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Gouvernement

François Bayrou incapable de peser sur la majorité présidentielle

François Bayrou le 17 décembre 2017 à Paris.

François Bayrou le 17 décembre 2017 à Paris. - PHILIPPE LOPEZ / AFP

Allié de poids d'Emmanuel Macron pendant la campagne et durant les premiers mois de son mandat, François Bayrou craint que son parti ne soit pas davantage impliqué dans les décisions prises par la majorité et l'exécutif. Exemple récent, le choix du candidat LaREM pour la présidence de l'Assemblée, pour lequel le MoDem n'a pas eu son mot à dire.

C'était la plus belle prise d'Emmanuel Macron à la fin de la campagne présidentielle. Près de deux ans plus tard, l'allié centriste du président ne cache pas son inquiétude. Dans un entretien au Figaro, François Bayrou partage la crainte de son parti de ne pas compter pour grand chose dans l'appareil actuel. Il a été alerté par les membres de son parti, qui lui ont demandé de se faire entendre. Il s'y attelle donc, car les raisons de cette inquiétude sont plurielles en cette rentrée politique.

Après avoir accepté de faire alliance avec Emmanuel Macron en vue de la présidentielle, François Bayrou avait été récompensé aux législatives, la majorité revenant à l'alliance LaREM/MoDem, mais surtout quelques semaines après l'élection présidentielle, en étant nommé ministre de la Justice. Un beau come-back pour le maire de Pau, mais qui n'aura duré qu'un mois. Poussé à la démission par l'enquête sur les soupçons d'emplois fictifs des assistants parlementaires du MoDem, il est parti en emmenant avec lui son bras droit Marielle de Sarnez, brièvement nommée à l'Europe et aux Affaires étrangères, et Sylvie Goulard, en charge des Armées.

Quand il refusait de "critiquer de l'intérieur"

Depuis, le gouvernement ne compte plus que deux représentantes du parti centriste, et aucune n'est ministre d'Etat: Jacqueline Gourault, la "Madame Corse", ministre auprès de Gérard Collomb, et Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées. Lors de la conférence de presse officialisant son départ, en juin 2017, François Bayrou estimait qu'il serait "logique" que des ministres MoDem intègrent le nouveau gouvernement.

Il promettait par ailleurs d'être "à côté du président de la République pour l'aider et pour le soutenir", "fidèle à l'entente politique et personnelle" à laquelle il disait "attacher du prix". Depuis, il a plusieurs fois pris la parole pour préciser son rôle, disant notamment son refus de "critiquer de l'intérieur" ou de "créer" des fissures". Pourtant, l'actualité politique de ces derniers jours a mis en lumière une sacrée lézarde dans le mur de l'alliance MoDem-LaREM.

Il craint "une très grande émotion" chez les adhérents

Le parti centriste a annoncé qu'il présenterait son propre candidat à la présidence de l'Assemblée nationale, et c'est Marc Fesneau, le président du groupe dans l'hémicycle, qui a été choisi. Le parti de la majorité a quant à lui désigné Richard Ferrand lors d'un vote interne, sans consulter son allié. Le MoDem a donc tenu à rappeler qu'il était "l'un des deux piliers" de cette majorité. Et le député des Hauts-de-Seine Jean-Louis Bourlanges de souligner que le "MoDem n'est pas considéré comme un partenaire tout court". 

Pour François Bayrou, "ce n'est pas une affaire de parti politique, même s'il faudrait de la considération réciproque, mais une grande inquiétude chez nos adhérents sur une certaine pratique gouvernementale".

Interrogé par Le Figaro, le maire de Pau poursuit:

"Pour eux, le sens de l'élection d'Emmanuel Macron, c'était un engagement de rupture avec les pratiques anciennes et l'invention de pratiques politiques nouvelles". "C'est le 'en même temps' qu'on voit encore très bien dans certains secteurs comme l'éducation, mais qu'on ne ressent plus du tout dans d'autres", déplore aussi le leader du MoDem, qui insiste:
"Si les adhérents MoDem ont le sentiment d'être mis de côté comme mouvement, ça créera une émotion très grande", alerte François Bayrou.

Ce message n'est pourtant pas le premier du genre. Plusieurs signaux ont été envoyés à l'exécutif et à la majorité durant les mois précédents. Lors du congrès du parti centriste, en décembre dernier, le patron du MoDem appelait notamment à ne pas négliger le volet social dans la politique du gouvernement. Très attaché à la réforme des institutions, il a aussi exprimé clairement son désaccord avec les modalités décidées, parlant d'un "manquement absolu à la promesse" qu'Emmanuel Macron lui avait faite.

"Il m'arrive d'être impatient"

Au sein du parti, les avis vont de l'avertissement franc aux propos plus nuancés. "Nous ne sommes clairement pas assez entendus. Le volet social et humaniste que nous défendons n’est pas assez pris en compte par le gouvernement. Il faut que nous soyons plus revendicatifs, que nous montrions plus ce que nous sommes et que nous exprimions plus clairement nos convictions", explique à Libération le député du Loiret Richard Ramos, qui se dit pour autant "à l'aise dans cette majorité".

Après l'éclatement de l'affaire Benalla, François Bayrou avait pris soin de se mettre au diapason avec l'exécutif. Il n'y voyait pas "une affaire d'Etat" mais plutôt une "instrumentalisation politique". Dans les colonnes du Monde, fin juillet, il disait aussi ne "jamais" regretter son alliance avec Emmanuel Macron.

"Il m'arrive d'être impatient, d'être exigeant. Je voudrais que soit plus affirmée la dimension sociale", reconnaissait-il par la même occasion. 

"Tout ce qu'il a à dire, (François Bayrou) le dira lors de l'université de rentrée du MoDem", promet aujourd'hui Marielle de Sarnez. Rendez-vous donc dans le Morbihan, du 21 au 23 septembre. Le Premier ministre fera le déplacement Edouard Philippe, preuve que l'exécutif n'oublie pas de garder un oeil sur son allié. 

Charlie Vandekerkhove