isoloir lors d'une élection (photo d'illustration). - Jean-Sébastien Evrard - AFP

Jamais utilisé en France à l'échelle nationale, cet outil suscite des avis divergents chez les soutiens d'Emmanuel Macron.

Une solution peut-elle tenir en quatre mots? Depuis un mois, l'exécutif réfléchit à la manière dont il pourra traduire en mesures concrètes les "doléances" exprimées par les Français au cours du grand débat national. À La République en marche, certains suggèrent de se limiter à la voie parlementaire en faisant voter une série de textes forts. D'autres, à l'instar du sénateur François Patriat, patron du groupe LaREM au Sénat, se sont faits les promoteurs réguliers du référendum à choix multiple.

Cet outil aurait l'avantage de permettre à Emmanuel Macron de s'adresser directement au peuple, sans filtre. Dans L'Opinion ce lundi, François Patriat va jusqu'à affirmer que le chef de l'État "doit se relégitimer par un vote". Un propos qu'il tenait déjà dans les colonnes du Monde fin décembre, déclarant que le gouvernement "ne pourra pas s'exonérer de consulter les Français".

Plusieurs référendums d'un coup

Dans l'esprit de ses défenseurs, le référendum à choix multiple porterait essentiellement sur des mesures institutionnelles: réduction du nombre de parlementaires, introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives, mise en place du vote obligatoire, reconnaissance du vote blanc... Des sujets qui entrent, moyennant quelques contorsions, dans le champ de l'article 11 de la Constitution.

"Pour mettre en œuvre le référendum à choix multiple, il y a deux manières, dont les avantages et les inconvénients relèvent uniquement du prisme politique", résume le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, contacté par BFMTV.com. "Le référendum doit nécessairement porter sur un projet de loi rédigé par le gouvernement, qui est ensuite soumis aux Français; donc soit le projet de loi contient plusieurs dispositions, auquel cas on peut répondre par oui ou par non; soit l'exécutif provoque plusieurs référendums en une fois."

Cette seconde option permettrait, en toute hypothèse, d'éviter le scénario de 2005, lorsqu'un Jacques Chirac déjà impopulaire s'est vu gravement désavoué par le "non" au traité constitutionnel européen.

"Perdre un référendum pose plus de problèmes que d'avoir une majorité de 'non' sur un sujet et de 'oui' sur un autre", ironise Bertrand Mathieu.

Lequel cite d'ailleurs l'exemple du référendum de 1969, à l'occasion duquel le général De Gaulle interrogeait les Français à la fois sur la création des régions et sur la fusion du Sénat avec le Conseil économique et social. Deux réformes, donc, dans un projet de loi.

Il y a également le cas, très spécifique, du référendum local de 1987 sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, où les citoyens n'ont pas eu simplement à choisir entre "oui" ou "non".

"Frilosité"

S'il se dit favorable à une consultation directe beaucoup plus fréquente des Français, le sénateur LaREM de Paris Julien Bargeton s'interroge pour sa part sur la faisabilité du référendum à choix multiple.

"Comment on va faire pour le dépouillement? On va avoir une victoire du 'oui' par ci, du 'non' par là... Ça risque de brouiller les cartes plus qu'autre chose", prévient-il.

Pour l'élu parisien, il serait préférable de mettre en place une sorte de référendum annuel.

"Dans une démocratie moderne, il faut qu'on consulte plus régulièrement les citoyens sur les grands sujets... Mais le corollaire, ce serait de mettre en place le vote obligatoire et de reconnaître le vote blanc", estime Julien Bargeton.

"C'est une fausse piste", nous confiait il y a peu le député MoDem du Finistère Erwan Balanant. "Ce qui représente l'essence de la démocratie, ce n'est pas le référendum; c'est l’engagement associatif, le local, la participation directe des citoyens dans la vie démocratique."

François Patriat, lui, regrette auprès de BFMTV.com la "frilosité" de ses collègues députés sur cette question.

"J'en ai discuté plusieurs fois avec Gilles Le Gendre (président du groupe LaREM au palais Bourbon, NDLR). Il ne veut pas s'aventurer en terrain inconnu", observe le sénateur.

Et d'ajouter: "Dans les circonstances actuelles, ça peut se comprendre."

Jules Pecnard