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Gouvernement

Gestation pour autrui : les enjeux de la circulaire Taubira

La ministre de la Justice Christiane Taubira lors de son discours sur le mariage homo, le 29 janvier 2013, à l'Assemblée nationale..

La ministre de la Justice Christiane Taubira lors de son discours sur le mariage homo, le 29 janvier 2013, à l'Assemblée nationale.. - -

La circulaire envoyée vendredi par la ministre de la Justice concernant les enfants issus de la gestation pour autrui provoque un énorme tollé. Explications de texte.

Alors que le débat parlementaire sur le mariage homosexuel vient de débuter, la circulaire envoyée vendredi par la ministre de la Justice Christiane Taubira aux tribunaux provoque un tollé à droite.

Ce texte ne vise pourtant pas à légaliser la très controversée gestation pour autrui (GPA), mais à faciliter l’obtention d'un papier attestant de la nationalité française des enfants issus de GPA. Une obtention déjà autorisée de fait par la loi, mais pas tout le temps appliquée dans les faits. Décryptage.

Que dit la circulaire de la ministre Taubira ?

Ce texte demande avec "application immédiate" aux tribunaux de ne plus refuser la délivrance de la nationalité française au seul motif qu'elle concerne des enfants nés de mères porteuses à l'étranger.

Dès lors que l'enfant né à l'étranger dispose d'un acte civil prouvant qu'il a au moins un parent français, il devient automatiquement français, selon l'article 18 du Code civil. Cette circulaire est donc un rappel de la loi.

Que disent les opposants ?

De nombreuses voix à droite s'élèvent mercredi contre cette circulaire. C'est le cas du député UMP Daniel Fasquelle, qui affirme qu'il s'agit non pas d'un rappel à la loi, mais "d'une modification du droit".

"Jusqu'à présent, les instructions données aux administrations étaient de refuser de délivrer la nationalité française dès lors qu'il y avait suspicion de gestation pour autrui", nous explique le député.

En réalité, il n'y a jamais eu d'instructions en ce sens. En revanche, en avril 2011, la Cour de cassation a rejeté la demande de transcription en droit français de trois actes de naissance étrangers établissant la filiation, car il y avait une suspicion de gestation pour autrui.

Depuis, certaines administrations feraient preuve de "mauvaise volonté" en cas de suspicion de gestation pour autrui, s'appuyant sur cette jurisprudence.

Mais pour la Chancellerie, l'inscription à l'état civil d'un pays étranger n'empêche pas la délivrance d'un papier prouvant la nationalité française. D'ailleurs, "la circulaire ne concerne pas la transcription des actes d’état civil étrangers sur le registre d’état civil français", affirme-t-on à la Chancellerie, mais "cette question est à l'étude".

Qu'est-ce-qu'une circulaire ?

C'est un texte qui émane généralement d'un ministre, et qui est adressé à ses subordonnés pour leur donner des instructions. Il y en a plusieurs milliers chaque année.

Ces instructions peuvent être un simple rappel d'une loi ou d'une jurisprudence, on parle dans ce cas d'une circulaire non impérative. Dans d'autres cas, il peut s'agir d'une circulaire impérative, lorsque ces instructions introduisent de nouvelles règles de droit.

Peut-on contester une circulaire ?

Oui, quand il s'agit d'une circulaire introduisant de nouvelles instructions, car le ministre n'a pas de pouvoir réglementaire, il ne peut édicter une norme. Si quelqu'un estime qu'il y a eu un excès de pouvoir, il peut attaquer la circulaire devant le Conseil d'Etat.

Ce fut le cas récemment pour la circulaire supprimant le terme "mademoiselle" des formulaires, et attaquée par une association, finalement déboutée dans sa demande. Et cela va être le cas pour la circulaire sur la gestation d'autrui, alors même que le cabinet de la ministre de la Justice affirme que ce n'est qu'un rappel de la loi, donc non attaquable. Le Conseil devra trancher.

Les fonctionnaires sont-ils obligés de l'appliquer ?

"Oui, car un agent public est obligé d'appliquer les décisions de son supérieur, sauf si elles sont manifestement illégales", nous explique Fabrice Malleray, spécialiste du droit administratif.

"Il peut y avoir une mauvaise volonté administrative à appliquer les instructions d'une circulaire, comme ce fut le cas pour les circulaires concernant les expulsions d'immigrés sans-papiers il y a quelques années, mais je n'ai jamais vu d'opposition ou de refus frontaux. La circulaire n'a pas de valeur légale, et ne substitue pas à la loi, mais en pratique, elle est appliquée comme telle."

Alexandra Gonzalez